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29/02/2024 | FRANCE | N°22400171

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 février 2024, 22400171


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 février 2024








Cassation partielle sans renvoi




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 171 F-D


Pourvoi n° G 22-14.102








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____

____________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024


La société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-14.102 contre l'arrêt ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 février 2024

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 171 F-D

Pourvoi n° G 22-14.102

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024

La société [3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 22-14.102 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse de mutualité sociale agricole de Bourgogne (MSA Bourgogne), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole de Bourgogne, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 février 2022), et les productions, la caisse de mutualité sociale agricole de Bourgogne (la caisse) a, par courrier du 10 octobre 2017, transmis à la société [3] (l'employeur) une décision de refus de prise en charge « à titre conservatoire » de la maladie déclarée par l'un de ses salariés, dans l'attente de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional).

2. A la suite de cet avis, la caisse a, le 13 août 2018, notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle.

3. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité à son égard de cette décision.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

4. La caisse soulève l'irrecevabilité du pourvoi formé par l'employeur contre l'arrêt du 17 février 2022 sur le fondement de l'article 608 du code de procédure civile, au motif que cet arrêt a confirmé le jugement écartant le moyen d'inopposabilité invoqué par l'employeur sans mettre fin à l'instance.

5. Aux termes de l'article 606 du même code, les jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être frappés de pourvoi en cassation comme les jugements qui tranchent en dernier ressort tout le principal.

6. L'arrêt confirmatif attaqué, qui rejette la demande aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle présentée par l'employeur et ordonne la saisine d'un nouveau comité régional en vue de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, tranche dans son dispositif une partie du principal.

7. Le pourvoi est, dès lors, recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, alors « que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le courrier du 10 octobre 2017, adressé à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception, énonçait « nous sommes contraints de notifier un refus conservatoire », précisant que « si vous le souhaitez, vous pouvez contester cette décision, par lettre simple, dans le délai de 2 mois à compter de la date de réception de ce courrier, auprès de Monsieur le Président de la commission de recours amiable de votre MSA » ; qu'en jugeant que cette lettre n'avait été envoyée que pour information à l'employeur, qu'elle ne lui ouvrait aucun recours, et qu'il ne s'agissait pas d'une décision notifiée à l'employeur, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en méconnaissance du principe précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

9. Pour retenir que la décision de refus de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle n'avait pas été notifiée à l'employeur, l'arrêt relève que la décision ne lui a été envoyée que pour information et qu'elle ne lui ouvrait aucun recours.

10. En statuant ainsi, alors que le courrier du 10 octobre 2017 indiquait que la décision était notifiée à l'employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et portait mention des délais et voies de recours, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi le principe susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, que, dès lors qu'elle a été notifiée à l'employeur, la décision initiale de la caisse de refus de prise en charge de la pathologie d'un salarié au titre de la législation professionnelle, fût-ce à titre conservatoire dans l'attente de la décision du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), revêt un caractère définitif à son égard ; qu'en conséquence, la décision ultérieure de la caisse de prise en charge de cette pathologie, après reprise de la procédure d'instruction, est inopposable à l'employeur ; qu'en l'espèce, le 10 octobre 2017, la caisse a adressé à l'employeur un courrier notifiant un refus de prise en charge « à titre conservatoire » de la pathologie déclarée par la victime ; qu'en jugeant qu'un tel courrier n'avait pu revêtir le caractère définitif d'une décision de refus de prise en charge à l'égard de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

12. Selon ce texte, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief.

13. Il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard.

14. Pour rejeter la demande de l'employeur en inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'arrêt énonce que la décision initiale de refus de prise en charge ne lui a été envoyée que pour information, s'agissant d'une décision ne lui faisant pas grief. Il ajoute que la décision de refus conservatoire a pour seul intérêt d'éviter une reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie à l'égard de la victime. Il en déduit que cette décision temporaire n'a pas été notifiée à l'employeur.

15. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces produites devant elle que la décision initiale de refus de prise en charge de la maladie avait été notifiée à l'employeur, de sorte qu'elle était devenue définitive à son égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

18. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12,13 et 15 qu'il y a lieu de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevable le recours de la société [3], l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du 20 mars 2018 de la maladie dont Mme [T] est atteinte ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole de Bourgogne aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Dijon ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale agricole de Bourgogne et la condamne à payer à la société [3] la somme de 2 000 euros au titre de la présente instance devant la Cour de cassation et la somme de 1 000 euros au titre de l'instance d'appel ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400171
Date de la décision : 29/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 17 février 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 fév. 2024, pourvoi n°22400171


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400171
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