LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mai 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° W 22-18.990
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MAI 2024
M. [G] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-18.990 contre l'arrêt rendu le 7 février 2022, rectifié le 20 juin 2022, par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 février 2022, rectifié par arrêt du 20 juin 2022), M. [U], associé de la société de gestion de portefeuille Verte forêt (la société) n'ayant pas opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés, a déposé une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2010, en faisant application de l'article 885 V bis du code général des impôts, qui prévoit un plafonnement du montant de cet impôt.
2. Estimant que la quote-part de M. [U] des résultats de la société au titre de l'exercice clos en 2009 devait être prise en compte pour le calcul du plafonnement, ce qui en entraînait la suppression, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification portant rappel d'un surplus d'ISF.
3. Après mise en recouvrement et rejet de sa réclamation, M. [U] a assigné l'administration fiscale en décharge du surplus d'imposition réclamée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation contentieuse présentée et au prononcé de la décharge du supplément d'ISF mise à sa charge au titre de l'année 2010, alors « que lorsqu'une société civile, exerçant une activité de gestion d'un portefeuille mobilier constitué pour l'essentiel de contrats de capitalisation, n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et que l'ensemble de ses associés relève du II de l'article 238 bis K du code général des impôts, ces derniers sont soumis à l'impôt sur le revenu à concurrence de leur quote-part des revenus de la société déterminés en application de l'article 125-0 A de ce code, indépendamment de la répartition de ces revenus et sans qu'aient d'incidence à cet égard les modalités de calcul du résultat que la société est statutairement tenue de déterminer à seule fin d'information de ces mêmes associés qu'en jugeant, après avoir relevé que les comptes de la société avaient été approuvés le 30 juin 2010 et que le bénéfice de cette société, arrêté conformément à l'article 18 de ses statuts, avait été réparti entre les associés par inscription au crédit de leurs comptes courants au prorata de leurs droits sociaux, que le bénéfice ainsi déterminé, y compris la part de gains latents qu'il comportait du fait de ce mode de calcul statutaire, devait être inclus, à concurrence de la quote-part de chaque associé, dans ses revenus imposables au titre de l'année en cause, de sorte que M. [U] devait mentionner sur sa déclaration de revenus 2010 la quote-part de résultat réalisé au titre de l'exercice clos en 2009, au prorata de ses droits, pour déterminer le plafonnement de l'ISF 2010, la cour d'appel a violé les articles 8, 885 V bis, 885 E, 125-0 A et 238 bis K du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 8, 885 V bis, 885 E, 125-0 A et 238 bis K du code général des impôts, dans leur version alors applicable :
5. Il résulte du second de ces textes que l'ISF du redevable est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente et, d'autre part, 85 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire.
6. Il résulte du premier de ces textes que les membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206, paragraphe 1 du code général des impôts et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter de ce code, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du même code sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.
7. Il résulte du premier que les membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 du code général des impôts et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du même code, sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.
8. Il se déduit de ces dispositions que si une société civile établit ses bénéfices en tenant compte de la valeur vénale réelle des éléments composant son actif net, la part de gains latents qu'ils comportent du fait de ce mode de calcul statutaire ne peut être incluse, à concurrence de la quote-part de chaque associé, dans les revenus imposables de celui-ci au titre de l'année en cause, peu important les modalités de détermination du résultat de la société civile telles qu'arrêtées par ses statuts.
9. Pour rejeter les demandes de M. [U], l'arrêt, après avoir énoncé que les bénéfices des sociétés de personnes sont réputés acquis par les associés à leur date de réalisation même si les associés n'en ont pas encore eu la disposition, relève que le montant du bénéfice réalisé par la société à la clôture de l'exercice 2009 doit être pris en compte au titre de l'ISF pour l'année 2010 de l'associé au prorata de ses droits. Il relève encore que la société avait réalisé un bénéfice, constitué, aux termes de ses statuts, de la variation de l'actif net entre le départ et la clôture de l'exercice, de 658 727 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 et que, par assemblée générale du 30 juin 2010, ce résultat a été réparti en totalité sur les comptes courants des associés en proportion de leurs droits dans le capital social. Il retient enfin que M. [U] n'a pas démontré que les revenus provenant de plus values latentes seraient exceptionnellement exclus du champ d'application des revenus à prendre en considération pour la détermination du plafonnement de l'ISF.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a retenu le bénéfice comptable réalisé par les sociétés civiles et son inscription en compte courant comme un revenu imposable alors qu'aucun résultat bénéficiaire n'était taxable au titre des contrats de capitalisation, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 février 2022 rectifié le 20 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques et le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et les condamne à payer à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-quatre.