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14/02/2024 | FRANCE | N°52400206

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 52400206


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 206 F-D


Pourvoi n° K 22-21.464








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


L'association Centre de pneumologie [2], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-21.464 contre l'arrêt rend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 206 F-D

Pourvoi n° K 22-21.464

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

L'association Centre de pneumologie [2], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-21.464 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [I] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Centre de pneumologie [2], de Me Haas, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 17 janvier 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 7 juillet 2022), Mme [H] a été engagée en qualité d'infirmière diplômée d'Etat par l'association Centre de pneumologie [2] selon contrat à durée indéterminée du 25 juin 2012.

2. Par lettre du 22 février 2018, son licenciement a été prononcé pour cause réelle et sérieuse.

3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins que lui soit allouée une indemnisation sur ce fondement et sur celui du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et que son licenciement soit jugé nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a été victime de harcèlement moral et de le condamner à lui payer certaines sommes à ce titre et au titre du licenciement nul, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence d'un harcèlement moral, il incombe au juge d'apprécier si les faits matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pris en compte parmi les éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient selon elle présumer/supposer l'existence d'un harcèlement, d'une part, un courrier collectif rédigé par la salariée pour se plaindre, avec d'autres salariés, de problèmes relationnels et organisationnels et, d'autre part, une fiche de signalement d'événements indésirables remplie par la salariée pour se plaindre à nouveau d'une souffrance au travail, d'une atmosphère insupportable en se disant harcelée et agressée verbalement par une collègue, qu'elle ne désignait pas nommément ; qu'en se fondant ainsi sur les allégations de la salariée, et non sur des faits matériellement établis, pour retenir que l'existence du harcèlement moral était présumé/supposé, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que le harcèlement moral suppose des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, après avoir relevé un unique agissement non justifié à l'encontre de la salariée, résultant seulement du fait que "Mme [J] s'est vue interroger par deux personnes de la direction sur le comportement de trois salariées nommément désignées, dont Mme [H], à raison de leur fort caractère prétendu, soit une appréciation pour le moins subjective", la cour d'appel a tout au plus reproché à l'employeur de ne pas justifier de la mise en oeuvre d'actions suffisantes à la suite d'une plainte collective de salariés, dont Mme [H], le 1er septembre 2016, et à la suite de la fiche de signalement indésirable qu'elle avait rédigée le 2 février 2017 ; qu'en statuant par des motifs ne suffisant pas à caractériser des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;

3°/ que les juges doivent prendre en compte tous les éléments invoqués par l'employeur pour justifier de l'absence de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a purement et simplement ignoré les justifications de l'employeur tenant au comportement de la salariée vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie et les éléments de preuve dont il se prévalait à ce titre ; qu'il en résulte que la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et en répondant aux écritures des parties qu'elle n'était pas tenue de suivre dans le détail de leur argumentation, déduit que la salariée établissait des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral et que l'employeur n'en apportait pas la justification par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de la salariée et de le condamner à payer à cette dernière certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour harcèlement moral alors « qu'aucun texte ne prévoit la nullité du licenciement à raison de la violation par l'employeur de l'article L. 1152-4 alinéa 1er du code du travail qui dispose que "L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral" ; qu'en affirmant en l'espèce pour juger le licenciement nul qu'"Au visa de l'article L. 1152-4 du code du travail, le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [H] procède directement des manquements reconnus de l'employeur s'agissant des faits de harcèlement moral et des mesures visant à la prévenir puisqu'il est, en substance, reproché à Mme [H] un comportement inadapté lors des transmissions entre l'équipe de jour et de nuit à l'égard de ses collègues de travail, soit dit autrement d'entretenir un climat conflictuel générateur de stress et de tensions alors même que cette situation se rattache à des déficiences repérées et non traitées dans l'organisation générale de l'entreprise par l'employeur à la date du licenciement, qualifiées par le présent arrêt de harcèlement moral en ce qu'elles ont eu pour conséquence une dégradation significative des conditions de travail de la salariée", la cour d'appel a violé l'article L. 1152-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-3 et L. 1152-4 du code du travail :

8. Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

9. Pour déclarer nul le licenciement, l'arrêt relève, au visa de l'article L. 1152-4 du code du travail, qu'il procède directement des manquements reconnus de l'employeur s'agissant des mesures visant à prévenir le harcèlement moral, que le comportement reproché à la salariée se rattachait à des déficiences repérées et non traitées par l'employeur dans l'organisation générale de l'entreprise et que les conflits imputés à la salariée ont été rendus possibles par les carences organisationnelles de l'employeur dans son pouvoir de direction.

10. En statuant ainsi, alors que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou à l'obligation de prévention du harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-4 du code du travail n'est pas de nature à justifier la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant nul le licenciement et condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à ce titre n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme au titre du harcèlement moral.

12. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant nul le licenciement et condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme à ce titre n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nul le licenciement notifié le 22 février 2018 par l'association Centre de pneumologie [2] à Mme [H] et en ce qu'il condamne l'association Centre de pneumologie [2] à payer à Mme [H] la somme de 20 800 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400206
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 07 juillet 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2024, pourvoi n°52400206


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400206
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