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21/03/2024 | FRANCE | N°22400268

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 mars 2024, 22400268


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 21 mars 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 268 F-D


Pourvoi n° E 22-12.190








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024


La caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues et orthophonistes, dont le siège es...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 mars 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 268 F-D

Pourvoi n° E 22-12.190

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024

La caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues et orthophonistes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-12.190 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à M. [Y] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues et orthophonistes, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2021) et les productions, la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues et orthophonistes (la caisse) a notifié à M. [P] (l'assuré), né le 11 septembre 1949, le bénéfice de ses droits à retraite à compter du 1er octobre 2016.

2. Soutenant qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de cette pension dès le 1er octobre 2014 et que la caisse avait manqué à son obligation d'information en ne lui fournissant pas de renseignements, l'assuré a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'assuré des dommages et intérêts, alors « que l'obligation d'information mise à la charge des caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse ne saurait être étendue au-delà des prévisions de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006, modifié par le décret n° 2011-2072 du 30 décembre 2011, lequel, concernant le relevé de situation individuelle, instaure un calendrier de mise en oeuvre progressive et précise que les envois de situation individuelle se font à partir du 1er juillet 2007 pour les bénéficiaires atteignant l'âge de 50 ans au cours de l'année 2007 ; qu'il ne prévoit pas, pour les personnes plus âgés, comme l'assuré, ayant eu 58 ans en 2007, l'envoi d'un relevé de situation individuelle au 1er juillet 2007 ; que cependant, en jugeant que : « Les dispositions du décret ne signifient pas, contrairement à ce qui est allégué en cause d'appel par la caisse, que les bénéficiaires de plus de 50 ans en 2007 n'auraient eu aucun droit à information, mais que les organismes devaient mettre en oeuvre leur obligation à cet égard prioritairement à l'égard de ceux susceptibles de pouvoir faire valoir à court terme leurs droits à pension, soit à l'égard de ceux remplissant la condition d'âge de 50 ans en 2007. Dès lors que la caisse adressait ces documents, ce qui implique qu'elle avait procédé à une bonne lecture des dispositions applicables, elle se devait de s'assurer de leur bonne réception », la cour d'appel a violé l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 et le décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale, modifié par le décret n° 2011-2072 du 30 décembre 2011. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil, L. 161-17 du code de la sécurité sociale et 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006, dans leur version applicable au litige :

4. Selon le deuxième de ces textes, les caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse sont tenus d'adresser à leurs ressortissants, au plus tard à un âge fixé à 59 ans par l'article R. 161-10 du même code, un relevé de leur compte mentionnant notamment les durées d'assurance ou d'activité prises en compte pour la détermination de leurs droits à pension de retraite.

5. Selon le troisième de ces textes, le relevé de situation individuelle prévu à l'article L. 161-17 dudit code est adressé chaque année à partir du 1er juillet 2007 pour les bénéficiaires atteignant l'âge de 50 ans au cours de l'année 2007, du 1er juillet 2008 pour les bénéficiaires atteignant l'âge de 55 ans ou de 50 ans au cours de l'année 2008 et du 1er juillet 2009 pour les bénéficiaires atteignant les âges de 40, 45 ou 50 ans au cours de l'année 2009.

6. Pour condamner la caisse à payer à l'assuré une certaine somme à titre de dommages et intérêts, l'arrêt énonce que les organismes de sécurité sociale doivent mettre en oeuvre l'obligation d'information prioritairement à l'égard de leurs ressortissants susceptibles de pouvoir faire valoir à court terme leurs droits à pension soit à l'égard de ceux remplissant la condition d'âge de 50 ans en 2007. Il en déduit que la caisse était tenue d'adresser à l'assuré, âgé de 58 ans en 2007, un relevé de situation individuelle.

7. En statuant ainsi, alors que la caisse n'était pas tenue de délivrer à l'assuré l'information prévue à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

8. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors que :

« 3°/ dans ses conclusions d'appel délaissées, la caisse faisait valoir que « l'article 3 du décret précité précise que jusqu'en 2011, l'estimation indicative globale n'est pas adressée au bénéficiaire qui a atteint l'âge minimal d'ouverture du droit à pension dans l'un des régimes dont il a relevé. Ce qui est le cas en l'espèce de l'assuré qui, âgé de 58 ans en 2007, pouvait bénéficier de sa retraite du régime minier. En effet, l'âge minimal d'ouverture du droit de ce régime est fixé à 55 ans », qu'elle soulignait qu' : « en tout état de cause, du 19 juin 2006 au 1er juillet 2007, l'assuré ne pouvait recevoir l'estimation prévue par l'article 3 2° du décret précité, faisant partie des cas d'exclusion prévus au 5 dudit décret. De plus, il convient de noter que l'article D. 161-2-1-6 du code de la sécurité sociale créé par le décret n° 2006-709 du 19 juin 2006 prévoit que « le relevé est établi par l'organisme ou le service en charge de la gestion du régime dont le bénéficiaire a relevé en dernier lieu », de même, concernant l'estimation indicative globale, l'article D. 161-2-1-8 du Code de la sécurité sociale créé par le même décret prévoit que « Les dispositions [...] de l'article D. 161-2-1-6 relatives à l'envoi du relevé de situation individuelle sont applicables à l'envoi de l'estimation, que l'assuré a été affilié à la caisse du 1er avril 1974 au 1er juillet 1996, qu'il a ensuite été affilié à la CIPAV à compter du 1er janvier 2009. En application des dispositions précitées (articles D. 161-2-1-8 et D. 161-2-1-6 du code de la sécurité sociale), il appartenait à la CIPAV dès 2009 de faire parvenir à l'assuré une estimation indicative globale en application de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il ne peut être reproché à la caisse aucun défaut d'information, le calendrier mis en place en application de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 ne prévoyant pas l'envoi du relevé et de l'estimation dans le cas de l'assuré (compte tenu de son âge et de son affiliation au régime minier) et cette obligation incombant à la CIPAV dès 2009. Ainsi, il résulte des textes que la caisse n'a pas manqué à son devoir d'information spéciale issu de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, ce dernier, dans toutes ses versions, n'étant pas applicable à la situation de l'assuré » ; qu'en estimant toutefois, par motifs propres, que : « l'exposante n'était pas tenue jusqu'en 2011 à l'envoi de l'estimation incitative globale avant 2011 », qu' : « il est établi que l'assuré n'a pas bénéficié de la part de la caisse des informations lui permettant d'effectuer toute démarche complémentaire éventuelle, que sa pension de retraite n'a été liquidée qu'à l'âge de 67 ans, alors qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de celle-ci à taux plein à compter de l'âge de 65 ans » et que : « La faute commise par la caisse en raison de l'absence de la délivrance effective des informations auxquelles elle était tenue à l'égard de l'assuré lui a causé un préjudice » et, par motifs adoptés, que : « l'assuré n'a jamais reçu l'information prévue par l'article L. 161-17 et la faute de la caisse est caractérisée. Cette faute est en lien direct avec le préjudice subi du fait du dépôt tardif de la demande de pension de retraite. Si l'assuré avait su qu'il pouvait prendre sa retraite à taux plein dès le 1er octobre 2014, il n'aurait pas attendu deux ans pour liquider ses droits à pension », sans avoir répondu à ces chefs déterminants des conclusions d'appel de la caisse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

5°/ dans ses conclusions d'appel délaissées, la caisse faisait valoir que : « l'assuré a été affilié à la caisse du 1er avril 1974 au 1er juillet 1996. Il a ensuite été affilié à la CIPAV à compter du 1er janvier 2009. En application des dispositions précitées (articles D. 161-2-1-8 et D. 161-2-1-6 du code de la sécurité sociale), il appartenait à la CIPAV dès 2009 de faire parvenir à l'assuré une estimation indicative globale en application de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'il ne peut être reproché à la caisse aucun défaut d'information, le calendrier mis en place en application de l'article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 ne prévoyant pas l'envoi du relevé et de l'estimation dans le cas de l'assuré (compte tenu de son âge et de son affiliation au régime minier) et cette obligation incombant à la CIPAV dès 2009. Ainsi, il résulte des textes que la caisse n'a pas manqué à son devoir d'information spéciale issu de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, ce dernier, dans toutes ses versions, n'étant pas applicable à la situation de l'assuré, que l'absence d'envoi d'évaluation individuelle globale pour la période où sa responsabilité était recherchée (du 1er juillet au 31 décembre 2008 avant l'affiliation CIPAV à compter du 1er janvier 2009) ou, selon l'interprétation de la cour d'appel à compter du 19 juin 2006, ne pouvait être la cause du préjudice de l'assuré lié à l'absence de demande de retraite à 65 ans, au 1er octobre 2014, soit 7 ans après, mais plutôt à l'absence d'envoi de cette même information par la CIPAV auprès de laquelle il s'était affilié à compter de 2009 et à laquelle incombait les obligation légales et réglementaires, que plusieurs causes avaient pu concourir à la réalisation du dommage dont se prévalait l'assuré telles que : - l'absence de prise de renseignements de l'assuré auprès de ces différentes caisses de retraite, - l'absence de réception d'informations spontanées en raison d'un défaut d'adresse, - un choix personnel de l'assuré de ne pas liquider ses retraites à 65 ans pour acquérir plus de droits, etc.., qu'il était à noter que lors de sa demande de retraite auprès de la caisse, l'assuré avait indiqué qu'il pensait que la CIPAV, dernière caisse à laquelle il avait cotisé, devait faire le nécessaire auprès de ses autres caisses de retraite, que dans ces conditions, il n'était pas possible de déterminer que l'absence d'envoi par la caisse des informations mentionnées à l'article L. 161-17 était la cause du dommage de l'assuré, à savoir ne pas avoir demandé sa retraite dès 65 ans, que le lien de causalité n'était, en l'espèce, pas suffisamment certain pour permettre à l'assuré d'obtenir réparation dans les conditions posées par les règles de la responsabilité civile prévues par les articles 1240 et 1241 du code civil ; qu'en estimant cependant, par motifs propres, que : « l'existence d'un tel préjudice ne peut être discutée, non seulement comme retenu par les premiers juges en raison du décalage de deux années dans la date de prise de la retraite mais aussi eu égard à l'incidence de cette date d'effet postérieure au 1er janvier 2015, générant la perte de l'incidence des cotisations versées dans le cadre de la nouvelle activité que l'assuré a poursuivie après prise de sa retraite sur le montant de la pension » et, par motifs adoptés, que : « Son préjudice est d'autant plus caractérisé que, sans être démenti par la partie adverse, il indique avoir été privé du bénéficie d'un dispositif qui avant le 1er janvier 2015 était plus avantageux en matière de cumul emploi-retraite », sans avoir répondu ces chefs pertinents des conclusions de la caisse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour condamner la caisse à payer à l'assuré une certaine somme à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que la caisse a manqué à son obligation d'information lui permettant d'effectuer toute démarche complémentaire éventuelle en ne délivrant pas à l'assuré l'estimation individuelle globale alors même que ce dernier, âgé de 58 ans en 2007, remplissait les conditions pour bénéficier de la liquidation de sa retraite à taux plein à compter de l'âge de 65 ans.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la caisse qui soutenait que la cause du dommage allégué était l'absence de délivrance à l'assuré de l'estimation indicative globale qui incombait à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) à laquelle l'assuré était affilié à compter du 1er janvier 2009, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, des masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues et orthophonistes à payer à M. [P] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre et signé par Océane Gratian, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400268
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 mar. 2024, pourvoi n°22400268


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400268
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