LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 88 F-D
Pourvoi n° D 22-18.744
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 FÉVRIER 2024
M. [U] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-18.744 contre le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Saverne (section civile), dans le litige l'opposant à M. [W] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [M], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saverne, 10 mai 2022), le 2 octobre 2017, M. [M], huissier de justice (l'huissier de justice), a mis en oeuvre une procédure de saisie des rémunérations à la demande de M. [X] (le créancier), en recouvrement d'une créance de 705 euros à l'encontre de M. [N] (le débiteur).
2. Un jugement du 4 décembre 2018 a déclaré irrecevable la requête en saisie des rémunérations en raison de la liquidation judiciaire du débiteur prononcée le 7 juin 2012 et a condamné le créancier à payer au débiteur la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
3. Le créancier a assigné l'huissier de justice en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le créancier fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors « que l'huissier de justice chargé de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution ; que les compétences et connaissances personnelles du client ne libèrent pas l'huissier de justice de son devoir de conseil ; qu'après avoir reconnu la faute commise par M. [M], huissier de justice, qui a engagé une procédure d'exécution qu'il savait ne pouvoir prospérer et avoir relevé qu'il lui appartenait d'informer son mandant de l'impossibilité d'exécution, le tribunal a néanmoins rejeté la demande de condamnation de l'huissier en retenant que le mandant, non professionnel, avait connaissance du risque encouru ; qu'en statuant [ainsi], le tribunal a violé l'article L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 1991 et 1992 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1992 du code civil et L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution :
5. Il résulte de ces textes que l'huissier de justice, devenu commissaire de justice, mandataire du créancier, a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution, et répond des fautes qu'il commet dans ces opérations.
6. Pour rejeter les demandes d'indemnisation du créancier, après avoir relevé que l'huissier de justice avait engagé à tort une procédure de saisie des rémunérations du débiteur qu'il savait ne pas pouvoir prospérer du fait de sa liquidation judiciaire, le jugement retient que la requête répondait à une demande insistante du créancier qui était informé de la situation du débiteur et de l'impossibilité d'agir à son encontre.
7. En statuant ainsi, alors qu'il avait caractérisé la faute de l'huissier de justice, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saverne ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] et le condamne à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.