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14/02/2024 | FRANCE | N°52400176

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2024, 52400176


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 février 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 176 F-D


Pourvoi n° G 21-19.802








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


M. [Y] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.802 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'ap...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 février 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 176 F-D

Pourvoi n° G 21-19.802

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024

M. [Y] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-19.802 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Corsi France international transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Corsi France international transports, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 20 mai 2021) et les productions, M. [F] a été engagé en qualité de chauffeur routier, le 22 octobre 2001, par la société Corsi France international transports (la société).

2. Licencié le 13 septembre 2013, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes salariales dirigées contre la société, alors « que le salarié peut réclamer l'avantage résultant de la prime de treizième mois jusqu'à la dénonciation régulière de celui-ci ou la conclusion d'un accord d'entreprise ayant le même objet ; qu'en considérant, enfin, pour rejeter la demande du salarié relative à la prime de treizième mois, que la suppression de cet avantage avait été évoquée le 26 mars 2009, puis dans une lettre du 29 décembre 2009, laquelle avait prévu la suppression, pour motif économique, de la prime pour l'année 2009 et les années suivantes, outre que l'obligation d'information et le délai de prévenance avaient été respectés, quand la suppression de la prime de treizième mois ne pouvait résulter que d'un autre accord et non d'un avenant au contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a fait ressortir que la prime de treizième mois dont bénéficiait le salarié résultait des dispositions d'un accord collectif en vigueur dans l'entreprise et a constaté que la suppression de cette prime ne constituait que l'application des modifications apportées à cet accord par un accord ultérieur du 28 novembre 2008 régulièrement conclu entre l'employeur et les organisations syndicales, en a exactement déduit que cette suppression étant opposable au salarié, celui-ci ne pouvait se prévaloir d'aucun droit au maintien de la prime litigieuse.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que nul ne peut apporter au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne soient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes du salarié fondées sur l'illicéité des moyens de contrôle, que le système de géolocalisation utilisé par la société Corsi France international transports était licite comme respectant les exigences légales dès lors que, s'agissant de conducteurs routiers, salariés itinérants qui ne disposaient pas d'une autonomie dans l'organisation de leur travail, l'employeur était légitime à recourir à ce système de géolocalisation afin de contrôler la durée du travail, ce qui ne pouvait être effectué par d'autres moyens de contrôle, et que le salarié ne pouvait invoquer un détournement de la finalité du système mis en place qui visait à suivre l'ensemble des chauffeurs routiers dans leurs déplacements, la sanction n'étant pas un objectif en soi, mais la conséquence d'un manquement du salarié à ses obligations contractuelles, sans rechercher si l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail des salariés, dont le salarié, ne constituait pas une restriction au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives non justifiée par la nature des tâches à accomplir ni proportionnée au but recherché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1121-1 du code du travail :

7. D'abord, selon ce texte, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n'est pas justifiée pour localiser le conducteur en dehors du temps de travail.

8. Ensuite, un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir rejeté celles formées au titre de l'illicéité des moyens de contrôle, l'arrêt retient que le système de géolocalisation utilisé par la société était licite comme respectant les exigences légales dès lors que, s'agissant de conducteurs routiers, salariés itinérants qui ne disposaient pas d'une autonomie dans l'organisation de leur travail, l'employeur était légitime à recourir à ce système de géolocalisation afin de contrôler la durée du travail, ce qui ne pouvait être effectué par d'autres moyens de contrôle et que le salarié ne pouvait invoquer un détournement de la finalité du système mis en place qui visait à suivre l'ensemble des chauffeurs routiers dans leurs déplacements, la sanction n'étant pas un objectif en soi, mais la conséquence d'un manquement du salarié à ses obligations contractuelles.

10. Il énonce ensuite que les erreurs de manipulation reprochées au salarié consistant à enregistrer en temps de travail ou en disponibilité des heures de repos, ou à gonfler artificiellement la durée de certaines tâches, sont établies, au vu des pièces produites.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les données recueillies au moyen du système de géolocalisation installé dans le véhicule conduit par le salarié et qui avait pour seule finalité déclarée auprès de la Commission nationale informatique et libertés et présentée au comité d'entreprise et soumise à l'information des salariés, le suivi des chauffeurs routiers dans leurs déplacements afin de localiser les marchandises sensibles et de permettre un meilleur choix en exploitation, avaient été utilisées par l'employeur pour, d'une part, contrôler la durée du travail quand le véhicule était pourtant équipé d'un chronotachygraphe et, d'autre part, surveiller le salarié et contrôler en permanence sa localisation en couvrant les pauses et les périodes de repos, entrant alors dans la sphère de sa vie personnelle, ce dont il résultait que l'employeur avait détourné de sa finalité le traitement des données personnelles issues de la géolocalisation et avait porté atteinte à la vie personnelle du salarié, en sorte que ce moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. [F] de sa demande en paiement de rappel d'heures, outre les congés payés afférents, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [F] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en dommages-intérêts pour rupture abusive ainsi qu'en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Corsi France international transports aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Corsi France international transports et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400176
Date de la décision : 14/02/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 20 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 fév. 2024, pourvoi n°52400176


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400176
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