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24/01/2024 | FRANCE | N°52400098

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 janvier 2024, 52400098


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


HP






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 24 janvier 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 98 F-D


Pourvoi n° C 22-20.905








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024


M. [L] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-20.905 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2022 par la cour d'app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 janvier 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 98 F-D

Pourvoi n° C 22-20.905

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024

M. [L] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-20.905 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant à la société Escoubette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y], de Me Occhipinti, avocat de la société Escoubette, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juillet 2022), M. [Y] a été engagé en qualité d'agent qualifié de service le 5 novembre 2010 par la société Escoubette.

2. Le 13 avril 2017, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre des temps de déplacements effectués entre différents chantiers.

3. Il a été licencié le 31 décembre 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en retenant, pour rejeter les prétentions de M. [Y] tendant au paiement des temps de trajets entre ses chantiers qui ne lui avaient pas été rémunérés, qu'il ne fourni[ssait] aucun élément sur ses horaires de travail incluant les temps de trajet, ne produisant aucun décompte de ses heures de travail" et qu'il procèd[ait] par voie d'affirmation en alléguant que le temps de travail mentionné sur les plannings, pour chaque chantier, n'inclu[ait] pas le temps de trajet", qu'il ne présent[ait] donc pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires de travail effectivement réalisés, incluant les temps de trajet, pour permettre à l'employeur d'y répondre" de sorte que l'existence d'heures supplémentaires de travail correspondant aux temps de déplacements professionnels n'est pas établie", quand il résultait de ses propres constatations que l'exposant avait présenté des éléments suffisamment précis (plannings, estimation des temps de trajet) sur les heures de trajet non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire au titre des temps de trajet considérés comme des heures supplémentaires, l'arrêt constate que le salarié verse aux débats des plannings sur lesquels sont mentionnés les différents chantiers (quatre à cinq par jour) attribués au salarié du lundi au vendredi, précisant pour chaque chantier un temps de travail ainsi que des calculs de distances et de temps de trajet séparant les différents chantiers réalisés à partir d'un site en ligne, sur une semaine de janvier 2017 et pour une durée totale de 2 heures et 23 minutes.

9. L'arrêt retient que le salarié ne fournit toutefois aucun élément sur ses horaires de travail incluant les temps de trajet, ne produisant aucun décompte de ses heures de travail et qu'il procède par voie d'affirmation en alléguant que le temps de travail mentionné sur les plannings, pour chaque chantier, n'incluait pas le temps de trajet.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation prononcée n'atteint pas le chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'expérience, sans lien d'indivisibilité ni de dépendance nécessaire avec elle.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de ses demandes en paiement d'une indemnité forfaitaire au titre des temps de trajet considérés comme des heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le condamne aux dépens et en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Escoubette aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Escoubette et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400098
Date de la décision : 24/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 01 juillet 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jan. 2024, pourvoi n°52400098


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400098
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