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29/02/2024 | FRANCE | N°22400176

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 février 2024, 22400176


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 février 2024








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 176 F-D


Pourvoi n° A 22-17.338








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024


L'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-17.338 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de M...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 février 2024

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 176 F-D

Pourvoi n° A 22-17.338

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024

L'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-17.338 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2022 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3 - sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, dont le siège est Assurance maladie des mines, [Adresse 1], ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 avril 2022), la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la caisse), par décision du 30 mars 2012, a pris en charge, au titre du tableau n° 16 bis C des maladies professionnelles, la pathologie déclarée par M. [O] (la victime), salarié des Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits desquelles se sont successivement trouvés l'établissement public Charbonnages de France, puis l'agent judiciaire de l'Etat.

2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'Agent judiciaire de l'Etat fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnisation des préjudices personnels subis par la victime aux sommes de 25 000 euros au titre du préjudice moral et 15 000 euros au titre du préjudice physique, alors :

« 1°/ que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 25 000 euros l'indemnité réparant le préjudice moral subi par la victime et à la somme de 15 000 euros l'indemnité réparant le préjudice physique subi par ce dernier, la cour d'appel a retenu que « Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisés à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé. L'indemnisation des souffrances physiques et morales prévues par ce texte ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui n'est ni prévue par ce texte, ni par les dispositions des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, puisque la rente servie après consolidation est déterminée par la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ne comprenant pas la prise en compte de quelconques souffrances. Il s'ensuit que la rente et sa majoration ne peuvent indemniser les souffrances endurées. » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes susvisés ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 25 000 euros l'indemnité réparant le préjudice moral subi par la victime et à la somme de 15 000 euros l'indemnité réparant le préjudice physique subi par ce dernier, la cour d'appel a retenu que « S'agissant des souffrances physiques subies par la victime, ce dernier verse aux débats plusieurs pièces médicales attestant de ce qu'il a subi divers examens, été hospitalisé pour une opération de sa tumeur vésicale, a subi différents traitements complémentaires du fait d'une situation de récidive (instillations d'IMMUCYST) lesquels ont provoqué des douleurs pelviennes. Ces pièces évoquent également un épisode inflammatoire, nécessairement source de douleurs. Dans ses doléances, lors de son examen clinique par le médecin conseil en vue d'évaluer son taux d'IPP , la victime a également fait état de douleurs pelviennes lorsqu'il se penche en avant dont l'existence n'apparaît pas remise en cause. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour fixe à la somme de 15 000 euros, l'indemnité réparant les douleurs physiques subies. S'agissant du préjudice moral, la victime était âgé de 76 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint d'un cancer des voies urinaires. Le témoignage de ses enfants, de son gendre confirme que, depuis qu'il est malade, la victime est angoissé et stressé par les conséquences et l'évolution de sa maladie. Ainsi, l'anxiété liée l'annonce de son cancer de la vessie et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance la forte inquiétude en résultant et la détresse morale lié à son état seront réparées par l'allocation d'une somme de 25 000 euros de dommages intérêts » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de la rente ou de l'indemnité en capital qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2 du même code, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à celui-ci devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

5. Il est désormais jugé que la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés).

6. Il en résulte que la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, que la rente ou l'indemnité en capital n'ont pas pour objet d'indemniser.

7. L'arrêt énonce que l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet à la victime de solliciter l'indemnisation du préjudice causé par l'ensemble des souffrances physiques et morales endurées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé. L'arrêt, après avoir relevé que le préjudice ne peut être réparé par la rente et sa majoration, retient l'existence de souffrances physiques de la victime liées au suivi médical, à une hospitalisation pour une opération de sa tumeur vésicale, à des traitements complémentaires ayant causé des douleurs pelviennes suite à une récidive et à un épisode inflammatoire, ainsi que de souffrances morales liées à l'angoisse et le stress de la victime en raison des menaces pesant sur son pronostic vital et de la dégradation de son état.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que les souffrances physiques et morales de la victime devaient être indemnisées.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400176
Date de la décision : 29/02/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 07 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 fév. 2024, pourvoi n°22400176


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400176
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