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28/03/2024 | FRANCE | N°32400185

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 mars 2024, 32400185


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 mars 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 185 F-D


Pourvoi n° B 22-21.640








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024


1°/ M. [O] [V],


2°/ Mme [G] [V],


tous deux domiciliés [Adresse 2] (Royaume-Uni),


ont formé le pourvoi n° B 22-21.640 contre l'arrêt rendu l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mars 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 185 F-D

Pourvoi n° B 22-21.640

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024

1°/ M. [O] [V],

2°/ Mme [G] [V],

tous deux domiciliés [Adresse 2] (Royaume-Uni),

ont formé le pourvoi n° B 22-21.640 contre l'arrêt rendu le 30 août 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Saint-Jean de Monts, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [V], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Saint-Jean de Monts, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 août 2022), le 9 septembre 2002, M. et Mme [V] (les bailleurs) ont donné à bail à une société, aux droits de laquelle est venue la société Saint-Jean-de-Monts (la locataire), une villa dans une résidence de tourisme exploitée par celle-ci.

2. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.

3. Le 27 juin 2013, les bailleurs ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 décembre suivant, sans offre d'indemnité d'éviction.

4. Le 16 décembre 2015, la locataire a assigné les bailleurs en annulation du congé, restitution des locaux loués et indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les bailleurs font grief à l'arrêt de déclarer non écrite et inopposable à la locataire la clause de renonciation du preneur à l'indemnité d'éviction, de déclarer recevable la demande de la locataire en paiement d'une telle indemnité et d'ordonner une expertise pour en fixer le montant, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir ; que la loi nouvelle ne peut faire revivre une action définitivement éteinte comme prescrite avant son entrée en vigueur, serait-ce sous couvert d'une nouvelle qualification de cette action ; qu'il était constant en l'espèce que le clause de renonciation à l'indemnité d'éviction encourait la nullité à la date de la signature du bail, et que l'action en nullité était prescrite à la date de délivrance du congé, en application de l'article L. 145-60 du code de commerce ; que le congé avait de surcroît été délivré avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, pour une date également antérieure à cette entrée en vigueur ; qu'il en résultait que la renonciation du preneur à l'indemnité d'éviction était définitivement acquise et ne pouvait être remise en cause pour quelque motif que ce soit ; qu'en disant que l'article L.145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, qui réputait désormais « non écrite » une telle clause, était applicable en l'espèce, les effets légaux du congé délivré le 27 juin 2013 pour le 31 décembre 2013 n'étant pas définitivement réalisés dès lors que la juridiction avait été saisie le 16 décembre 2015, pour en déduire que la clause devait être réputée non écrite et était en conséquence inopposable à la société preneuse, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 145-60 du code de commerce.»

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil, L. 145-15, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et L. 145-60 du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes qu'une loi nouvelle ne saurait, sans rétroactivité, régir les effets des situations juridiques définitivement réalisées avant son entrée en vigueur.

7. Selon le deuxième, sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement du preneur.

8. Selon le dernier, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

9. Pour déclarer non écrite et inopposable à la locataire la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, et déclarer recevable sa demande en paiement de cette indemnité, l'arrêt retient que, lors de la délivrance de l'assignation, intervenue le 16 décembre 2015, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les effets légaux du congé délivré le 27 juin 2013, pour la date du 31 décembre 2013, en exécution du bail n'étaient pas définitivement réalisés, quant aux droits et obligations des parties, dès lors que la juridiction était saisie d'une action en fixation d'une indemnité d'éviction.

10. En statuant ainsi, alors que l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 précitée, qui a substitué la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit, n'est pas applicable aux baux ayant pris fin avant l'entrée en vigueur de cette loi sans ouvrir de droit au renouvellement du locataire, et qu'il résultait de ses constatations que le congé délivré par les bailleurs avait mis fin au bail le 31 décembre 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant non écrite et inopposable à la locataire la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant les bailleurs, au titre de la perte de produits d'exploitation, à payer à la locataire une certaine somme pour la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2020, outre 740 euros par mois, à compter du 1er janvier 2021 jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ou acceptation de la réintégration effective de la locataire, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Saint-Jean-de-Monts de ses demandes en nullité du congé sans offre de renouvellement et de paiement d'une indemnité d'éviction délivré le 27 juin 2013 pour le 31 décembre 2013, en réintégration, expulsion de M. et Mme [V] et restitution des clés et en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et actes parasitaires, l'arrêt rendu le 30 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne la société Saint-Jean-de-Monts aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saint-Jean-de-Monts et la condamne à payer à M. et Mme [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400185
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 30 août 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 mar. 2024, pourvoi n°32400185


Composition du Tribunal
Président : Mme Proust (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400185
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