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14/02/2024 | FRANCE | N°52400193

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 52400193


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 193 F-D


Pourvoi n° F 20-20.601








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRA

NÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-20.601 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2020 par la cour ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 193 F-D

Pourvoi n° F 20-20.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-20.601 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Borgwarner France, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Delphi France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Gury et Maître, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Borgwarner France, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 juin 2020), Mme [O] a été engagée en qualité de chef de produits, statut cadre, le 1er mars 2011 par la société Delphi France. Elle a été détachée auprès de la société DPSS à [Localité 2] à compter du 1er février 2014 pour exercer les fonctions de Trade Marketing Specialist MENA (Middle East and North Africa).

2. Elle a été en congé maternité du 27 avril au 17 août 2015, puis en arrêt de travail pour maladie du 27 septembre au 27 octobre 2015. Le 5 janvier 2016, elle a été placée à nouveau en arrêt de travail pour maladie.

3. Par lettre du 29 février 2016, la salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

4. Soutenant notamment avoir été victime de discrimination en raison de sa grossesse et de son état de santé, la salariée a saisi, le 14 mars 2016, la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement, à sa réintégration, subsidiairement à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de dommages-intérêts pour discrimination, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour violation de la garantie d'emploi prévue par l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

5. La société Borgwarner France est venue aux droits de la société Delphi France.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas été victime de discrimination et de la débouter de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande de réintégration sous astreinte, alors « que Mme [O] sollicitait la nullité de son licenciement en faisant valoir qu'il reposait sur sa dénonciation de la discrimination dont elle faisait l'objet de la part de son employeur ; qu'elle rappelait qu'elle avait rapporté au service des relations humaines de Delphi France et de son supérieur hiérarchique, M. [J], le processus discriminatoire dont elle avait été victime ; que la cour d'appel, qui s'est contentée de rechercher si Mme [O] avait été victime d'une discrimination, n'a pas répondu au moyen invoqué par la salariée tiré de la référence expresse dans la lettre de licenciement à la dénonciation de la mesure discriminatoire dont elle avait été victime ; que pour avoir omis de répondre à ces conclusions déterminantes au regard de la validité du licenciement, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes de nullité du licenciement et de réintégration, l'arrêt, après avoir retenu que les faits invoqués par la salariée au soutien d'une discrimination en raison de son état de grossesse et de son état de santé ne permettent pas de présumer l'existence d'une discrimination, énonce que l'insuffisance professionnelle reprochée par l'employeur dans la lettre de licenciement est caractérisée et que ce seul motif justifie le bien fondé du licenciement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second motif invoqué dans la lettre de licenciement tenant à l'absence prolongée de la salariée rendant nécessaire son remplacement définitif.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que la lettre de licenciement se prévalait de la dénonciation par l'intéressée de mesures discriminatoires alléguées par celle-ci et que ce grief emportait à lui seul la nullité du licenciement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de la garantie d'emploi

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de la garantie d'emploi, alors « qu'en tout état de cause, à supposer même que le licenciement ne soit pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [O] avait droit au versement de deux mois de salaire dès lors qu'elle avait été licenciée avant d'avoir épuisé ses droits issus de la période de garantie d'emploi prévus par l'article 16, d'une durée de trois mois à compter de l'arrêt maladie du 5 janvier 2016 ; qu'en déboutant Mme [O] de sa demande, la cour a derechef violé l'article 16 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 :

12. Selon ce texte, les absences relevant de maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, font l'objet d'une indemnisation à plein tarif pendant une durée de trois mois pour un salarié ayant une à cinq années d'ancienneté et, à l'issue de cette période, le contrat de travail peut être rompu en cas de nécessité de remplacement effectif du salarié.

13. La violation d'une clause de garantie d'emploi oblige l'employeur à indemniser le salarié du solde des salaires restant dû jusqu'au terme de la période garantie.

14. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la garantie d'emploi, l'arrêt relève que la salariée soutient que l'article 16 de la convention collective applicable prévoit qu'un salarié dont le contrat de travail est suspendu pour raison de santé ne peut être licencié avant l'expiration d'un délai précis, de trois mois la concernant, et qu'elle sollicite à titre de dommages-intérêts deux mois de salaire puisque l'employeur a engagé une procédure de licenciement un mois après le début de son arrêt-maladie. Il retient ensuite que ces dispositions conventionnelles apparaissent applicables au seul licenciement prononcé pour absences prolongées rendant nécessaire le remplacement définitif du salarié et donc inapplicables au licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle, comme en l'espèce.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée, en arrêt de travail pour maladie depuis le 5 janvier 2016, avait été convoquée le 10 février 2016 à un entretien préalable au licenciement, puis licenciée le 29 février suivant, notamment pour absence prolongée rendant nécessaire son remplacement définitif, ce dont il résultait que l'employeur n'avait pas respecté la période de garantie d'emploi de trois mois à laquelle la salariée pouvait prétendre et que celle-ci était bien fondée en sa demande de dommages-intérêts équivalents aux deux mois de salaire qu'elle aurait perçus jusqu'au terme de la période de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société une certaine somme à titre de remboursement de l'avance sur loyer versée par la société en janvier 2016, alors « que les conventions légalement formées font la loi des parties et s'imposent au juge ; qu'en condamnant Mme [O] à payer à la société Delphi la somme de 16 000 euros à titre de remboursement de l'avance sur loyer versée par la société en janvier 2016 quand le contrat de détachement ne prévoyait aucune clause relative au remboursement par la salariée de l'indemnité mensuelle de logement en cas de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

18. Pour condamner la salariée à payer à la société une certaine somme à titre de remboursement de l'avance sur loyer versée par la société en janvier 2016, l'arrêt retient que les parties conviennent, comme cela résulte de l'avenant d'expatriation, que la salariée bénéficiait d'un « housing allowance » d'un montant initial de 1 000 euros porté à 1 500 euros, que l'historique des versements révèle que la salariée a reçu en avance la somme de 18 000 euros le 5 janvier 2016 correspondant à l'avance pour la période de février 2016 à janvier 2017, qu'elle avait perçu de la même façon en avance et pour une année entière la somme de 18 000 euros le 21 janvier 2015 et que, compte tenu du licenciement de l'intéressée, la somme n'était plus due à compter du mois de mars 2016, de sorte que la salariée a indûment perçu la somme de 16 500 euros ramenée à 16 000 euros suivant demande.

19. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que la lettre de détachement du 6 janvier 2014 ne comportait aucune clause de remboursement de l'allocation logement mensuelle perçue par l'intéressée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [O] de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes, de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la garantie d'emploi, en ce qu'il condamne Mme [O] à payer à la société Delphi France, aux droits de laquelle vient la société Borgwarner France, la somme de 16 000 euros à titre de remboursement de l'avance sur loyer versée par la société en janvier 2016 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Borgwarner France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Borgwarner France et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400193
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2024, pourvoi n°52400193


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gury & Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400193
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