LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 mars 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 246 F-B
Pourvoi n° V 22-13.906
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 juillet 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024
La caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-13.906 contre le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social, contentieux général de la sécurité sociale et de l'aide sociale), dans le litige l'opposant à M. [T] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, 28 janvier 2022), rendu en dernier ressort, M. [B] (l'assuré), après contestation par un courrier du 10 avril 2020 des retenues opérées par la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais (la caisse) sur les indemnités journalières qu'elle lui avait versées, dont la caisse a accusé réception le 29 mai 2020, a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours formé par l'assuré recevable et de la condamner au paiement d'une certaine somme en règlement des indemnités journalières, alors « que le pôle social du tribunal judiciaire statue en formation collégiale ; que dans le cas où la formation collégiale est incomplète, l'audience est reportée à une date ultérieure, sauf accord des parties pour que le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis de l'assesseur présent ; que l'audience ne pouvant être reportée plus d'une fois, dans le cas où, à la deuxième audience, la formation collégiale ne peut à nouveau siéger au complet, le président statue seul après avoir recueilli, le cas échéant, l'avis de l'assesseur présent ; qu'en statuant à juge unique au prétexte que la formation collégiale ne pouvait siéger au complet, sans indiquer que les parties avaient donné leur accord pour que l'audience ne soit pas reportée et pour que le président statue seul, le tribunal, qui n'a pas constaté que l'audience avait déjà été reportée une première fois, a violé l'article L. 218-1 alinéa du code de l'organisation judiciaire, dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 1, du même code.
5. Selon l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement.
6. Il résulte des énonciations du jugement que le moyen pris de l'irrégularité de la composition de la juridiction n'a pas été soulevé devant le tribunal, dès l'ouverture des débats, au cours desquels la caisse était représentée.
7. Le moyen est, dès lors, irrecevable.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. La caisse fait grief au jugement de déclarer le recours formé par l'assuré recevable, alors « que la contestation portée devant le directeur de l'organisme de sécurité sociale ne vaut pas saisine de la commission de recours amiable, qui est un organe distinct, et ne fait pas obstacle à ce que la forclusion soit opposée à l'assuré ; qu'en l'espèce, le conseil de l'assuré, le 10 avril 2020, s'est adressé au directeur de la caisse afin de lui demander de communiquer les éléments sur la base desquels les diverses retenues avaient été opérées ou de procéder à leur annulation; qu'en considérant qu'une telle interpellation du directeur de la caisse valait saisine de la commission de recours amiable dès lors que la caisse avait répondu, le 29 mai 2020, qu'elle accusait réception du recours amiable et que le dossier allait faire l'objet d'une instruction au terme de laquelle il serait examiné par la commission de recours amiable, le tribunal a violé les articles L. 142-4 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés en matière d'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont précédés d'un recours préalable.
10. Selon l'article R. 142-1-A, I, du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du chapitre 2 du titre IV du livre I et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés à l'article L. 142-4 du même code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l'administration.
11. Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations du public avec l'administration, lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé.
12. Le jugement constate que dans un courrier daté du 29 mai 2020, la caisse a qualifié de recours amiable le courrier adressé par le conseil de l'assuré en indiquant : « Nous accusons réception en date du 10 avril 2020 de votre recours amiable. Votre dossier va faire l'objet d'une instruction au terme de laquelle il sera examiné par la Commission de Recours Amiable ». Il retient que la caisse ne saurait reprocher à l'assuré, sans se contredire elle-même, de s'être fié au contenu de ce courrier.
13. De ces constatations et énonciations, le tribunal a exactement déduit que l'assuré ayant exercé un recours amiable préalable le 10 avril 2020 avant de saisir la juridiction, son recours était recevable.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la caisse de mutualité sociale agricole du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale Agricole du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre et signé par Océane Gratian, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.