LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 mai 2024
Rejet
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 287 FS-B
Pourvoi n° V 22-22.600
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024
M. [K] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-22.600 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme [T] [P], épouse [V], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [V], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [P], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Champalaune, président de chambre, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2022), par requête du 23 mars 2022, Mme [P] a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande d'ordonnance de protection à l'égard de son conjoint, M. [V].
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. M. [V] fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction de recevoir ou de rencontrer l'enfant commun, [H], en dehors des droits de visite éventuellement conservés, ainsi que d'entrer en relation avec lui de quelque façon que ce soit, et de lui faire interdiction de se rendre au lieu de résidence de Mme [P] et de leur enfant, alors :
« 1°/ que, pour confirmer l'ordonnance de protection prise au bénéfice de l'enfant [H], la cour d'appel retient que la nécessité d'une ordonnance de protection en faveur de Mme [P] la conduit à confirmer l'ordonnance de protection fixant des mesures visant à protéger l'intégrité de Mme [P] et faisant notamment interdiction à M. [V] de recevoir ou de rencontrer Mme [P] et l'enfant [H] en dehors des droits de visite éventuellement conservés ainsi que d'entrer en relation avec eux ; qu'en se déterminant ainsi, sans motiver sa décision au regard de la situation de l'enfant [H] et constater que l'enfant serait exposé à un danger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil ;
2°/ que, subsidiairement, l'ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence au sein du couple allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ; que l'existence d'un danger pour l'enfant ne peut se déduire du seul fait que sa mère est exposée à des violences vraisemblables et à un danger ; qu'à supposer que la cour d'appel aurait fondé la protection de l'enfant sur les violences subies par la mère et le danger auquel elle est exposée, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur un tel motif, impropre à établir que l'enfant serait exposé à un danger ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 515-9 et 515-11 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 515-9 du code civil, lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu'il n'y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection.
5. Selon l'article 515-11, 1° et 1° bis, du code civil, l'ordonnance est délivrée si le juge aux affaires familiales estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. A l'occasion de sa délivrance, après avoir recueilli les observations des parties sur les mesures, le juge aux affaires familiales est compétent pour interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes qu'il désigne spécialement, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit et pour interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux qu'il désigne spécialement dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse.
6. Il résulte de ces textes que, lorsque le juge aux affaires familiales estime qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel est exposée la victime et que celle-ci est parent d'un ou plusieurs enfants, il peut, pour assurer sa protection, interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer le ou les enfants, ainsi que d'entrer en relation avec eux, de quelque façon que ce soit, autrement qu'à l'occasion du droit de visite qu'il lui a, le cas échéant, accordé, et de se rendre au domicile familial où la victime demeure avec eux.
7. Ayant retenu qu'il existait des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables les violences alléguées et le danger auquel était exposée Mme [P], la cour d'appel, qui n'avait pas à se prononcer sur l'existence d'un danger encouru par l'enfant, a estimé qu'il devait être fait interdiction à M. [V] de recevoir ou de rencontrer l'enfant commun [H] ou d'entrer en relation avec lui autrement qu'à l'occasion des droits de visite qu'elle a organisés, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.