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02/05/2024 | FRANCE | N°22400365

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 mai 2024, 22400365


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 mai 2024








Annulation sans renvoi




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 365 F-D


Pourvoi n° M 22-10.425








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MAI 2024


M. [B] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-10.425 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (5...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 mai 2024

Annulation sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 365 F-D

Pourvoi n° M 22-10.425

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MAI 2024

M. [B] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-10.425 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Rhodanienne de négoce et de location, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de M. [N], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Rhodanienne de négoce et de location, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2021), le 8 décembre 2018, M. [N] a relevé appel devant la cour d'appel de Paris d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 9 octobre 2018, dans un litige l'opposant à son employeur, la société Rhodanienne de négoce et de location et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

2. Le 20 octobre 2019, M. [N] a relevé appel du même jugement devant la cour d'appel de Versailles.

3. Par un arrêt du 29 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel formé le 8 décembre 2018 comme ayant été formé devant une juridiction territorialement incompétente.

4. La société Rhodanienne de négoce et de location ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine ont soulevé devant la cour d'appel de Versailles l'irrecevabilité de l'appel relevé le 20 octobre 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [N] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé à l'encontre du jugement du 9 octobre 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, alors « que la demande en justice portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de forclusion ; qu'en jugeant que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente est susceptible d'être régularisée avant que le juge ne statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré ; la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil par ajout d'une condition dont il ne dispose pas, ensemble l'article R 142-28 du code de la sécurité sociale, l'article 121 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.»

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société Rhodanienne de négoce et de location conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée en ce qu'il conteste l'interprétation faite par la cour d'appel de l'article 2241 du code civil.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2241 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé,
interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de
même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque
l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

10. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière du second que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d'appel interrompu par une première déclaration d'appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d'irrecevabilité n'est intervenue.

11. Depuis un arrêt du 21 mars 2019 (2e Civ., pourvoi n° 17-10.663, publié), la Cour de cassation interprétait ce texte en jugeant que l'interruption du délai d'appel par la saisine d'une juridiction incompétente était non avenue lorsque l'appel était définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Toutefois, cette solution qui aboutissait à faire rétroagir une décision d'irrecevabilité rendue postérieurement au second appel formé devant la juridiction compétente, a justifié une nouvelle interprétation du texte par un arrêt du 5 octobre 2023, publié (2e Civ., pourvoi n° 21-21.007).

12. En effet, cette nouvelle interprétation, à la lumière de l'article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est la seule de nature à donner son plein effet à la faculté offerte à l'appelant de régulariser cette fin de non-recevoir en rendant effective l'interruption du délai d'appel résultant de l'application de l'article 2241 du code civil.

13. Pour déclarer irrecevable l'appel de M. [N], l'arrêt relève d'abord que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre lui avait été signifié le 21 novembre 2018 et qu'il disposait d'un délai expirant le 21 décembre 2018 pour interjeter appel devant la cour d'appel de Versailles, territorialement compétente, et constate ensuite que M. [N] a relevé appel le 8 décembre 2018 devant la cour d'appel de Paris, laquelle a déclaré l'appel irrecevable le 29 novembre 2019, puis le 20 octobre 2019 devant la cour d'appel de Versailles.

14. L'arrêt retient que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré et en déduit que le délai d'appel devant la cour d'appel de Versailles ayant expiré depuis onze mois, l'appel relevé par M. [N] était hors délai.

15. En statuant ainsi, alors que le délai d'appel avait été interrompu et n'était pas expiré au moment où l'appelant a formé un second appel devant la juridiction compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

16. Il convient, en conséquence, d'annuler l'arrêt attaqué.

Portée et conséquences de l'annulation

17. Tel que suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes n° 9 et 10 qu'il y a lieu de déclarer recevable l'appel relevé par M. [N] le 20 octobre 2019.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT recevable l'appel relevé par M. [N] le 20 octobre 2019 ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Rhodanienne de négoce et de location et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Rhodanienne de négoce et de location et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400365
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Annulation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 02 mai. 2024, pourvoi n°22400365


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400365
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