La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°52400284

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2024, 52400284


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


HP






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 mars 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 284 F-D


Pourvoi n° R 22-19.353








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISr> _________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MARS 2024


Mme [O] [V], épouse [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-19.353 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2022 par la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 mars 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 284 F-D

Pourvoi n° R 22-19.353

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MARS 2024

Mme [O] [V], épouse [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-19.353 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à la société Technique pour l'énergie atomique, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Technique pour l'énergie atomique a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Technique pour l'énergie atomique, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 avril 2022), Mme [V], épouse [U], a été engagée en qualité d'ingénieur par la société Areva TA, devenue société Technique pour l'énergie atomique, par contrat de travail du 17 juillet 2002.

2.Elle a été licenciée le 5 mars 2012.

3. Soutenant avoir été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et de discrimination, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 15 juin 2012, aux fins de dire son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de dommages-intérêts au titre d'une discrimination, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l'article L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le grief dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié emporte à lui seul la nullité du licenciement, sauf mauvaise foi du salarié qui ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé péremptoirement que ''s'agissant des motifs de licenciement tirés du refus de la nouvelle organisation et du refus des autres propositions d'affectation, - et sans même qu'il y ait lieu d'examiner celui tiré du fait d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ces hiérarchies successives ¿ le premier juge a fait une analyse pertinente des faits de la cause que la cour adopte'' ; qu'en statuant ainsi quand elle se devait au contraire d'examiner le grief tiré du fait que la salariée aurait proféré des allégations de harcèlement puisque ce grief, sauf mauvaise foi de la salariée, était de nature à emporter à lui seul la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 1132-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1132-4 du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé péremptoirement que ''s'agissant des motifs de licenciement tirés du refus de la nouvelle organisation et du refus des autres propositions d'affectation, - et sans même qu'il y ait lieu d'examiner celui tiré du fait d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ces hiérarchies successives ¿ le premier juge a fait une analyse pertinente des faits de la cause que la cour adopte'' ; qu'en statuant ainsi quand elle se devait au contraire d'examiner le grief tiré du fait que la salariée aurait proféré des allégations de discrimination puisque, sauf mauvaise foi de la salariée, ce grief était de nature à emporter à lui seul la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 11323 et L. 1132-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est contraire aux écritures de la salariée devant la cour d'appel qui n'aurait jamais soutenu que la sanction de nullité du licenciement serait encourue indépendamment de l'examen des autres motifs du licenciement.

7. Cependant, la salariée a soutenu devant la cour d'appel que la question essentielle n'est pas de savoir si elle avait tort ou raison de dénoncer des faits de discrimination dont elle se pensait victime, mais de savoir si l'employeur avait le droit de la licencier pour les avoir dénoncés et que sa mauvaise foi n'était pas démontrée.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 1132-1, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, L. 1132-3, L. 1132-4, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail :

9. Il résulte des trois premiers de ces textes qu'aucun salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

10. Il résulte des deux derniers qu'aucun salarié à qui la lettre de licenciement fait grief d'avoir dénoncé un harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

11. Pour écarter la nullité du licenciement, l'arrêt retient d'abord que le licenciement de la salariée n'est pas la conséquence de la dénonciation de faits de harcèlement moral et de discrimination dont elle aurait été la victime, ni la conséquence d'une discrimination fondée sur le lien matrimonial.

12. Il retient ensuite que la lettre de licenciement reproche à la salariée d'avoir refusé systématiquement l'autorité et imposé ses conditions à tout changement de situation, d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ses hiérarchies successives et d'avoir refusé des opportunités faites par son actuelle hiérarchie. Il retient enfin que, s'agissant des motifs de licenciement tirés du refus de la nouvelle organisation et du refus des autres propositions d'affectation, ces deux motifs de licenciement sont établis et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans même qu'il y ait lieu d'examiner le grief tiré du fait d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ses hiérarchies successives.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement faisait grief à la salariée d'avoir proféré des allégations mensongères de harcèlement et de discrimination à l'égard de ses hiérarchies successives, et que, sauf mauvaise foi, tant le grief tiré de la relation par le salarié d'agissements de harcèlement moral, que celui tenant à la dénonciation d'une discrimination, emportent à eux seuls la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ayant rejeté les demandes de la salariée d'annulation du licenciement, de réintégration et de dommages-intérêts au titre d'une discrimination et ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens, justifié par d'autres condamnations prononcées à son encontre.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme [U], fondé sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration et de paiement du salaire entre son éviction et sa réintégration ainsi que de dommages-intérêts au titre d'une discrimination, l'arrêt rendu le 29 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Technique pour l'énergie atomique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technique pour l'énergie atomique et la condamne à payer à Mme [U], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400284
Date de la décision : 06/03/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 29 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2024, pourvoi n°52400284


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400284
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award