LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 mai 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 316 F-D
Pourvoi n° F 22-20.632
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MAI 2024
1°/ Le directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [Adresse 2],
2°/ l'administration des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ Monsieur le chef du service régional de recouvrement de la Direction régionale des Douanes et des droits indirects du [Localité 6], dont le siège est [Adresse 9],
4°/ la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 22-20.632 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Bolloré Logistics, dont le siège est [Adresse 4], société européenne,
2°/ à M. [S] [D], domicilié, [Adresse 5] (Roumanie),
3°/ à la société US Artcrina Llc [D], dont le siège est [Adresse 8](États-Unis),
défendeurs à la cassation.
Intervenant volontaire :
La société Phillips Auctioneers Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 3] (Royaume-Uni),
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, de l'administration des douanes et droits indirects, de Monsieur le chef du service régional de recouvrement de la Direction régionale des Douanes et des droits indirects du [Localité 6] et de la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bolloré Logistics, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à la société Phillips Auctioneers Llc de son intervention volontaire.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à l'administration des douanes et droits indirects, à la directrice générale des douanes et droits indirects, à la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] et au chef du service régional de recouvrement de la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Phillips Auctioneers Ltd.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 23 mai 2022) et les productions, une sculpture, prêtée par son propriétaire américain à un musée français en vue d'y être exposée, a été placée sous le régime douanier de l'admission temporaire. Ayant été endommagée durant son exposition, elle a été confiée à la société L'Aéro, sise à [Localité 7], pour des travaux de restauration et placée, le 26 janvier 2015, sous le régime douanier du perfectionnement actif.
4. Le 17 novembre 2015, les agents des douanes, procédant à un contrôle dans les locaux de la société L'Aéro, ont constaté que la sculpture ne s'y trouvait pas.
5. L'enquête menée par l'administration des douanes a révélé qu'à la fin du mois de mars 2015, la sculpture avait été déplacée des locaux de la société L'Aéro, qu'en juillet 2015, elle avait été vendue aux sociétés Phillips Auctioneers Llc et US Consulting Associates et qu'en septembre 2015, elle avait quitté le territoire français pour le Royaume-Uni sans information du service des douanes et sans formalité douanière.
6. Le 11 avril 2016, soutenant que le régime du perfectionnement actif, sous lequel la sculpture avait été placée, n'avait pas été régulièrement apuré, l'administration des douanes a notifié à la société Bolloré Logistics, commissionnaire en douane, l'infraction de soustraction sous douane de marchandise ni fortement taxée ni prohibée placée sous un régime suspensif et, le 5 août 2016, a émis contre cette société un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme de 93 500 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
7. Après le rejet de sa contestation le 5 mai 2017, la société Bolloré Logistics a assigné l'administration des douanes en annulation du procès-verbal de notification d'infraction, de l'AMR et de la décision de rejet et a appelé en garantie les sociétés Phillips Auctioneers Ltd, Phillips Auctioneers Llc et US Consulting Associates, devenue US Artcrina Llc [D], ainsi que M. [D], représentant légal de la société US Artcrina Llc [D].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. L'administration des douanes et droits indirects, la directrice générale des douanes et droits indirects, la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] et le chef du service régional de recouvrement de la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à condamnation des sociétés Bolloré Logistics, Phillips Auctioneers Llc et US Consulting Associates, devenue US Artcrina Llc [D], à lui payer la somme de 93 500 euros et d'annuler le procès-verbal de notification de redressement du 11 avril 2016, l'AMR du 5 août 2016 et la décision du 5 mai 2017 par laquelle a été rejetée la contestation de la société Bolloré Logistics, alors « qu'en affirmant que l'administration des douanes n'aurait réclamé à la société Bolloré Logistics une créance de taxe sur la valeur ajoutée qu'au titre de la vente de la sculpture litigieuse survenue en juillet 2015, de sorte qu'il lui appartenait d'établir que cette vente donnait lieu à exigibilité de la TVA, quand les services douaniers avaient fait valoir dans leurs conclusions que le fait générateur de la TVA qu'ils avaient réclamée à la société Bolloré Logistics résidait, non pas dans la vente de l'oeuvre d'art en cause, mais dans sa soustraction à la surveillance douanière résultant du défaut de respect des obligations inhérentes au régime de perfectionnement actif sous lequel cette oeuvre avait été placée qui avait été caractérisé dès le moment où elle avait été déplacée en mars 2015 hors des locaux de la société L'Aéro où elle devait demeurer afin que l'administration des douanes puisse la contrôler, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
10. Pour annuler le procès-verbal de notification d'infraction, l'AMR et la décision de rejet, l'arrêt retient que l'administration des douanes n'a réclamé à la société Bolloré Logistics une créance de TVA qu'au titre de la vente de la sculpture survenue en juillet 2015.
11. En statuant ainsi, alors que l'administration des douanes soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le fait générateur de la TVA réclamée à la société Bolloré Logistics résidait, non pas dans la vente de la sculpture en cause, mais dans sa soustraction à la surveillance douanière résultant du défaut de respect des obligations inhérentes au régime de perfectionnement actif sous lequel cette sculpture avait été placée, défaut qui avait été caractérisé dès le moment où la sculpture avait été déplacée en mars 2015 hors des locaux de la société L'Aéro où elle devait demeurer afin que l'administration des douanes puisse la contrôler, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt disant n'y avoir lieu à condamnation de la société Bolloré Logistics à payer à l'administration des douanes la somme de 93 500 euros et annulant le procès-verbal de notification de redressement du 11 avril 2016, l'AMR du 5 août 2016 et la décision du 5 mai 2017, par laquelle a été rejetée la contestation de la société Bolloré Logistics, entraîne la cassation des chefs de dispositif disant n'y avoir lieu à condamnation des sociétés Phillips Auctioneers Llc et US Consulting Associates, devenue US Artcrina Llc [D], à payer à l'administration des douanes la somme de 93 500 euros et rejetant toutes les autres demandes formées par les parties, qui en sont la suite et s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause la société Phillips Auctioneers Ltd et condamne la société Bolloré Logistics à verser à la société Phillips Auctioneers Ltd la somme de 1 250 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Bolloré Logistics, la société US Artcrina Llc [D] et M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bolloré Logistics et condamne cette société et la société US Artcrina Llc [D] à payer à l'administration des douanes et droits indirects, la directrice générale des douanes et droits indirects, la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] et le chef du service régional de recouvrement de la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] la somme globale de 3 000 euros ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'administration des douanes et droits indirects, la directrice générale des douanes et droits indirects, la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] et le chef du service régional de recouvrement de la direction régionale des douanes et droits indirects du [Localité 6] contre la société Phillips Auctioneers Ltd et M. [D] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.