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15/05/2024 | FRANCE | N°42400257

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2024, 42400257


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 mai 2024








Cassation sans renvoi




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 257 F-D


Pourvoi n° N 22-13.577








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________>



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024


La société Lexmark international, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-13.577 co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 mai 2024

Cassation sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 257 F-D

Pourvoi n° N 22-13.577

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024

La société Lexmark international, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-13.577 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 3 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société ESI France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lexmark international, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société ESI France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société La Poste, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Paris, 3 mars 2022), rendu selon la procédure accélérée au fond, et les productions, le 25 mars 2020, la société La Poste (La Poste) a publié, en qualité d'entité adjudicatrice, un avis de marché ouvrant une procédure avec négociation relative à la fourniture de matériels d'impression, de consommables d'impression et de prestations associées pour les besoins du groupe La Poste. Cette procédure comportait six lots et était divisée en deux phases, la première ayant pour objet d'arrêter une liste restreinte de candidats, la seconde de sélectionner l'entreprise attributaire à l'issue d'une négociation.

2. Les sociétés Lexmark international (la société Lexmark) et ESI France (la société ESI) ont déposé des offres pour les lots 1 et 2. À l'issue de la phase de négociation, La Poste a attribué le marché à la société Lexmark et notifié à la société ESI le rejet de son offre pour les lots 1 et 2.

3. Saisi par la société ESI d'un recours précontractuel, le président du tribunal judiciaire a, par un jugement du 18 juin 2021, annulé la décision d'attribution des lots 1 et 2 et les actes de la procédure de mise en concurrence postérieurs à l'établissement de la liste restreinte de candidats et a ordonné à La Poste, si elle entendait poursuivre la passation du marché, de reprendre la procédure à compter du début de la phase de négociation entre les candidats figurant sur cette liste.

4. À l'issue d'une nouvelle procédure de négociation, les deux lots ont été attribués à la société ESI et La Poste a notifié à la société Lexmark le rejet de ses offres, les motifs de ce choix ainsi que le nom de l'attributaire et les caractéristiques de son offre. Les contrats ont été conclus par La Poste et la société ESI le 8 avril 2022.

5. Le 14 janvier 2022, la société Lexmark a formé tierce opposition contre le jugement du 18 juin 2021 en demandant sa rétractation et le rejet des demandes de la société ESI.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

6. Faisant valoir qu'à la suite du jugement du 18 juin 2021, une nouvelle procédure de mise en concurrence avait abouti à l'attribution des lots 1 et 2 à la société ESI et que les contrats avaient été signés, La Poste en déduit que le pourvoi est irrecevable comme dépourvu d'objet.

7. Cependant, si la conclusion des contrats met fin aux pouvoirs du juge saisi en matière précontractuelle, elle ne prive pas d'objet le pourvoi contestant la décision prise par celui-ci avant que cette conclusion n'intervienne, en effet, cette décision, si elle demeure dans l'ordre juridique est de nature à produire des conséquences, en particulier, en matière de responsabilité.

8. Il y a donc lieu de statuer sur le pourvoi.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Lexmark fait grief au jugement de rejeter sa tierce opposition, alors « qu'à la demande du requérant, le juge [du recours précontractuel] peut prendre des mesures tendant à ce que la personne morale responsable du manquement se conforme à ses obligations, dans un délai qu'il fixe, et à ce que soit suspendue l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat ; que le juge [du recours précontractuel] ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'annulation ; qu'en l'espèce, [le président du] tribunal judiciaire de Paris a rejeté le recours en tierce opposition de la société Lexmark après avoir constaté que le jugement du 18 juin 2021 avait annulé l'une des phases de la procédure ainsi que la décision d'attribution et après avoir jugé qu'il pouvait intervenir directement dans les procédures de passation des marchés des entités adjudicatrices en annulant des décisions ; qu'en statuant ainsi, quand aucune annulation ne pouvait être prononcée par le juge [du recours précontractuel], en particulier à l'encontre d'une décision d'attribution, le tribunal a violé l'article 6 de l'ordonnance du 7 mai 2009. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

11. Il résulte de ce texte qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat par une entité adjudicatrice, le juge saisi, avant la conclusion de ce contrat, par une personne ayant intérêt à le conclure et susceptible d'être lésée par le manquement, peut prendre des mesures tendant à ce que l'entité adjudicatrice se conforme à ses obligations, dans un délai qu'il fixe, et à ce que soit suspendue l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat.

12. Pour rejeter la tierce opposition de la société Lexmark formée contre le jugement du 18 juin 2021 ayant annulé la décision de La Poste d'attribution des lots 1 et 2 du marché en cause ainsi que les actes de la procédure de publicité et de mise en concurrence postérieurs à la sélection des candidats de la liste restreinte, le président du tribunal relève que ce jugement n'annule pas la procédure, mais seulement une de ses phases, ainsi que la décision d'attribution. Il ajoute que cette phase et cette décision ne portent pas sur une décision qui se rapporte à la passation du contrat au sens de l'article 6 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, mais à la procédure de publicité et de mise en concurrence. Il rappelle ensuite que le juge peut intervenir directement dans les procédures de passation des marchés des entités adjudicatrices, par exemple, en suspendant ces procédures ou en annulant des décisions ou des clauses discriminatoires dans des documents ou des publications.

13. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ne confèrent pas au juge saisi d'un recours préalable à la conclusion du contrat par une entité adjudicatrice le pouvoir d'annuler la procédure ou certain des actes pris à l'occasion de celle-ci, le président du tribunal judiciaire a violé ce texte.

Portée et conséquences de la cassation

14. Sur la suggestion de la société ESI, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. Les contrats ayant été conclus, il n'y a plus lieu à recours précontractuel et la cassation n'implique donc pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société ESI France et la société La Poste aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le président du tribunal judiciaire ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés ESI France et La Poste et les condamne in solidum à payer à la société Lexmark international la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400257
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Paris, 03 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2024, pourvoi n°42400257


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400257
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