LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-84.222 F-D
N° 00631
GM
22 MAI 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MAI 2024
La société [1], partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 10 mai 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [Z] [L] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la société Delvolvé et Trichet, avocat de la société [1], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [N] [I], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 5 août 2006, M. [N] [I] a été blessé lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme [Z] [L] et assuré auprès de la société [1].
3. Par jugement du 10 octobre 2007 devenu définitif sur l'action publique, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [L] coupable du chef de blessures involontaires et entièrement responsable du préjudice subi par M. [I].
4. A l'issue de plusieurs renvois sur les intérêts civils, le tribunal correctionnel a, par un jugement rendu le 28 novembre 2014, qualifié de contradictoire à signifier à l'encontre de l'intéressé, constaté que la partie civile ne formulait aucune demande d'indemnisation.
5. M. [I] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que l'action civile de M. [I] n'était pas prescrite, alors « qu'à défaut d'avoir été ordonnée par jugement, une décision de remise de cause n'est interruptive de prescription que si, prononcée contradictoirement en présence du ministère public et motivée par une mesure préparatoire, elle est constatée par une mention sur les notes d'audience tenues par le greffier et signées par le président en application de l'article 453 du code de procédure pénale ; qu'il en résulte que, faute d'être prononcée en présence du ministère public et de pouvoir être rattachée à un acte de poursuite ou d'instruction de nature à interrompre la prescription de l'action publique, la remise de cause prononcée en l'absence du ministère public par le juge statuant sur les seuls intérêts civils, n'est pas, en elle-même, interruptive de prescription ; qu'en jugeant toutefois le contraire, aux motifs que « la remise en cause à l'audience du 30 novembre 2012 étant prononcée contradictoirement puisque l'ensemble des parties étaient présentes, ce qui a été constaté sur la note d'audience par le greffier, signée par le président » s'agissant d'un renvoi sur les seuls intérêts civils qui avait été prononcé hors la présence du ministère public et dépourvu dès lors d'effet, la cour d'appel a violé les articles 9-2 et 10 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter le moyen tiré de la prescription de l'action civile, l'arrêt attaqué énonce notamment que la remise de cause à l'audience du 30 novembre 2012, prononcée contradictoirement à l'égard de toutes les parties, constitue un acte interruptif de prescription.
8. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
9. En effet, le caractère interruptif de prescription de la remise de cause contradictoirement décidée par la juridiction saisie sur renvoi sur les intérêts civils n'est pas soumis à la présence du ministère public, que l'article 464, alinéa 4, du code de procédure pénale rend facultative.
10. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré déclaré recevables les demandes indemnitaires présentées par M. [I], alors « la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; qu'il en va ainsi même lorsque celle-ci n'a pas comparu devant le tribunal correctionnel, dès lors qu'elle était représentée par un avocat de sorte que le jugement était bien contradictoire à son égard ; qu'en l'espèce, il résultait des mentions du jugement dont appel, contradictoire à l'égard des parties, que M. [N] [I], non comparant et représenté par son avocat, n'avait formulé aucune demande d'indemnisation, ce dont il résultait qu'il était irrecevable à présenter une telle demande, pour la première fois, à hauteur d'appel ; qu'en jugeant pourtant du contraire aux motifs que celui-ci « non comparant en première instance, n'a pu présenter aucune demande indemnitaire », la cour d'appel a statué par un motif impropre et violé l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale, ensemble l'article 424 du même code. »
Réponse de la Cour
12. Pour déclarer recevables les demandes présentées par M. [I] pour la première fois en cause d'appel, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé, non comparant en première instance, n'a pu présenter aucune demande indemnitaire devant le premier juge.
13. C'est à tort que la cour d'appel a déduit de la seule absence de comparution de la partie civile devant les premiers juges que les demandes présentées par celle-ci pour la première fois devant elle étaient recevables.
14. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.
15. En effet, l'erreur commise par le premier juge, qui a qualifié à tort sa décision de contradictoire à signifier quand celle-ci ne pouvait être, en application de l'article 425, alinéa 3, du code de procédure pénale, qu'un jugement par défaut à l'égard de la partie civile non comparante, ne saurait préjudicier à cette dernière.
16. En conséquence, ne sont pas nouvelles, au sens de l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale, les demandes de dommages-intérêts formées pour la première fois en cause d'appel par la partie civile qui, en raison de la qualification erronée du jugement, n'a pas été mise en mesure de les soumettre au premier juge par la voie de l'opposition.
17. Dès lors, le moyen doit être écarté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt-quatre.