LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 382 F-D
Pourvoi n° D 21-24.973
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 AVRIL 2024
La société Australe d'équipement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-24.973 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [I] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Australe d'équipement, de la SCP Spinosi, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 12 octobre 2021), la société Australe d'équipement (la société) a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son ancien salarié, M. [F], au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de loyauté et ce dernier a sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la société au paiement de différentes sommes à titre, notamment, de rappel de salaire, d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de commissions et de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1121-1 du code du travail ainsi que de son droit à l'image.
2. Un jugement a condamné le salarié à payer à la société des sommes au titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.
3. Sur appel du salarié, la cour d'appel a, par arrêt du 24 septembre 2019, confirmé en toutes ses dispositions le jugement.
4. Le salarié a saisi la cour d'appel d'une requête en omission de statuer.
Examen du moyen
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il convient de réparer les omissions de statuer affectant l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 et que le dispositif de cet arrêt sera complété comme suit : « déboute la société Australe d'équipement de sa demande de dommages-intérêts pour manquement par M. [F] à son obligation de loyauté ; déboute la société Australe d'équipement de sa demande d'indemnité pour frais non répétibles
d'instance exposés en première instance ; condamne la société Australe d'équipement à payer à M. [F] les sommes suivantes : 11 570 euros à titre de commissions, 1 157 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de commissions, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1121-1 du code qui travail, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation par la société Australe d'équipement du droit à l'image de M. [F], vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Australe d'équipement à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité pour frais non répétibles d'instance exposés en première instance ; déboute M [F] du surplus de ses demandes, » le reste sans changement, alors « que l'omission de statuer s'entend de l'omission d'un chef de demande dans la décision que lorsque dans le dispositif de son arrêt, elle confirme en toutes ses dispositions le jugement qui a statué sur l'ensemble des demandes dont elle était saisie, la cour d'appel, qui est réputée en avoir adopté les motifs, n'omet pas de statuer, quand bien même elle ne se serait pas prononcée par motifs propres sur l'ensemble de ces demandes ; qu'en l'espèce, dans son
arrêt du 24 septembre 2019, la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion avait confirmé en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Denis du 28 juillet 2017, lequel avait condamné M. [F] à payer à la société Australe d'équipement des dommages-intérêts pour concurrence déloyale et débouté M. [F] de l'intégralité des demandes en paiement de rappels de salaires, d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, de rappels de commissions et de dommages-intérêts ; qu'en jugeant qu'en dépit du fait qu'elle avait confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, elle avait omis de statuer, dans sa précédente décision, sur la demande de la société en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et sur les demandes du salarié en paiement de rappels de salaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de rappel de commissions et de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1121-1 du code du travail et pour violation du droit à l'image, la cour d'appel a violé les articles 463, 480 et 955 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 463, 480 et 955 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs.
7. Selon le deuxième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
8. Selon le dernier, en cas de confirmation d'un jugement, la cour peut statuer par adoption de ses motifs ou par motifs propres. Dans ce cas, elle est réputée avoir adopté les motifs du jugement qui ne sont pas contraires aux siens.
9. Pour compléter l'arrêt du 24 septembre 2019 en déboutant la société de sa demande de dommages-intérêts pour manquement du salarié à son obligation de loyauté et de frais non répétibles d'instance exposés en première instance, en condamnant la société à payer au salarié différentes sommes au titre de commissions, congés payés afférents, dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1221-1 du code du travail et violation de son droit à l'image et frais non répétibles exposés en première instance et en déboutant le salarié du surplus de ses demandes, l'arrêt retient qu'en dépit de la formule générale du dispositif « confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Denis en date du 28 juillet 2017 », il ne résulte pas des motifs de cet arrêt que la cour d'appel ait examiné les demandes visées par la requête.
10. Il en déduit que cette omission de statuer doit être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile.
11. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 24 septembre 2019 avait confirmé en toutes ses dispositions, par motifs adoptés, le jugement du 28 juillet 2017 ayant, dans ses motifs, examiné les demandes des parties à l'exception de celle du salarié concernant les dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1121-1 du code du travail et dans son dispositif, condamné le salarié à payer à l'employeur des sommes au titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et de l'article 700 du code de procédure civile et débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. Il y a lieu de rejeter la requête en omission de statuer, sauf en ce qu'elle concerne la demande de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1221-1 du code du travail.
15. La cassation de l'arrêt du chef de dispositif disant que le dispositif de l'arrêt du 24 septembre 2019 sera complété comme suit : « déboute la société Australe d'équipement de sa demande de dommages-intérêts pour manquement par M. [F] à son obligation de loyauté, déboute la société Australe d'équipement de sa demande d'indemnité pour frais non répétibles d'instance exposés en première instance, condamne la société Australe d'équipement à payer à M. [F] les sommes suivantes : 11 570 euros à titre de commissions, 1 157 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de commissions, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation par la société Australe d'équipement du droit à l'image du salarié, vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Australe d'équipement à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité pour frais répétibles d'instance exposés en première instance, déboute M. [F] du surplus de ses demandes, le reste sans changement » n'emporte pas celle du chef du dispositif laissant les dépens de l'instance en rectification à la charge du Trésor public.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit qu'il convient de réparer l'omission de statuer affectant l'arrêt rendu le 24 septembre 2019, dit que le dispositif de cet arrêt sera complété comme suit « condamne la société Australe d'équipement à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1121-1 du code du travail » et laisse les dépens de l'instance en rectification à la charge du Trésor public, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la requête en omission de statuer sauf en ce qu'elle concerne la demande de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.