La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2024 | FRANCE | N°C2400074

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 janvier 2024, C2400074


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° T 23-80.217 F-D


N° 00074




RB5
30 JANVIER 2024




CASSATION




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 JANVIER 2024






M. [R] [I] a formé un

pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2022, qui, pour diffamation publique envers particulier, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les int...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° T 23-80.217 F-D

N° 00074

RB5
30 JANVIER 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 JANVIER 2024

M. [R] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2022, qui, pour diffamation publique envers particulier, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [R] [I], les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [1], MM. [N] [B] et [N] [F], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. En raison de publications intervenues entre le 13 novembre 2020 et le 31 janvier 2021 sur le site internet [02], la société [1] et ses fondateurs, MM. [N] [B] et [N] [F], ont fait citer M. [R] [I], en sa qualité de président directeur général de la société [3] et supposé directeur de publication du site, devant le tribunal correctionnel, pour diffamation publique envers particulier.

3. Par jugement en date du 11 janvier 2022, le tribunal a déclaré M. [I] coupable de ce chef de prévention, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [I] a relevé appel de cette décision, le ministère public appel incident

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [I] des chefs de diffamation publique envers particulier en rejetant l'exception de prescription de l'action publique et de l'action civile, alors :

« 1°/ que d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel s'est bornée, pour condamner M. [I], à relever « qu'[R] [I], président de la société [3], a participé comme auteur à la publication des propos diffamatoires » ; qu'en se déterminant par ces motifs, sans caractériser la participation personnelle de l'exposant, qui la contestait dans ses conclusions, et sans rechercher qui était le représentant légal, pour en déduire la qualité de directeur de publication au sens des articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1881, 93-2, 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que « c'est de façon pertinente que M. [V] a conclu à une réinstallation de "[02]" par les administrateurs/gestionnaires du site originel, comme étant l'hypothèse la plus probable, à partir d'une copie complète dudit site (incluant la base de données, les images, les vidéos) tel qu'il existait entre le 13 mars 2019 et le 21 janvier 2020, période d'utilisation de la version 4.9.3 » ; qu'en se fondant sur cette analyse technique, réalisée à la demande de l'une des parties civiles, qui mentionnait une réinstallation du site initial par les mêmes personnes comme « hypothèse la plus probable », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs purement hypothétiques, et partant radicalement inopérants, à justifier la condamnation de l'exposant et a privé sa décision de toute base légale des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 42, 43 de la loi du 29 juillet 1881, 93-2, 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

8. Pour déclarer le prévenu coupable de diffamation, l'arrêt attaqué énonce notamment que le nom de domaine [02], radié le 5 octobre 2020 en exécution d'un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 21 juillet 2020, a été de nouveau enregistré le 13 novembre suivant.

9. Les juges indiquent qu'il ressort d'un constat d'huissier établi le 7 janvier 2021 qu'à cette date, le contenu du site d'origine avait été entièrement reproduit et mis en ligne, à l'exception de la mention de la condamnation de M. [I] pour diffamation, ce dont il s'ensuit qu'il s'agit d'une nouvelle publication des propos jugés diffamatoires par un précédent arrêt, définitif, de la cour d'appel de Toulouse en date du 8 janvier 2020.

10. Ils précisent que les examens techniques réalisés par un sachant, à la requête des plaignants, ont conclu que l'hypothèse la plus probable était que les administrateurs/gestionnaires du site originel avaient procédé à une réinstallation du site [02], à partir d'une copie complète de celui-ci, incluant la base de données, les images, les vidéos, tel qu'il existait entre le 13 mars 2019 et le 21 janvier 2020.

11. Ils concluent, après avoir analysé les pièces produites par le prévenu et écarté ses arguments techniques, que c'est bien la société [3], et donc M. [I], son président, et non pas un tiers, comme celui-ci le soutient, qui a procédé à la nouvelle publication du site internet litigieux, reproduisant les propos diffamatoires, et qu'en conséquence celui-ci a participé comme auteur à la publication des propos diffamatoires, qu'il connaissait préalablement à leur mise en ligne sur le site internet [02].

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

13. En premier lieu, en se fondant sur cette analyse technique, réalisée à la demande de l'une des parties civiles, qui mentionnait une réinstallation du site initial par les mêmes personnes comme étant « l'hypothèse la plus probable », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques.

14. En second lieu, le seul constat que les administrateurs/gestionnaires du site originel seraient à l'origine du rétablissement de celui-ci ne suffit pas à caractériser la participation personnelle de M. [I], dont la cour d'appel n'indique pas qu'il serait au nombre de ces administrateurs ou gestionnaires.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 14 décembre 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400074
Date de la décision : 30/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jan. 2024, pourvoi n°C2400074


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400074
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award