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20/03/2024 | FRANCE | N°42400151

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mars 2024, 42400151


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 mars 2024








Rejet
et irrecevabilité




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 151 F-D


Pourvoi n° J 22-22.406










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 MARS 2024


1°/ La société Famosa France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],


2°/ la société Fabricas Agrup...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mars 2024

Rejet
et irrecevabilité

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 151 F-D

Pourvoi n° J 22-22.406

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 MARS 2024

1°/ La société Famosa France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU, société de droit espagnol, dont le siège est [Adresse 3]),

ont formé le pourvoi n° J 22-22.406 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Smart Trike Mnf Pte Ltd, société régie par les lois de Singapour, dont le siège est [Adresse 2]), défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat des sociétés Famosa France et de Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Smart Trike Mnf Pte Ltd, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Sabotier, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022), la société Smart Trike Mnf Pte Ltd (la société Smart Trike), qui conçoit et commercialise des tricycles et des véhicules-jouets, est titulaire d'un brevet européen désignant la France ayant pour titre « Véhicule à deux modes de direction » délivré le 8 octobre 2014 sous le numéro EP 2 637 917 (EP'917), et portant sur un tricycle pouvant être dirigé soit par l'enfant qui le conduit, soit par un adulte qui le pousse.

2. Considérant que le produit « 4 in 1 baby trike easy evolution », proposé à la vente en France par les sociétés Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU (la société Famosa) et Famosa France, reproduisait les revendications du brevet EP'917, la société Smart Trike, après avoir procédé à des constats par un huissier de justice, a assigné les sociétés Famosa et Famosa France en contrefaçon. Ces dernières ont formé une demande reconventionnelle en annulation de la partie française du brevet.

Examen de la recevabilité du pourvoi en tant qu'il est formé par la société Famosa France, contestée par la défense

3. La société Smart Trike soutient que le pourvoi est irrecevable comme ayant été formé plus de deux mois après la signification de l'arrêt intervenue le 16 août 2022 à l'adresse de son siège social.

4. L'huissier de justice chargé de signifier cet arrêt a dressé un procès-verbal de recherches après s'être rendu à la dernière adresse connue de la société Famosa France où un employé d'une société Semeru lui a indiqué qu'elle était partie sans laisser d'adresse, tandis que l'extrait Kbis ne mentionnait aucune autre adresse.

5. Il a ainsi, sans être tenu de procéder à d'autres investigations, au demeurant inutiles en l'absence de justification d'un changement d'adresse, valablement signifié l'arrêt attaqué dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

6. En conséquence, le pourvoi, formé le 25 octobre 2022 par la société Famosa France plus de deux mois après la signification de l'arrêt, n'est pas recevable.

Examen des moyens du pourvoi en tant qu'il est formé par la société Famosa

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses première à cinquième branches

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

8. La société Famosa fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité des revendications 1, 2, 3, 7 et 8 de la partie française du brevet EP'917, alors « qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ; qu'en considérant que la condition tenant à l'existence d'une activité inventive était remplie en ce qui concerne le brevet EP'917 de la société Smart Trike, au motif qu'il n'était "pas démontré que l'homme du métier aurait pu à partir des cinq antériorités invoquées par les sociétés Famosa, grâce à ses connaissances générales et par des essais simples, sans faire preuve d'activité inventive, parvenir à définir au moins deux des valeurs divulguées dans le brevet EP'917, à savoir celles relatives à l'angle entre la tige et la fourche et au diamètre de la tige", sans constater qu'au regard du libellé de la revendication 1 du brevet EP'917, les valeurs en cause, soit celles relatives à l'angle entre la tige et la fourche et au diamètre de la tige, constituaient la solution au problème que le brevet litigieux prétendait résoudre, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et des articles 56 et 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich du 5 octobre 1973. »

Réponse de la Cour

9. L'arrêt retient que les parties se rejoignent pour affirmer que la revendication 1 du brevet EP'917 définit trois paramètres, la largeur maximale de la roue avant, l'angle de l'axe de la tige et de l'axe de la fourche et le décalage de l'axe de la tige par rapport à l'axe de la roue avant, dont la combinaison permet de diminuer les frottements dus à la rotation et ainsi faciliter la direction du tricycle et augmenter le contrôle par l'arrière du tricycle.

10. En l'état de ces appréciations, dont il ressort que la cour d'appel a constaté que le problème que le brevet EP'917 se propose de résoudre est la diminution des frottements et que les valeurs définies par la revendication 1 du brevet constituent la solution à ce problème, le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société Famosa fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu d'annuler le procès-verbal de constat du 6 avril 2017, alors « que les huissiers de justice sont habilités, par l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, à effectuer à la requête de particuliers "des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter" ; qu'outrepasse ses pouvoirs l'huissier de justice qui ne se borne pas à des constatations purement matérielles mais qui s'engage activement dans la recherche des preuves ; qu'en considérant que l'huissier de justice n'avait pas joué un rôle actif dans l'élaboration du constat d'achat du 6 avril 2017, tout en relevant qu'il ressort de ce procès-verbal qu'à la suite de l'achat du colis effectué par un tiers, l'huissier de justice s'était rendu avec ce tiers au cabinet du conseil de la société Smart Trike où il avait été procédé, en la présence de ce conseil, à l'ouverture du colis, d'où il résultait nécessairement que l'huissier de justice avait outrepassé ses pouvoirs, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

12. Ayant relevé que l'huissier de justice avait constaté l'achat d'un produit dans un magasin par un tiers acheteur puis le transport du produit par cette même personne au cabinet du conseil de la société Smart Trike, où elle l'avait déballé, l'huissier de justice ayant alors photographié le produit avant de le placer sous scellés, la cour d'appel en a exactement déduit que cet officier ministériel s'était borné à réaliser des constatations purement matérielles sans s'engager dans aucune démarche active.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. La société Famosa fait grief à l'arrêt de dire qu'en important, offrant en vente et mettant dans le commerce en France le produit dénommé « 4 in 1 baby trike easy evolution » reproduisant les revendications 1, 2, 3, 7 et 8 du brevet EP'917 dont la société Smart Trike est titulaire, elles ont commis des actes de contrefaçon, de les condamner au paiement d'une provision à titre de dommages intérêts à valoir sur l'indemnisation de l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société demanderesse et de prononcer des mesures réparatrices, alors :

« 1°/ que la cassation qui sera prononcée sur les trois premiers moyens de cassation entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il retient que les sociétés Famosa ont commis des actes de contrefaçon à l'encontre de la société Smart Trike, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ qu' en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 64 de la Convention de Munich, la contrefaçon d'un brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale ; que la preuve de la contrefaçon est à la charge du titulaire des droits, sauf au juge à faire le cas échéant application, s'il s'agit d'un brevet de procédé d'obtention d'un produit, de la présomption prévue par l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ; que, dans leurs conclusions d'appel, les société Famosa faisaient valoir que le caractère configurable du guidon, qui est l'objet de la revendication 1 du brevet EP 917 de la société Smart Trike, ne se retrouvait pas dans le modèle de tricycle "4 in 1 baby trike easy evolution", lequel ne comporte pas de procédé permettant de manipuler le fonctionnement du guidon, ce qui excluait la contrefaçon alléguée ; qu'en retenant toutefois l'existence d'une contrefaçon, au motif que, dans le modèle de tricycle "4 in 1 baby trike easy evolution", qu'il s'agisse du passage du mode dans lequel la roue avant est bloquée au mode où elle est débloquée (permettant le contrôle de la direction du tricycle par l'enfant) ou qu'il s'agisse du passage du mode dans lequel la roue avant est libre au mode où elle est bloquée (permettant le contrôle de la direction du tricycle par l'adulte), "rien n'indique que la manipulation de la molette ne puisse pas s'effectuer lorsque le produit est utilisé en mode tricycle", quand il incombait à la société Smart Trike de rapporter la preuve que les manipulations de la molette litigieuse étaient rendues possibles dans le modèle de tricycle "4 in 1 baby trike easy evolution" par un procédé contrefaisant son propre brevet, la cour d'appel, qui, sans que soit mise en oeuvre la présomption susvisée, a fait peser la charge de la preuve sur la partie défenderesse à l'action en contrefaçon, a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. Selon l'article 64 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, la contrefaçon d'un brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale. Aux termes de l'article L. 615-1, alinéas 1er et 2, du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon, laquelle engage la responsabilité civile de son auteur.

16. La contrefaçon s'apprécie par rapport aux ressemblances et elle est réalisée lorsque les moyens essentiels constitutifs de l'invention se retrouvent dans le produit incriminé.

17. L'arrêt retient que les illustrations 39 et 45 de la notice représentent le passage du mode dans lequel la roue avant est libre à celui dans lequel elle est bloquée, rien n'indiquant que la manipulation de la molette ne puisse s'effectuer lorsque le produit est utilisé en mode tricycle. L'arrêt ajoute que, contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés Famosa tant les illustrations 39 et 45, que la vidéo intitulée « Feber baby trike easy evolution » disponible sur la page d'accueil du site accessible à l'adresse www.feber.es/fr, montrant l'utilisation du produit « 4 in 1 baby trike easy evolution », permettent d'établir que le couplage/découplage de la roue ne nécessite pas un démontage du guidon mais seulement une manipulation de la molette et qu'il n'est pas contesté que les autres composantes de la revendication 1 du brevet sont également reproduites, ainsi que l'établissent au demeurant les photographies et les mesures effectuées sur le tricycle objet du constat d'achat. L'arrêt en déduit que les caractéristiques de la revendication 1 sont reproduites par le produit « 4 in 1 baby trike easy evolution », de même que la revendication 2, le produit litigieux comprenant une fourche composée de deux lames soutenant la roue avant placée entre elles.

18. Il en résulte que le moyen, inopérant en sa première branche par l'effet du rejet des trois premiers moyens, ainsi qu'en sa seconde, dès lors qu'il critique un motif surabondant, n'est fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en tant qu'il est formé par la société Famosa France ;

REJETTE le pourvoi formé par la société Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU ;

Condamne les sociétés Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU et Famosa France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Fabricas Agrupadas de Munecas de Onil SAU et Famosa France et les condamne in solidum à payer à la société Smart Trike Mnf Pte Ltd la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400151
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 mar. 2024, pourvoi n°42400151


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400151
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