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07/05/2024 | FRANCE | N°C2400556

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mai 2024, C2400556


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Y 22-82.403 F-D


N° 00556




ODVS
7 MAI 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2024






M. [H]

[P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 18 mars 2022, qui, pour banqueroute, l'a condamné à 30 000 euros d'amende dont 20 000 euros avec sursis, une confiscation et a prononcé ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Y 22-82.403 F-D

N° 00556

ODVS
7 MAI 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2024

M. [H] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 18 mars 2022, qui, pour banqueroute, l'a condamné à 30 000 euros d'amende dont 20 000 euros avec sursis, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [H] [P], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, M. Bougy, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le commissaire aux comptes de la société [2] ([2]), gérée par M. [H] [P], a révélé des anomalies comptables au procureur de la République et a refusé de certifier les comptes annuels de cette société pour l'exercice clos au 30 septembre 2015.

3. Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation de cette société le 21 février 2017 et fixé sa date de cessation des paiements au 28 février 2016.

4. Cité devant le tribunal correctionnel sous la prévention, notamment, d'avoir, entre le 1er octobre 2016 et le 21 février 2017, commis le délit de banqueroute en s'abstenant de tenir toute comptabilité, alors que les textes applicables en faisaient l'obligation en l'espèce, en ne réalisant aucun bilan au prétexte que la société était en difficulté, M. [P] a été déclaré coupable de ce chef.

5. Il a interjeté appel de cette décision ainsi que le ministère public.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] coupable du chef de « Banqueroute : absence de comptabilité - 1696 - commise du 1er octobre 2016 au 21 février 2017 » à Rambouillet, l'a condamné en répression à peine d'amende de 30 000 euros, a dit qu'il sera sursis partiellement pour un montant de 20 000 euros à l'exécution de cette peine, a ordonné la confiscation du scellé CD/1, l'a déclaré responsable du préjudice subi par la Société [1], partie civile, et l'a condamné à payer la somme de 150 617,07 euros à titre de dommages et intérêts pour tous les faits commis à son encontre, alors :

« 1°/ que le délit de banqueroute pour absence de tenue d'une comptabilité n'est constitué que si le dirigeant poursuivi s'est abstenu de tenir la moindre comptabilité et si la carence du dirigeant s'est inscrite dans la durée ; qu'en se fondant, pour déclarer Monsieur [P] coupable du délit de banqueroute, sur la seule circonstance qu'aucune comptabilité n'aurait été tenue entre le 1er octobre 2016 et le 21 février 2017, date à laquelle la procédure collective de la société [2] avait été ouverte, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'élément matériel du délit de banqueroute et a violé l'article L. 654-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer le prévenu coupable de banqueroute par absence de comptabilité, l'arrêt attaqué énonce que selon les déclarations du comptable, qui a affirmé avoir tenu la comptabilité de la société jusqu'au mois de septembre 2016 et ne plus avoir facturé ensuite, le bilan de l'année 2016 n'a pas été clôturé en raison de la perspective, pour M. [P], de déposer le bilan, ce que ce dernier a confirmé.

9. Les juges soulignent, que contrairement aux allégations de l'avocat de M. [P], si des déclarations de TVA ont pu être effectuées, il n'y avait plus de saisie de factures et que, dès lors, la comptabilité n'était plus tenue comme l'a reconnu le comptable de la société.

10. Ils en déduisent la caractérisation des faits à l'encontre du prévenu et confirment le jugement sur la culpabilité de ce chef.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a caractérisé l'absence de comptabilité de la société [2] durant la période visée à la prévention, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

12. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] à payer la société [1] la somme de 150 617,07 euros à titre de dommages et intérêts pour tous les faits commis à son encontre, alors « qu'aucune disposition légale ou règle prétorienne ne prévoit que tout dirigeant qui se serait rendu coupable du délit de banqueroute pour tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou pour absence de tenue d'une comptabilité doit être condamné à payer à la liquidation une indemnité égale au passif non réglé à la clôture de la liquidation ; qu'il appartient au contraire aux juges du fond d'apprécier, dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, et en tenant compte de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, le préjudice causé par les désordres comptables allégués et de déterminer dans quelle mesure ces désordres comptables ont pu contribuer à l'apparition de nouveaux passifs ou à la déconfiture de l'entreprise ; qu'en énonçant, pour condamner Monsieur [P] à payer à la SARL [1] une indemnité de 150 617,07 euros correspondant à la totalité du passif subsistant de la société [2], qu'il résulterait « d'une jurisprudence constante que le dirigeant déclaré coupable de banqueroute par comptabilité irrégulière ou absence de comptabilité doit être condamné au paiement des dettes accumulées par la société », la Cour d'appel a violé l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

14. Le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

15. Pour confirmer le jugement et condamner M. [P] à verser à la partie civile la somme de 150 617,07 euros au titre des intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce que de jurisprudence constante le dirigeant déclaré coupable de banqueroute par comptabilité irrégulière ou par absence de comptabilité doit être condamné au paiement des dettes accumulées par la société, cette carence ayant aggravé le montant du passif social.

16. Ils concluent que le tribunal a justement évalué le préjudice direct et certain subi par la partie civile du fait des agissements commis par le prévenu.

17. En se déterminant ainsi, alors que le montant du préjudice découlant directement du délit de banqueroute par absence de comptabilité et par comptabilité irrégulière doit être souverainement apprécié par les juges du fond et ne peut être forfaitairement fixé au montant des dettes de la société, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400556
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mai. 2024, pourvoi n°C2400556


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400556
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