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28/02/2024 | FRANCE | N°52400211

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2024, 52400211


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 28 février 2024








Rejet




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 211 F-D


Pourvoi n° Q 22-19.007










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024


L'association Société d'enseignement professionnel du Rhône, association déclarée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 février 2024

Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 211 F-D

Pourvoi n° Q 22-19.007

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024

L'association Société d'enseignement professionnel du Rhône, association déclarée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-19.007 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. [X] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Société d'enseignement professionnel du Rhône, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 mai 2022), M. [U] a été engagé en qualité de professeur-formateur à temps partiel par l'association Société d'enseignement professionnel du Rhône à compter du 21 février 1994.

2. En arrêt de travail à compter du 10 juin 2016, il a saisi le 14 décembre 2016 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

3. Déclaré inapte à son poste à l'issue d'un examen médical du 25 janvier 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 février 2017.

Examen des moyens

Sur les deux moyens réunis

Enoncé des moyens

4. Sur le premier moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'au terme de la durée de survie de l'accord du 20 décembre 1990 intervenu le 1er août 2016, il ne pouvait décider unilatéralement que le temps de préparation-recherche devait être effectué dans ses locaux, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié à ses torts à la date du 14 février 2017 et de le condamner à verser au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que seul un manquement de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ; que constitue un avantage individuel acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; qu'au cas présent, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant l'exposante à M. [U] aux torts de la première, la cour d'appel a retenu que celle-ci avait commis des manquements ''d'une gravité telle qu'ils empêchaient toute poursuite de la relation de travail'' ; que selon la cour d'appel, l'un de ces deux manquements consistait dans le fait de revenir ''sur [l'avantage] individuel acquis [de M. [U] lui permettant] d'organiser librement son temps de préparation recherche pour Iui imposer d'accomplir les heures de travail dédiées au sein des locaux de l'entreprise'' ; que la cour d'appel s'est bornée, à propos de ce manquement, à affirmer que ''les modalités selon lesquelles devaient être accomplis les horaires de travail pour chaque journée travaillée qui résultaient de l'accord collectif dénoncé, constituaient à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis'' ; qu'en se déterminant de la sorte, sans expliciter en aucune façon la nature concrète des modalités d'accomplissement des heures dites de ''préparation-recherche'' ni expliquer, même sommairement, l'objet dudit avantage, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son office et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1224 et 1227 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que seul un manquement de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ; que constitue un avantage individuel acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; que constitue un avantage collectif, et non individuel, au sens de la disposition précitée, celui qui se rapporte aux conditions de travail de l'ensemble des salariés d'une même catégorie ; que, de même, constitue un avantage collectif, et non un avantage individuel acquis, celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l'ensemble des salariés concernés de l'organisation collective du temps de travail applicable à la suite de la cessation d'un accord collectif ; qu'au cas présent, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant l'exposante à M. [U] aux torts de la première, la cour d'appel a retenu que celle-ci avait commis des manquements ''d'une gravité telle qu'ils empêchaient toute poursuite de la relation de travail'' ; que selon la cour d'appel, l'un de ces deux manquements consistait dans le fait de revenir ''sur [l'avantage] individuel acquis [de M. [U] lui permettant] d'organiser librement son temps de préparation recherche pour Iui imposer d'accomplir les heures de travail dédiées au sein des locaux de l'entreprise'' ; que pour statuer en ce sens, la cour d'appel a affirmé que ''les modalités selon lesquelles devaient être accomplis les horaires de travail pour chaque journée travaillée qui résultaient de l'accord collectif dénoncé, constituaient à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis'' ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait de ces constatations que l'avantage en cause relevait de l'organisation collective des horaires et de l'aménagement du temps de travail propre à l'entreprise, de sorte que ledit avantage avait une nature collective au sens des dispositions précitées, la cour d'appel n'a pas, en toute hypothèse, tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1224 et 1227 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que seul un manquement de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ; qu'au cas présent, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant l'exposante à M. [U] aux torts de la première, la cour d'appel a retenu que celle-ci avait commis des manquements ''d'une gravité telle qu'ils empêchaient toute poursuite de la relation de travail'' ; que selon la cour d'appel, l'un de ces deux manquements consistait dans le fait que l'exposante avait ''tenté'' d'imposer unilatéralement à M. [U] une nouvelle répartition de son temps partiel de travail et constaté que le salarié avait refusé cette simple proposition réitérée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'elle avait constaté que M. [U] avait refusé la proposition de modification envisagée par l'exposante, et sans établir en quoi cette dernière aurait effectivement ''modifié unilatéralement'' le contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1103, 1224 et 1227 du code civil et L. 1221-1 du code du travail. »

5. Sur le second moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au titre d'un préjudice distinct du préjudice né de la rupture du contrat de travail, alors « que constitue un avantage individuel acquis au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; que constitue un avantage collectif, et non individuel, au sens de la disposition précitée, celui qui se rapporte aux conditions de travail de l'ensemble des salariés d'une même catégorie ; que, de même, constitue un avantage collectif, et non un avantage individuel acquis, celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l'ensemble des salariés concernés de l'organisation collective du temps de travail applicable à la suite de la cessation d'un accord collectif ; que pour condamner l'exposante à verser à M. [U] la somme de 5 000 euros au titre d'un préjudice distinct de la rupture, la cour d'appel a retenu qu'en revenant sur l'avantage individuel acquis de son salarié en lui imposant d'effectuer à l'avenir les heures de préparation-recherche au sein de ses locaux, l'association SEPR avait commis une faute qui était, au moins partiellement, à l'origine de la dégradation de l'état de santé psychique de son salarié et de l'arrêt de travail prescrit à compter du 10 juin 2016 à raison d'un ''syndrome anxiodépressif réactionnel-harcèlement professionnel'' ; que la cour d'appel a retenu que ''les modalités selon lesquelles devaient être accomplis les horaires de travail pour chaque journée travaillée qui résultaient de l'accord collectif dénoncé, constituaient à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail un avantage individuel acquis'' ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ressortait de ces constatations que l'avantage en cause relevait de l'organisation collective des horaires et de l'aménagement du temps de travail propre à l'entreprise, ce dont il résultait qu'il avait une nature collective au sens des dispositions précitées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble les articles 1103 du code civil et L. 1222-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 2261-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ce délai.

7. Est un avantage individuel acquis, au sens de ces dispositions, un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel.

8. L'arrêt constate que le contrat de travail du salarié, qui détaille les deux activités, l'une de face-à-face pédagogique et l'autre de « préparation, recherche, tronc commun et autres activités spécifiques » de l'intéressé, vise expressément l'accord d'entreprise du 20 décembre 1990. Il relève que cet accord définit le « temps de préparation-recherche » comme « l'activité indissociable du temps de face-à-face pédagogique, permettant la préparation au sens large de tout acte pédagogique, ces deux activités pouvant être dissociées dans le temps. Le professeur-formateur a toute liberté quant au contenu du temps de préparation-recherche, ainsi que du lieu d'exécution de cette mission. Toute heure de face-à-face pédagogique fait l'objet d'un temps de préparation-recherche équivalent à 75 %, soit : une heure de face-à-face pédagogique implique 45 minutes de préparation-recherche. » Il retient qu'après la dénonciation de cet accord auprès des organisations syndicales par l'employeur le 16 décembre 2014, puis la prorogation de la période de survie au 31 juillet 2016, aucune nouvelle convention ou nouvel accord n'a été conclu.

9. La cour d'appel en a exactement déduit que les modalités selon lesquelles devaient être accomplis les horaires de travail pour chaque journée travaillée qui résultaient de l'accord collectif dénoncé constituaient, à l'expiration des délais prévus à l'article L. 2261-13 du code du travail, un avantage individuel acquis, qui a été incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'association à la date de la dénonciation et que l'employeur ne pouvait modifier sans l'accord de chacun de ces salariés.

10. La cour d'appel, qui a ensuite retenu qu'en tentant d'imposer unilatéralement au salarié une nouvelle répartition du temps de travail partiel et en revenant concomitamment sur son avantage individuel acquis d'organiser librement son temps de préparation-recherche pour lui imposer d'accomplir les heures de travail dédiées au sein des locaux de l'entreprise, et qui a relevé les sollicitations réitérées et circonstanciées du salarié sur ce point et la situation de blocage en résultant dans la perspective de la rentrée scolaire 2016/2017, l'employeur refusant de conclure un avenant sur ce point, a pu en déduire que ces manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifiaient la résiliation judiciaire de ce contrat.

11. Ayant retenu que ces manquements étaient, au moins partiellement, à l'origine de la dégradation de l'état de santé du salarié, elle a souverainement évalué le préjudice distinct de la rupture dont elle a constaté l'existence.

12. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Société d'enseignement professionnel du Rhône aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Société d'enseignement professionnel du Rhône et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400211
Date de la décision : 28/02/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 25 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2024, pourvoi n°52400211


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400211
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