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02/05/2024 | FRANCE | N°52400437

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mai 2024, 52400437


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 mai 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 437 F-D


Pourvoi n° Z 22-20.281










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024


La société BFSA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Balitrand, a formé l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mai 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 437 F-D

Pourvoi n° Z 22-20.281

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024

La société BFSA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Balitrand, a formé le pourvoi n° Z 22-20.281 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [Z] a formé un pourvoi incident et un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident et au pourvoi incident éventuel, invoque à l'appui de ses recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société BFSA, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 20 mars 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2022), M. [Z] a été engagé le 11 février 1985 par la société Balitrand, aux droits de laquelle vient la société BFSA (la société). Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de directeur d'agence.

2. Le 14 novembre 2019, il a été élu en qualité de membre du comité social et économique.

3. Le 6 juillet 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement nul, violation du statut protecteur, harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

4. Après autorisation administrative de licenciement du 10 janvier 2022, le salarié a été licencié le 14 janvier 2022 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il a formé, le 10 mars 2022, un recours hiérarchique à l'encontre de la décision d'autorisation devant le ministre du travail.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, et sur le moyen du pourvoi incident éventuel, réunis

Enoncé du moyen

6. Par le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le salarié demandait à la cour d'appel de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur devant produire les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et, par conséquent, de condamner l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ; qu'il ne soutenait pas, même à titre subsidiaire, que son licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison d'un lien de causalité entre le harcèlement moral subi et l'inaptitude physique constatée par le médecin du travail ; qu'en décidant que l'inaptitude physique du salarié trouvait sa cause dans les faits de harcèlement moral qu'il a subis et en condamnant l'employeur à l'indemniser du préjudice résultant de son licenciement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »

7. Par le moyen du pourvoi incident éventuel, le salarié fait grief à l'arrêt de condamner la société à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'à cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. [Z] sollicitait que son employeur soit condamné à lui verser la somme de 127 600,32 euros net de toutes charges à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que la cour d'appel a en outre expressément relevé que l'inaptitude physique de M. [Z] trouve sa cause dans les faits de harcèlement moral qu'il a subi au sein de la société BFSA" ; qu'en allouant au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il résultait de ses constatations que son inaptitude était la conséquence directe du harcèlement moral dont il avait été victime et qu'il devait percevoir à ce titre des dommages-intérêts pour licenciement nul, la cour d'appel a violé les articles le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 1226-2, L. 1235-4, L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de séparation des pouvoirs, les articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail et 4 et 954 du code de procédure civile :

8. Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ou de la nullité du licenciement.

9. Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

10. Par ailleurs, selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. En vertu de l'article 954 du même code, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

11. Pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, ayant constaté que le salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 14 janvier 2022 après autorisation administrative de licenciement du 10 janvier 2022 et retenu que le principe de séparation des pouvoirs ne permet pas de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, retient que l'inaptitude du salarié trouve sa cause dans les faits de harcèlement qu'il a subis et qu'il est en conséquence fondé à solliciter la condamnation de l'employeur à l'indemniser du préjudice subi à raison de son licenciement.

12. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, le salarié demandait que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société devant produire les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, sans former aucune demande tendant à déclarer nul son licenciement ni aucune demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne la cassation du chef de dispositif déclarant la cour d'appel incompétente pour connaître des demandes du salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

14. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société BFSA aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la cour d'appel incompétente pour connaître des demandes de M. [Z] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et en ce qu'il condamne la société BFSA à payer à M. [Z] la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400437
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 17 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mai. 2024, pourvoi n°52400437


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400437
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