LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mai 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 435 F-D
Pourvoi n° T 22-17.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024
La société Sésame ergonomie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], a formé le pourvoi n° T 22-17.929 contre le jugement rendu le 4 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Reims (jugement selon la procédure accélérée au fond), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Valéo systèmes thermiques, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 3], et ayant son établissement [Adresse 5], [Localité 6] ,
2°/ au comité social et économique de la société Valéo systèmes thermiques, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Sésame ergonomie, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat dela société Valéo systèmes thermiques, après débats en l'audience publique du 20 mars 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Reims, 4 mai 2022), rendu selon la procédure accélérée au fond, la société Valéo systèmes thermiques (la société), filiale du groupe Valéo répartit son activité en France dans quatre établissements, dont celui de Reims, qui est pourvu d'un comité social et économique (le comité d'établissement).
2. A été engagé en mars 2020 par la société un projet « Pay4U » de changement des outils de la paie, de l'administration des ressources humaines et de la gestion des temps et des activités, avec le déploiement d'un nouveau logiciel, intitulé « Chronotime », dans tous les sites Valéo en France.
3. Lors d'une réunion extraordinaire le 30 novembre 2021, le comité d'établissement a voté le recours à une expertise pour projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et désigné la société Sésame ergonomie en qualité d'expert pour évaluer les impacts du projet sur les conditions de travail et sur la santé et la sécurité des salariés.
4. La société a, par actes du 10 décembre 2021, saisi le tribunal judiciaire en annulation de cette délibération.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Sésame ergonomie fait grief au jugement d'annuler la délibération du comité d'établissement du 30 novembre 2021 ayant voté le principe d'une expertise et la désignant en qualité d'expert pour évaluer les impacts du projet Pay4U sur les conditions de travail et sur la santé et la sécurité des salariés, alors « qu'en considérant que l'article L 2316-3 du code du travail, donnant compétence au comité social économique central pour désigner un expert dans le cadre d'une consultation relative à un projet important en matière de santé, de sécurité des conditions de travail, excluait toute compétence concurrente des comités sociaux et économiques d'établissement, lors même que ceux-ci devaient être ou avaient été consultés, le tribunal judiciaire a fait une fausse application de ce texte. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 2315-94, 2°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° de l'article L. 2312-8.
8. Aux termes de l'article L. 2316-20 du même code, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.
9. Aux termes de l'article L. 2316-21 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le comité social et économique d'établissement peut faire appel à un expert prévu à la sous-section 10 de la section 3 du chapitre V du présent titre lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du présent code.
10. Il résulte de ces textes, d'abord, qu'il n'y a pas un droit général à l'expertise, ensuite, que le comité social et économique d'établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu'il établit l'existence de mesures d'adaptation spécifiques à l'établissement.
11. Le jugement énonce, d'abord, que le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements de tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et que la décision de désigner un expert dans ce cas lui appartient. Il retient, ensuite, qu'il ressort des éléments du dossier que le projet Pay4U concerne tous les sites Valéo en France et que dès lors, le comité d'établissement de [Localité 6] n'a pas la prérogative de solliciter une expertise en vue de cette consultation.
12. De ces constatations dont il ressort que le comité d'établissement ne démontrait pas l'existence de mesures spécifiques d'adaptation de ce projet à l'établissement, le président du tribunal judiciaire a exactement déduit que la décision du comité d'établissement de recourir à une expertise devait être annulée.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sésame ergonomie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sésame ergonomie et la condamne à payer à la société Valéo systèmes thermiques la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.