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24/01/2024 | FRANCE | N°52400073

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 janvier 2024, 52400073


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 24 janvier 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 73 F-D


Pourvoi n° B 22-13.452








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024


Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-13.452 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 janvier 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 73 F-D

Pourvoi n° B 22-13.452

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024

Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-13.452 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Lonilead, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société BMC, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [S], de Me Soltner, avocat de la société Lonilead, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2022), la société BMC, devenue la société Lonilead, a conclu le 11 juillet 2012 un contrat de partenariat commercial avec la société SBC 21, représentée par sa gérante, Mme [S], en lui donnant mandat de proposer à la vente les produits de la marque DDP dans une boutique située à Dijon, contre perception d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes sur les ventes réalisées par son intermédiaire.

2. Mme [S] a saisi le 29 juin 2015 la juridiction prud'homale en sollicitant la requalification de la relation commerciale sur le fondement des articles L. 7321-1 et L. 7322-2 du code du travail.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [S] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à juger qu'elle était liée à la société BMC dans des conditions relevant du statut de gérant de succursale et de ses demandes consécutives en rappels de salaires et congés payés, indemnités de rupture, dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indemnisation de son compte courant d'associé et du cautionnement de la société SBC 21, dommages-intérêts pour perte de capital et préjudice moral, alors « que les juges du fond ne doivent pas méconnaître les clauses claires et précises des écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, l'article 9, intitulé ''normes d'exploitation'' du contrat du 11 juillet 2012 définissant les conditions d'exploitation, par Mme [S], de la boutique DDP de Dijon, stipulait la nécessité ''que les boutiques répondent toutes à un standard de présentation et de fonctionnement commercial à l'égard de leur clientèle...déterminé par le Partenaire commettant DDP'', formalisé dans le manuel ''Procédures boutiques'' ; que l'article 10, intitulé ''aménagement de la boutique : respect des normes d'aménagement'' imposait « la conformité des aménagements avec les exigences du concept DDP'' et stipulait : ''Pendant toute la durée du contrat, le Partenaire commissionnaire s'engage à maintenir la boutique parfaitement conforme aux exigences du concept ...il s'interdit de transférer l'activité dans un autre local sans l'agrément exprès du Partenaire commettant DDP'' ; qu'en l'espèce la cour d'appel, pour conclure que cette condition d'application du statut de gérant de succursale n'était pas remplie, a retenu que ''...le local dans lequel est exercée l'activité commerciale a été choisi par Mme [S]...que la seule référence dans le contrat de partenariat à l'adresse du lieu d'exploitation ne constitue pas un agrément, mais simplement la désignation du lieu dans lequel les produits, objet du contrat, pouvaient être distribués... ...[que] s'il n'est pas contestable qu'il était imposé des normes de présentation quant à l'aménagement de la boutique, d'une part, en vertu de l'article 9.1. du contrat de partenariat commercial, la société SBC 21 pouvait en pleine liberté choisir les entreprises pour les travaux à effectuer et procéder aux aménagements'' et que ''d'autre part, ces normes, certes précises mais destinées à permettre à la clientèle d'identifier les magasins commercialisant les vêtements de la marque DDP à la fois dans leur façade extérieure et dans leur organisation intérieure, étaient la contrepartie de la concession de la marque et ne peuvent être assimilées à un « agrément » du local d'exploitation'' ; qu'en se déterminant aux termes de ces motifs inopérants, quand l'article 9-1 du contrat, qui imposait le respect des normes d'aménagement fixées par le Partenaire commettant et subordonnait à son accord exprès le changement de local d'exploitation, édictait expressément une condition d'agrément de ce local par la société BMC, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de partenariat. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

4. Pour dire que la condition de la fourniture ou de l'agrément du local n'est pas établie et débouter la salariée de sa demande de requalification de la relation contractuelle, l'arrêt retient que, s'il n'est pas contestable qu'il était imposé des normes de présentation quant à l'aménagement de la boutique, en vertu de l'article 9.1 du contrat de partenariat commercial, la société SBC 21 pouvait en pleine liberté choisir les entreprises pour les travaux à effectuer et procéder aux aménagements. Il ajoute que ces normes, certes précises mais destinées à permettre à la clientèle d'identifier les magasins commercialisant les vêtements de la marque DDP à la fois dans leur façade extérieure et dans leur organisation intérieure, étaient la contrepartie de la concession de la marque et ne peuvent être assimilées à un « agrément » du local d'exploitation.

5. En statuant ainsi, alors que l'article 9.1 du contrat de partenariat stipule que « pendant toute la durée du contrat, le partenaire commissionnaire s'engage à maintenir la boutique parfaitement conforme aux exigences du concept et éventuellement à se conformer aux évolutions dont il pourrait faire l'objet » et qu'il « s'interdit de transférer l'activité dans un autre local sans l'agrément exprès du partenaire commettant DDP » , la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 7321-2 du code du travail, est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise aux conditions et prix imposés par elle ; que d'autre part, le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'il en résulte que la fixation éventuelle, par le gérant, des conditions d'hygiène et de sécurité du travail et des conditions de travail dans la succursale gérée n'a d'autre effet, sans le priver du bénéfice du statut, que d'écarter l'application des règles spécifiques relatives à la durée du travail, aux repos et congés et à la sécurité au travail ; qu'en retenant, pour débouter Mme [S] de sa demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice du statut, qu' ''il résulte des pièces des parties que les conditions de fonctionnement et d'exploitation de la boutique et, notamment le recrutement des salariés de la société SBC 21, le temps de travail, l'organisation et la répartition des tâches quotidiennes, les horaires d'ouverture du magasin, relevaient du seul pouvoir de direction de l'exploitant et n'étaient pas imposées par la société BMC, aucune des pièces produites aux débats ne démontrant le contraire et ainsi l'ingérence de cette dernière dans l'organisation mise en oeuvre par la société SBC 21 sur ces points'', la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à écarter la qualification de gérant de succursale, a violé l'article L. 7321-2 du code du travail ensemble, par fausse interprétation, l‘article L. 7321-3 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 7321-2 et L. 7321-3 du code du travail :

7. Selon le premier de ces textes, est gérant de succursale toute personne :

1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;
2° Dont la profession consiste essentiellement :
a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;
b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

8. Aux termes du second de ces textes, le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord.
Dans le cas contraire, ces gérants sont assimilés à des chefs d'établissement. Leur sont applicables, dans la mesure où elles s'appliquent aux chefs d'établissement, directeurs ou gérants salariés, les dispositions relatives :
1° Aux relations individuelles de travail prévues à la première partie ;
2° A la négociation collective et aux conventions et accords collectifs de travail prévues au livre II de la deuxième partie ;
3° A la durée du travail, aux repos et aux congés prévus au livre Ier de la troisième partie ;
4° Aux salaires prévus au livre II de la troisième partie ;
5° A la santé et à la sécurité au travail prévues à la quatrième partie.

9. Pour débouter l'intéressée de ses demandes tendant à se voir reconnaître le statut de gérant de succursale et de l'ensemble de ses demandes consécutives, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces produites par les parties que les conditions de fonctionnement et d'exploitation de la boutique, et notamment le recrutement des salariés de la société SBC 21, le temps de travail, l'organisation et la répartition des tâches quotidiennes, les horaires d'ouverture du magasin, relevaient du seul pouvoir de direction de l'exploitant et n'étaient pas imposées par la société BMC, aucune des pièces produites aux débats ne démontrant le contraire et ainsi l'ingérence de cette dernière dans l'organisation mise en oeuvre par la société SBC 21 sur ces points.

10. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la qualification de gérant de succursale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif confirmant le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] de partie de ses demandes, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la société Lonilead de sa demande de disjonction de l'instance, déclare irrecevables les conclusions de Mme [S] en qualité d'intimée sur l'appel formé par la société Lonilead, déclare recevable l'appel principal formé par Mme [S], l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement compose ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lonilead et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400073
Date de la décision : 24/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 19 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jan. 2024, pourvoi n°52400073


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Soltner, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400073
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