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29/02/2024 | FRANCE | N°32400113

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 février 2024, 32400113


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


MF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 février 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 113 F-D


Pourvoi n° W 21-16.755








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024


La société Les Vergers de la coupée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-16.755 contre ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 février 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 113 F-D

Pourvoi n° W 21-16.755

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024

La société Les Vergers de la coupée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-16.755 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [A] [R],

2°/ à Mme [G] [L], épouse [R],

domiciliés tous deux [Adresse 9],

3°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 1],

4°/ à M. [K] [X],

5°/ à Mme [V] [W], épouse [X],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

6°/ à M. [Y] [N],

7°/ à Mme [E] [C], épouse [N],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

8°/ à M. [F] [S],

9°/ à Mme [M] [U], épouse [S],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

10°/ à M. [D] [B],

11°/ à Mme [Z] [J], épouse [B],

domiciliés tous deux [Adresse 10],

12°/ à la société Letard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

13°/ à la société Patrimed, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

14°/ à la société Antropos, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

15°/ à la société Guillaume, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations et les plaidoiries de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Les Vergers de la coupée, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. et Mme [R], Mme [I], M. et Mme [X], M. et Mme [N], M. et Mme [S], M. et Mme [B] et des sociétés Letard, Patrimed, Antropos et Guillaume, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel les parties ont répliqué, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 4 mars 2021) et les productions, le 22 décembre 2006, la société GDP Vendôme a acquis un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en vue de le soumettre au statut de la copropriété et de le revendre par lots à des investisseurs.

2. L'état descriptif de division de l'immeuble ainsi que le règlement de copropriété ont été établis le 28 décembre 2006, le second de ces documents stipulant que l'ensemble immobilier était destiné à un usage exclusif d'EHPAD et que les locaux privatifs ne pourraient être occupés que dans le respect de cette destination.

3. Entre décembre 2006 et décembre 2007, la société GDP Vendôme a commercialisé l'ensemble des lots, chacun des acquéreurs les donnant, le jour même des ventes, à bail commercial à la société Les Vergers de la coupée (la locataire), exploitante unique de l'établissement.

4. Entendant transférer son activité dans un nouvel établissement, la locataire a donné congé à l'ensemble des copropriétaires bailleurs pour les dates d'échéance des baux, s'échelonnant du 21 février 2016 au 29 décembre 2018.

5. Ayant libéré les lieux le 14 décembre 2017, la locataire a, jusqu'au 31 décembre 2017, payé une indemnité d'occupation aux propriétaires des lots objets de baux arrivés à échéance antérieurement à cette date.

6. Soutenant qu'en raison de l'obligation imposée par le règlement de copropriété de confier les locaux loués à un exploitant unique, la persistance de baux à échéance postérieure au 31 décembre 2017 rendait leurs lots indisponibles à la relocation, M. et Mme [R], Mme [I], M. et Mme [X], M. et Mme [N], M. et Mme [H], M. et Mme [B], la société Letard, la société Patrimed, la société Antropos et la société Guillaume (les bailleurs) ont, le 7 septembre 2018, assigné la locataire en paiement d'une indemnité d'occupation, et subsidiairement d'immobilisation, du 1er janvier 2018 jusqu'à la fin de tout bail liant la locataire à un ou plusieurs copropriétaires de la résidence.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches et sixième
à dixième branches

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches

Enoncé du moyen

8. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux bailleurs, à titre d'indemnités mensuelles d'immobilisation, du 1er janvier au 28 décembre 2018, alors :

« 1°/ que la faute délictuelle consiste à manquer à un devoir spécifique, susceptible d'un énoncé positif ; que le preneur de baux commerciaux portant sur les lots composant une résidence n'a pas d'obligation extracontractuelle de maintenir à ses frais l'économie d'ensemble de l'opération, dont il n'est pas l'auteur, au bénéfice des investisseurs bailleurs ; qu'au cas présent, la cour d'appel a situé la faute de la société Les vergers de la coupée, preneur à bail, sur le terrain extracontractuel, dans "le fait d'avoir cessé tout versement d'indemnité à des copropriétaires", postulant ainsi l'existence d'un devoir général de l'exploitant de la résidence d'abonder, à titre de dommages-intérêts et sans contrepartie contractuelle du type mise à disposition des biens, les comptes de l'opération pour les investisseurs ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce devoir ou cette obligation n'existe pas, une personne impliquée dans un montage global dont elle n'est pas l'auteur n'ayant pas de devoir d'en maintenir l'économie, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil ;

5°/ que l'exercice d'une liberté par son titulaire n'expose en principe pas celui-ci à devoir réparer le dommage provoqué par ledit exercice ; qu'il n'en va autrement, et le titulaire de la liberté doit en réparer les conséquences dommageables, qu'en cas d'abus dans l'exercice de ladite liberté ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que le simple usage, non fautif, de la liberté reconnue à la société Les Vergers de la coupée de ne pas reconduire le bail commercial à son terme de neuf années exposait le preneur à réparer le préjudice prétendument lié à ce défaut de reconduction ; que la cour d'appel a ainsi retenu que l'exercice d'une liberté fondamentale n'exonère pas celui qui en fait usage de l'obligation d'indemniser ceux qui subissent un préjudice du fait de ce choix" ; qu'en statuant ainsi, cependant que le droit positif est fixé en sens diamétralement opposé, la cour d'appel a violé la liberté d'entreprendre, ensemble les articles 1240 et 1241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil :

9. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

10. Aux termes du second, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

11. Pour condamner la locataire au paiement d'indemnités d'immobilisation du 1er janvier au 28 décembre 2018, l'arrêt retient que le fait pour la locataire d'avoir, à compter du 31 décembre 2017, cessé tout versement d'indemnités à des bailleurs dont elle savait, qu'en raison de baux se poursuivant à son profit, ils étaient privés de toute possibilité de percevoir les fruits de leurs biens auprès d'un autre preneur, était indubitablement fautif.

12. Elle ajoute que, si le choix de la locataire d'exercer son activité dans d'autres locaux n'est pas lui-même remis en cause, c'est vainement que celle-ci invoque le principe de la liberté d'entreprendre, l'exercice d'une liberté fondamentale n'exonérant pas celui qui en fait usage de l'obligation d'indemniser ceux qui subissent un préjudice du fait de ce choix.

13. En se déterminant ainsi, après avoir retenu que ni la résiliation des baux, intervenue aux dates d'échéance de ceux-ci et conformément aux dispositions légales et aux stipulations contractuelles, ni la décision de la locataire de transférer son activité dans un autre établissement, n'étaient fautives, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de faute de la locataire de nature à justifier l'allocation d'une indemnité réparatrice du préjudice qu'elle constatait, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Mâcon, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon autrement composée ;

Condamne M. et Mme [R], Mme [I], M. et Mme [X], M. et Mme [N], M. et Mme [S], M. et Mme [B] et les sociétés Letard, Patrimed, Antropos et Guillaume aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [R], Mme [I], M. et Mme [X], M. et Mme [N], M. et Mme [S], M. et Mme [B] et les sociétés Letard, Patrimed, Antropos et Guillaume et les condamne à payer à la société Les Vergers de la coupée la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400113
Date de la décision : 29/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 04 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 fév. 2024, pourvoi n°32400113


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400113
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