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13/03/2024 | FRANCE | N°52400299

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2024, 52400299


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 mars 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 299 F-D


Pourvoi n° S 22-10.890








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024


M. [G] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-10.890 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mars 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 299 F-D

Pourvoi n° S 22-10.890

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024

M. [G] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-10.890 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [L], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2021), M. [L], nommé collaborateur de cabinet du maire, M. [T], à compter du 19 janvier 2010, a, ce maire ayant été réélu, occupé, dans le dernier état des relations avec la commune, le poste de chef de cabinet avant d'être licencié pour faute grave le 9 mars 2015.

2. M. [T] ayant été élu député le 20 juin 2012. M. [L] a été engagé en qualité d'assistant parlementaire aux termes de trois contrats de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er au 31 décembre 2012, du 1er au 31 juillet 2013 et du 1er au 31 décembre 2014, conclus pour une durée hebdomadaire de travail de cinq heures.

3. Le 2 décembre 2015, M. [L] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en reconnaissance d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein le liant à M. [T], en qualité d'assistant parlementaire, depuis le 20 juin 2012 jusqu'au 13 mars 2015 et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt, retenant qu'il était lié à M. [T] par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, pour une durée hebdomadaire de travail de cinq heures, en tant qu'assistant parlementaire, du 20 juin 2012 au 30 mars 2015, de limiter à certaines sommes les condamnations de l'employeur au titre des rappels de salaire de base, de treizième mois, de prime de prévoyance et de prime de repas, alors :

« 2°/ qu'en tout état de cause, qu'en énonçant, pour débouter M. [L] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et indemnitaires au titre d'un contrat de travail à temps complet, que les trois contrats de travail à durée déterminée avaient été signés chacun pour une durée de travail hebdomadaire de 5 heures et que les parties avaient convenu, à trois reprises, de définir la réalité de ce travail pour un volume horaire de 5 heures par semaine, soit 22 heures par mois et qu'elle prenait donc cette estimation de 5 heures par mois [lire par semaine] comme base de calcul du temps de travail de M. [G] [L], et en statuant ainsi par des motifs impropres à justifier que l'employeur avait démontré la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire convenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

3°/ que pour débouter M. [L] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et indemnitaires au titre d'un contrat de travail à temps complet, la cour d'appel a énoncé qu'en l'espèce, il résultait des éléments des débats que M. [L] occupait durant la même période un emploi à temps plein en qualité de directeur de cabinet de M. [T] en qualité de maire et que par courriel en date du 20 mars 2013, M. [L] écrivait à M. [T] qu'il ''bosse à plein temps à la Mairie'', qu'il ne peut ''pas cumuler deux emplois en même temps'', qu'il faut ''en donner à ta ou ton stagiaire car je suis pas ce qui se fait à l'AN ni ce qui ce fait en commission''...''est un boulot en soi, je ne peux pas tout faire'', pour en déduire que l'employeur établissait que M. [L] n'était pas constamment à sa disposition ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à caractériser que M. [L] n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de M. [T], la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

4°/ qu'en déboutant M. [L] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et indemnitaires au titre d'un contrat de travail à temps complet, sans relever que M. [L] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, la cour d'appel a violé l'article L. 312314 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Selon ce texte, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

7. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

8. Pour limiter à certaines sommes les condamnations relatives aux rappels de salaire de base, de treizième mois, de prime de prévoyance et de prime de repas, l'arrêt, après avoir retenu que M. [L] avait bien travaillé comme assistant parlementaire auprès de M. [T] à compter du 20 juin 2012 pour une durée indéterminée, sans contrat de travail écrit, relève que chacun des trois contrats de travail à durée déterminée a été signé pour une durée hebdomadaire de travail de cinq heures.

9. Il constate que durant la même période, le salarié occupait un emploi à temps plein de directeur de cabinet du maire. Il ajoute que, par courriel du 20 mars 2013, l'intéressé a écrit à M. [T] qu'il « bosse à plein temps à la mairie » et qu'il ne peut « pas cumuler deux emplois en même temps ».

10. Il conclut, d'une part, que le contrat de travail était à temps partiel à hauteur de cinq heures de travail hebdomadaire et, d'autre part, que l'employeur établit que le salarié n'était pas constamment à sa disposition.

11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la durée de travail convenue au titre des trois contrats de travail à durée déterminée à temps partiel et de la circonstance que le salarié occupait un emploi à temps plein de directeur de cabinet, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui résultait du caractère non écrit du contrat à durée indéterminée dont elle avait retenu l'existence à compter du 20 juin 2012, sans constater que l'employeur rapportait la preuve, d'une part, de la durée exacte de travail convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'avait pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l'employeur, a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, par motifs adoptés, qu' ''en l'espèce, M. [G] [L] n'apporte pas d'éléments suffisants pour permettre de constater l'existence d'un harcèlement moral à son encontre de la part de M. [Z] [T]'' et que, de ce fait, elle ''ne constate aucun harcèlement moral à l'encontre de M. [G] [L], mais plutôt un abus de la part de M. [Z] [T] dans la charge de travail demandée'' et par motifs propres, sur les éléments de fait présentés par M. [L], que ''[c]es éléments pris dans leur ensemble ne caractérisent nullement des faits répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de M. [L] susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'', la cour d'appel, qui a fait peser exclusivement la charge de la preuve du harcèlement moral sur le salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

13. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

14. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que les éléments produits par le salarié, pris dans leur ensemble, ne caractérisent nullement des faits répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, mais sont la manifestation des exigences du député quant au travail demandé à son assistant parlementaire, ce travail nécessitant de la réactivité.

15. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'examiner les éléments invoqués par le salarié, de dire s'ils étaient matériellement établis, et, dans l'affirmative, d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'existence du harcèlement moral sur le seul salarié, a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes les condamnations de l'employeur au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef de l'arrêt relatif à la rupture du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

17. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif limitant à certaines sommes les condamnations de l'employeur au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

18. Les cassations prononcées n'emportent pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite le montant des condamnations à paiement prononcées contre M. [T] au titre des rappels de salaire de base, du treizième mois, de la prime de prévoyance, de la prime de repas, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, et en ce qu'il déboute M. [L] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400299
Date de la décision : 13/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris,


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2024, pourvoi n°52400299


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400299
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