LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 mars 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 105 F-D
Pourvoi n° H 22-16.470
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 MARS 2024
La société Diac, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-16.470 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société [B] [K], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de Mme [T] [W], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moye de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Diac, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [B] [K], ès qualités, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 mars 2022), le 18 juin 2018, Mme [W], exploitant un commerce de café, débit, dépôt de presse, gérance tabac a conclu avec la société Diac un contrat intitulé location avec promesse de vente, portant sur un véhicule Renault Alaska, le contrat désignant M. [W] en qualité de co-locataire.
2. Le 22 février 2019, Mme [W] a été mise en liquidation judiciaire, la société [B] [K] étant désignée liquidateur.
3. La société Diac a déclaré sa créance et revendiqué le bien loué entre les mains du liquidateur judiciaire. Le juge-commissaire a rejeté sa demande au motif que le contrat portant sur le véhicule n'avait pas été publié.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
4. La société Diac fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de revendication et les autres demandes des parties et de la condamner à payer à la société [B] [K], ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que seules les opérations de crédit-bail mentionnées à l'article L. 313-7 du code monétaire et financier sont soumises à publicité ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que l'offre du 18 juin 2018 mentionne en en-tête : "Contrat de location avec promesse de vente n° 18339969V 18ASK L'offre faite le 18/06/2018 est valable 15 jours soit jusqu'au 03/07/2018. Véhicule à usage personnel" et que la convention comportait des références au code de la consommation ; qu'en énonçant, pour en déduire que "le bien loué est à usage professionnel et que le contrat est un contrat de crédit-bail soumis à la publication prévue à l'article L. 313-7 du code monétaire et financier", que Mme [W] a rempli une fiche de dialogue préalable au contrat, que cette fiche est celle réservée aux "clients commerçant, artisan, profession libérale", que Mme [W] a rempli cette fiche sous la rubrique "demandeur-entreprise" et à la ligne en dessous "renseignements généraux relatifs à l'entreprise" et qu'il lui a été demandé de joindre obligatoirement, en plus de documents relatifs à sa situation personnelle, un extrait de l'immatriculation au registre du commerce de moins de trois mois", tous motifs impropres à établir que ledit véhicule était un bien d'équipement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-7, L. 313-10, R. 313-3 et R. 313-10 du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 313-7, L. 313-10, R. 313-3 et R. 313-10 du code monétaire et financier :
5. Il résulte du premier de ces textes que constituent un crédit-bail les opérations de location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.
6. Selon les autres textes, les opérations de crédit-bail en matière mobilière sont soumises à publicité à défaut desquelles l'entreprise de crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle établit que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits.
7. Pour rejeter la demande de la société Diac, l'arrêt, après avoir relevé que l'offre signée était intitulée « location avec promesse de vente » et qu'il y est mentionné « véhicule à usage personnel », retient que, toutefois, Mme [W] exerçant à titre personnel, cette mention n'est pas suffisante à justifier que le contrat ne porte pas sur un bien d'équipement, que Mme [W] a rempli une fiche de dialogue préalable au contrat, réservée aux « clients commerçant, artisan, profession libérale » sous la rubrique demandeur entreprise et qu'il lui a été demandé de joindre obligatoirement, en plus de documents relatifs à sa situation personnelle, un extrait de l'immatriculation au registre du commerce de moins de 3 mois. Il en déduit que nonobstant l'intitulé du contrat, et ses références au code de la consommation, le contrat de location souscrit par Mme [W] l'a été pour les besoins de son commerce, qu'il en résulte que le bien loué est à usage professionnel de sorte que le contrat est un contrat de crédit-bail soumis à la publication prévue à l'article « L. 313-7 » du code monétaire et financier.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que le véhicule loué était un bien d'équipement destiné à un usage professionnel et que le contrat litigieux était un crédit-bail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit la société Diac en son opposition, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée ;
Condamne la société [B] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [W], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.