LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 avril 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 324 F-D
Pourvoi n° Q 20-21.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
M. [X] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-21.943 contre l'ordonnance n° RG : 20/00017 rendue le 17 septembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Riom, dans le litige l'opposant à Mme [O] [M], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [Z], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Riom, 17 septembre 2020), M. [X] [Z] a confié à Mme [M], avocate, la défense de ses intérêts dans deux procédures de partage successoral et de fixation d'une indemnité d'occupation due par l'ex-épouse de son père défunt, [N] [Z], devant un tribunal de grande instance.
2. Une convention d'honoraires, établie le 19 février 2015, prévoyait un honoraire principal fixé à une certaine somme et un honoraire complémentaire de résultat à hauteur de 10 % pour toute somme qui serait allouée au client à « l'issue de l'une ou l'autre des deux procédures » engagées. L'honoraire de résultat était dû « nonobstant appel ou pourvoi en cassation y compris en cas de changement d'avocat ».
3. À la suite d'un jugement du 24 mars 2016 rendu par un tribunal de grande instance, qui a notamment ouvert les opérations de compte liquidation et partage de la succession de [N] [Z] et a renvoyé l'affaire devant le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés, pour l'octroi d'une avance en capital, M. [Z] a dessaisi son conseil et confié la défense de ses intérêts à M. [W].
4. Le 13 novembre 2018, Mme [M] a adressé à son client une facture au titre de l'honoraire de résultat pour les deux procédures. M. [Z] n'ayant pas procédé au règlement de cette facture, Mme [M] a saisi le bâtonnier de son Ordre à fin de fixation de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [Z] fait grief à l'ordonnance de fixer le montant des honoraires dus à Mme [M] à la somme de 74 295,18 euros, alors « que l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ; qu'en fixant le montant des honoraires de résultat dus à Mme [M] à la somme de 74 295,18 euros au motif inopérant, expressément adopté du bâtonnier, que la convention du 19 février 2015 prévoyait « notamment que l'honoraire de résultat serait dû nonobstant appel ou pourvoi en cassation, y compris en cas de changement d'avocat », sans constater l'existence, à la date où il statuait, d'actes ou de décisions juridictionnelles irrévocables rendant exigibles les honoraires de résultat convenus au titre des deux instances couvertes par la convention, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans leur version applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Mme [M] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la procédure de contestation d'honoraires étant une procédure orale, et M. [Z] n'ayant pas comparu bien que convoqué à l'audience, le premier président n'était saisi d'aucun moyen, qu'en conséquence, toutes les critiques du moyen de cassation sont nouvelles et irrecevables.
7. Cependant, est recevable le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, lorsqu'il est né de la décision attaquée.
8. Le moyen, pris de la violation de la règle selon laquelle l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable est né de la décision attaquée.
9. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 10, alinéa 5, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa version applicable au litige :
10. Il résulte de ce texte que l'honoraire de résultat prévu par convention préalable n'est dû par le client à son avocat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable.
11. Pour condamner M. [Z] à payer une certaine somme au titre de l'honoraire de résultat, l'ordonnance retient, par motifs adoptés, qu'il ressort des éléments du dossier que Mme [M] a effectué toutes les diligences requises dans l'intérêt de son client, jusqu'à son dessaisissement.
12. Par motifs propres, l'ordonnance énonce que c'est à tort que M. [Z] a pu penser être quitte des sommes dues à Mme [M] du fait du changement de conseil intervenu et que le recouvrement des sommes allouées par les décisions judiciaires ne conditionne pas le paiement de l'honoraire de résultat, exigible dès lors qu'une décision définitive est rendue en faveur du client.
13. En se déterminant ainsi, pour faire application de la clause prévoyant les honoraires en cas de dessaisissement, sans rechercher si, à la date à laquelle elle statuait, était intervenue une décision irrévocable permettant d'allouer à l'avocat l'honoraire de résultat, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle infirme la décision du bâtonnier qui retient à la charge de M. [Z] des frais de taxe à hauteur de 30 euros, l'ordonnance rendue le 17 septembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Riom ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.