LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2024
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 50 F-D
Pourvoi n° M 22-12.472
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 FÉVRIER 2024
1°/ M. [M] [K],
2°/ M. [O] [J],
tous deux domiciliés [Adresse 1] (Royaume-uni),
ont formé le pourvoi n° M 22-12.472 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2022 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige les opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],
2°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. [K] et [J], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 janvier 2022), M. [K], de nationalité française, et M. [J], de nationalité britannique, se sont mariés le 12 septembre 2018.
2. Une décision du 4 septembre 2012 de la division de la famille de la High court of justice de Londres a prononcé l'adoption par le couple de l'enfant [H] [Z] [I] [S] [Y].
3. M. [K] et M. [J] ont demandé l'exequatur de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [K] et M. [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors « que si l'article 370-3 alinéa 3 du code civil est applicable lorsque le juge français est invité à prononcer une adoption, en revanche, il est inapplicable lorsque le juge français est saisi d'une demande d'exequatur d'une décision étrangère d'adoption ; qu'en décidant le contraire pour justifier le refus d'exequatur, la cour d'appel a violé les articles 509 du code de procédure civile et 370-3 alinéa 3 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 370-3, alinéa 3, du code civil, dans sa version alors applicable, et 509 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.
6. Aux termes du second, les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi.
7. Pour refuser d'accorder l'exequatur, l'arrêt énonce que les exigences posées par l'article 370-3 du code civil, d'un consentement libre et éclairé du représentant légal de l'enfant sur les conséquences de l'adoption, en particulier sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation s'il est donné en vue d'une adoption plénière, constituent un principe essentiel du droit français de l'adoption et que ce texte ne saurait voir son application restreinte à la seule hypothèse de l'adoption prononcée par le juge français, sauf à vider de sa substance l'ordre public international français en la matière.
8. En statuant ainsi, alors que l'article 370-3 du code civil ne peut être opposé à l'exequatur d'un jugement d'adoption étranger, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.