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14/03/2024 | FRANCE | N°22400224

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 mars 2024, 22400224


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 mars 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 224 F-D


Pourvoi n° E 22-19.182








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-19.182 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2022 ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 mars 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 224 F-D

Pourvoi n° E 22-19.182

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-19.182 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2022 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Lecocq, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 avril 2022) et les productions, la société Lecocq, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 15 septembre 2014 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » garantissant notamment les pertes d'exploitation.

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, et à la suite encore des nouvelles mesures ayant le même objet prises à effet du 1er novembre 2020, la société Lecocq a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Lecocq a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce, à fin de garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui est irrecevable.
Mais sur le second moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société Lecocq des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à mettre en oeuvre la procédure d'expertise prévue au contrat, alors :

« 1°/ que la définition du risque n'est pas soumise aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances qui ne concernent que les exclusions de garantie ; qu'en retenant que « l'assureur a l'obligation de fournir un contrat dont les clauses sont claires, précises, non ambiguës, formelles et limitées » et que « les clauses contractuelles doivent relever de l'évidence pour un profane tel qu'un restaurateur et ce d'autant plus que celui-ci a souhaité être assuré contre les pertes d'exploitation et les pertes de revenus » et que le terme « épidémie » n'est pas défini par le contrat d'assurance, cependant qu'il devait l'être de manière claire, quand la condition de la définition du risque assuré résidant dans la cause de fermeture de l'établissement ¿ une épidémie ¿ ne relevait pas des exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances, et n'était pas mentionnée dans la clause d'exclusion, la cour d'appel a violé ledit texte par fausse application, ensemble l'article L. 112-4 du code des assurances ;

2°/ que « sont exclues, les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ; qu'en retenant que « même si le terme " épidémie " (qui nous intéresse dans le cas présent) ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie figurant dans la clause de garantie affecte nécessairement le caractère formel de la clause d'exclusion », quand l'identification de la condition de la garantie ¿ l'épidémie ¿ rendait nécessairement sans objet toute interprétation de l'expression « pour une cause identique » seule figurant dans la clause d'exclusion, celle-ci était ainsi nécessairement circonscrite à l'hypothèse de la fermeture d'un autre établissement dans le même département, pour cette même cause que celle motivant la décision administrative de fermeture de l'établissement de l'assuré, la cour d'appel a dénaturé la clause d'exclusion claire et précise en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

7. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

8. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

9. Pour dire que l'assureur doit garantir la société Lecocq des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.

10. Il énonce, ensuite, que le terme « épidémie » n'est pas défini dans la police souscrite et qu'il s'infère des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que considérer, comme le fait l'assureur, qu'une épidémie pourrait se manifester auprès d'un petit nombre de personnes, démontre la nécessité d'interpréter ce terme. Il en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.

11. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

12. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que les cas de fermeture d'un seul établissement pour cause d'épidémie existaient ; qu'en se bornant à affirmer que ces cas étaient « plutôt rares » ou « extrêmement rares » sans autres précisions, quand elle était saisie de conclusions faisant état de nombreuses situations ouvrant à l'assurée la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

13. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

14. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

15. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt énonce qu'une épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse et contagieuse à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et ajoute que ce sens général est incompatible avec la possibilité qu'un seul établissement soit affecté.

16. L'arrêt retient, en conséquence, que la clause d'exclusion, en ce qu'elle vide la garantie de sa substance, n'est pas limitée.

17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement qui a condamné la société Axa France IARD à payer à la société Lecocq la somme de 203 734,18 euros, l'arrêt rendu le 27 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la société Lecocq aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400224
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 27 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 mar. 2024, pourvoi n°22400224


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400224
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