LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mai 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 428 F-D
Pourvoi n° B 22-14.050
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024
M. [P] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-14.050 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Lyreco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, Ã l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lyreco France, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 30 septembre 2021), M. [Y] a été engagé en qualité de chef de ventes Field le 1er mars 2010 par la société Lyreco France (la société).
2. Mis à pied à titre conservatoire le 30 mars 2015, le salarié, licencié pour faute grave le 12 mai 2015, a saisi la juridiction prud'homale en contestation du licenciement ainsi qu'en paiement de rappel de salaires et indemnités.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales sur les durées maximales de travail et minimales de repos, alors « que la preuve du respect des durées maximales de travail et minimales de repos prévues par le code du travail, incombe à l'employeur ; qu'en déboutant M. [Y] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au motif qu'il ne justifiait pas suffisamment que des durées minimales de repos ou des durées maximales de travail n'auraient pas été respectées, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, et les articles L. 3121-1, L. 3121-2, L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315 devenu 1353 du code civil, et les articles L. 3121-1, L. 3121-2, L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail :
5. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à repos et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
6. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos, l'arrêt retient qu'il résulte des développements relatifs aux heures supplémentaires et au travail dissimulé que le salarié n'avait pas à répondre aux mails envoyés par M. [U] sur des horaires effectivement très matinaux ou tardifs, et qu'il ne réalisait pas des journées de travail de 13 à 14 heures par jour. Il ajoute qu'il a été retenu un horaire moyen de travail de moins de 44 heures par semaine sans qu'il ne soit justifié que des durées minimales de repos ou des durées maximales de travail n'auraient pas été respectés.
7. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur justifiait avoir respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et minimales de repos, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Lyreco France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lyreco France et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.