LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 31 janvier 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 110 F-D
Pourvoi n° X 22-15.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 JANVIER 2024
L'association [3], dont le siège est piscine [4], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-15.449 contre l'arrêt rendu le 24 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant à M. [U] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association [3], de Me Balat, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 février 2022), M. [B] a été engagé en qualité d'entraîneur du groupe national par l'association [3] (l'association) le 11 juin 1989. En dernier lieu, il occupait les fonctions de directeur technique.
2. Convoqué le 5 décembre 2015 à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique, il a adhéré le 6 janvier 2016 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
3. Contestant la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'association fait grief à l'arrêt de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que la recherche des possibilités de reclassement du salarié menacé de licenciement économique doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, de sorte que la seule affiliation de différentes associations sportives à une fédération n'entraîne pas en soi la constitution d'un groupe de reclassement ; qu'en jugeant que, par principe, l'association exposante, membre d'une fédération, devait étendre sa recherche de reclassement aux autres associations membres de cette fédération, la cour d'appel a violé l'article L 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige .
2°/ que la recherche des possibilités de reclassement du salarié menacé de licenciement économique doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, de sorte que la seule affiliation de différentes associations sportives à une fédération n'entraîne pas en soi la constitution d'un groupe de reclassement ; qu'en jugeant que l'association avait manqué à son obligation de reclassement en ce qu'elle ‘'ne verse aux débats aucun élément de nature à établir qu'elle a procédé aux recherches auxquelles elle était tenue dans le périmètre de la fédération française de natation'‘, sans préciser en quoi les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des membres de cette fédération leur permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
6. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association à payer au salarié diverses sommes, l'arrêt énonce que lorsque l'association, membre d'une fédération, licencie un salarié pour motif économique, elle ne peut sans méconnaître son obligation de recherche de reclassement dans la structure et le cas échéant dans le groupe auquel elle appartient, limiter sa recherche au sein de l'association et doit l'étendre aux associations membres de cette fédération.
7. Il retient ensuite que l'association n'a procédé à aucune recherche en son sein ni dans les autres associations de la fédération à laquelle elle était affiliée et ne verse aux débats aucun élément de nature à établir qu'elle a procédé aux recherches auxquelles elle était tenue dans le périmètre de la Fédération française de natation.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que l'affiliation de plusieurs associations sportives à la Fédération française de natation n'entraîne pas en soi la constitution d'un groupe au sens de l'article L. 1233-4 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas recherché en quoi les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différentes associations adhérentes de la Fédération française de natation leur permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne l'association [3] à verser à M. [B] les sommes de 9 733,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 973 euros de congés payés afférents et de 47 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 24 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.