LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mai 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 427 F-B
Pourvoi n° U 22-17.217
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024
1°/ Mme [U] [T], veuve [M], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [R] [M], domiciliée [Adresse 4], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils [V] [Y],
3°/ Mme [K] [M], veuve [O],
4°/ Mme [W] [O],
5°/ Mme [Z] [O],
toutes trois domiciliées [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° 22-17.217 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U] [T] veuve [M], Mme [R] [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils [V] [Y], Mme [K] [M] veuve [O], Mme [W] [O] et Mme [Z] [O], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [6], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 avril 2022) et les productions, [X] [M] (la victime), salarié de la société [6] (l'employeur), a été victime d'un accident le 15 décembre 1986 pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut (la caisse). Un jugement d'un tribunal des affaires de sécurité sociale du 14 septembre 1999 a reconnu que cet accident était dû à la faute inexcusable de l'employeur.
2. La victime est décédée le 10 mai 2014. Un jugement du 15 juin 2016 a dit que le décès de la victime est imputable à l'accident du travail du 15 décembre 1986.
3. Mmes [U] [M], veuve de la victime, [K] [M], [W] [O], [Z] [O] et [R] [M], cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils [V] [Y] (les ayants droit de la victime) ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de majoration à son maximum de la rente versée à la veuve de la victime ainsi que de réparation de leur préjudice moral.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes et de déclarer irrecevables leurs demandes formées pour la première fois en cause d'appel contre l'employeur, alors « que l'indemnisation complémentaire allouée à la victime d'une faute inexcusable de l'employeur est versée directement aux bénéficiaires par la caisse d'assurance maladie, qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; qu'en retenant que les demandes d'indemnisation complémentaire résultant de la faute inexcusable de l'employeur devaient être dirigées contre ce dernier, « l'employeur étant débiteur des indemnisations dans le cadre de l'action récursoire ouverte à l'organisme social », et qu'en l'espèce les ayants droit ne formulaient aucune demande de condamnation à son encontre, la cour d'appel a violé les articles L 452-1, L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
6. Selon le deuxième de ces textes, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues. La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.
7. Selon le troisième de ces textes, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu des dits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction de sécurité sociale. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être dirigée que contre l'employeur de la victime, quelque soit l'auteur de la faute et en présence de la caisse, l'instance en indemnisation des conséquences de la faute inexcusable ne peut avoir pour objet, à l'issue de sa reconnaissance, que la fixation des indemnités complémentaires et non la condamnation de l'employeur ou de la caisse, qui est seulement chargée de faire l'avance des prestations et indemnités et dispose d'un recours contre l'employeur.
9. Pour rejeter les demandes des ayants droit de la victime et déclarer irrecevables leurs demandes en cause d'appel contre l'employeur, l'arrêt énonce que les dispositions des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale font obstacle à ce que la majoration de rente ou l'indemnisation des préjudices complémentaires résultant de la faute inexcusable soient attribuées dans le cadre d'un litige opposant la seule caisse primaire aux ayants droit de la victime alors que l'employeur est débiteur des indemnisations dans le cadre de l'action récursoire ouverte à l'organisme. Il ajoute que les demandes des ayants droit à l'encontre de l'employeur constituent des prétentions nouvelles à hauteur d'appel.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que les ayants droit avaient dirigé leurs conclusions de première instance tendant à la majoration de la rente de la veuve de la victime et à la réparation de leurs préjudices tant à l'encontre de la caisse qu'à l'encontre de l'employeur qui avait été appelé en la cause devant le tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevables les demandes de Mmes [U] [M], [R] [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de son fils [V] [Y], [K] [M], [W] [O] et [Z] [O] , l'arrêt rendu le 4 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.
Condamne la société [6] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et la société [6] et condamne la société [6] à payer à Mmes [U] [M], [R] [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de son fils [V] [Y], [K] [M], [W] [O] et [Z] [O] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.