LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 80 FS-B
Pourvoi n° J 22-15.299
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2024
M. [G] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-15.299 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 6], pris en qualité de mandataire liquidateur de la Mutuelle des transports assurances,
2°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est, [Adresse 5],
3°/ à la société Sushi shop, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
4°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 1],
6°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [D], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [Y], pris en qualité de mandataire liquidateur de la Mutuelle des transports assurances, et du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Sushi shop, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Cassignard, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Brouzes, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2022), M. [D] a été victime, le 15 octobre 2011, d'un accident de la circulation impliquant un cyclomoteur appartenant à la société Sushi shop et assuré par la société Mutuelle des transports assurances (la société MTA).
2. Le 1er décembre 2016, la société MTA a été placée en liquidation judiciaire à la suite de la décision de retrait de ses agréments prise le 23 août 2016 par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, publiée au Journal officiel du 1er septembre 2016.
3. M. [D] a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Sushi shop et la société MTA, représentée par M. [Y] en qualité de liquidateur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], de la mutuelle MGEN et du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Examen des moyens
Sur les trois premiers moyens et le quatrième moyen, pris en ses première et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ainsi que sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, qui sont irrecevables.
Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. M. [D] fait grief à l'arrêt de fixer sa créance au passif de la société MTA au titre de l'article L. 211-13 du code des assurances au double des intérêts au taux légal sur le montant des indemnités allouées résultant du jugement du 12 novembre 2019 et de l'arrêt, à compter du 15 juin 2012 et jusqu'au 1er décembre 2016, et, en conséquence, de fixer la créance de la société Sushi shop au passif de la société MTA à la somme de 346 895,48 euros, alors « que la sanction du doublement des intérêts prévue aux articles L. 211-9 et suivants du code des assurances constitue une créance indemnitaire et non une rémunération sur créance, soit légale, soit conventionnelle au sens de l'article L. 622-28 du code de commerce ; qu'en jugeant que la sanction avait la nature d'un intérêt moratoire qui entrait dans le champ d'application de l'article L. 622-28 du code précité, la cour d'appel a méconnu les articles L. 211-9, L. 211-13 du code des assurances et a appliqué à tort, l'article L. 622-28 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 326-2, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, applicable au litige, la liquidation judiciaire d'une entreprise d'assurance ouverte à la suite de la décision de retrait total de son agrément par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est régie par les articles L. 622-1 à L. 622-34 du code de commerce, sous réserve des dispositions du chapitre VI du titre II du livre III du code des assurances, relatif à la liquidation des entreprises d'assurance.
7. Aucune de ces dispositions spéciales ne déroge à la règle d'ordre public de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce, qui s'applique, sauf exceptions prévues par la loi, à tous les intérêts de retard et majorations.
8. La sanction du doublement du taux de l'intérêt légal, prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances, a la nature d'intérêts moratoires et ne constitue pas une créance indemnitaire.
9. Il s'ensuit qu'en cas d'application de cette sanction à un assureur placé en liquidation judiciaire, le cours de ces intérêts majorés cesse au jour de l'ouverture de cette procédure collective.
10. L'arrêt retient que l'assureur n'a formé aucune offre d'indemnisation dans les délais légaux et que les offres présentées tardivement à M. [D] étaient incomplètes, de sorte qu'il encourt, à compter du 15 juin 2012, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal sur le montant des indemnités allouées avant déduction des provisions versées et imputation de la créance des tiers payeurs.
11. Il retient ensuite exactement qu'en raison de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de l'assureur le 1er décembre 2016, cette sanction n'est encourue que jusqu'à cette date, à compter de laquelle le cours des intérêts majorés a été arrêté.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-quatre.