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23/01/2024 | FRANCE | N°C2400195

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 2024, C2400195


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° F 23-86.209 F-D


N° 00195




RB5
23 JANVIER 2024




CASSATION SANS RENVOI




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 JANVIER 2024




M. [T] [G]

a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 octobre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'homicide involontaire e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 23-86.209 F-D

N° 00195

RB5
23 JANVIER 2024

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 23 JANVIER 2024

M. [T] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 octobre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'homicide involontaire et de blessures involontaires, aggravés,
a confirmé l'ordonnance du juge des liberté et de la détention révoquant son contrôle judiciaire et ordonnant son placement en détention provisoire.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T] [G], les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [AX], [L], [R] et [I] [A], Mmes [V] [A], [K] [E], [P] [Z], [M] [X], MM. [U], [H] et [J] [Z], Mmes [F] [B] [W] et [S] [C], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 26 juin 2022, M. [T] [G] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.

3. Le 5 septembre 2022, le juge d'instruction l'a placé sous contrôle judiciaire.

4. Le 29 septembre 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné la révocation de son contrôle judiciaire et l'a placé en détention provisoire.

5. M. [G] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de débat contradictoire et de l'ordonnance de placement en détention provisoire avec révocation du contrôle judiciaire du juge des libertés et de la détention de Grasse en date du 29 septembre 2023, et a confirmé l'ordonnance déférée, alors :

« 1°/ que toute personne poursuivie, qui ne souhaite pas se défendre elle-même, ayant droit à un défenseur de son choix, l'avocat choisi par un mis en examen doit être avisé des actes de la procédure, notamment d'un débat contradictoire sur l'éventuel placement en détention provisoire de son client après révocation du contrôle judiciaire antérieurement ordonnée ; que pour écarter l'exception de nullité du débat contradictoire et de l'ordonnance de placement en détention provisoire après révocation du contrôle judiciaire, l'arrêt relève que lorsque [T] [G] a été interpellé le 29 septembre 2023 à 10h50 par la police d'[Localité 1], puis placé en rétention, il a fait savoir que son avocat était maître Sollacaro et qu'il souhaitait être assisté par lui ; joint par téléphone à 11h48, maître Sollacaro aurait alors fait savoir aux services de police qu'il était indisponible, c'est donc l'avocat de permanence, maître [O] qui a alors assisté M. [G], lequel a ensuite été présenté à 15 heures devant le juge d'instruction qui a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire ; lors du débat contradictoire, puis lors de l'audience qui a suivi, M. [G] s'est à nouveau vu désigner un avocat commis d'office, maître [D] [Y], sans qu'il ne résulte d'aucun élément de la procédure qu'avant de faire appel à un avocat commis d'office, le juge des libertés et de la détention s'était trouvé dans l'impossibilité de joindre l'avocat désigné par le mis en examen, ou qu'il ait relevé l'empêchement de cet avocat ; qu'ainsi, en rejetant l'exception de nullité sans constater que le juge des libertés et de la détention avait vainement tenté de joindre l'avocat désigné par M. [G], ou qu'il s'était enquis de son indisponibilité avant de demander une nouvelle désignation d'office d'un avocat, la chambre de l'instruction a méconnu le principe susvisé et les articles 145 et 141-2 du code de procédure pénale.

2°/ que l'avocat choisi par le mis en examen dans le cadre de l'instruction doit être avisé par tout moyen et sans délai de la tenue d'un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité essentielle aux droits de la défense doit être sanctionné par la nullité en l'absence de l'avocat désigné, non avisé de la tenue du débat contradictoire et de l'audience devant le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention de son client ; qu'en l'espèce, aucune mention du procès-verbal des débats, ni de l'ordonnance de placement en détention provisoire avec révocation du contrôle judiciaire du 29 septembre 2023, ni aucun élément de la procédure ne permet de justifier de ce que le juge des libertés et de la détention aurait vainement essayé de joindre l'avocat désigné par M. [G] ou aurait relevé son empêchement avant de faire appel à un avocat désigné d'office ; qu'en refusant de prononcer la nullité du procès-verbal de débat contradictoire et de l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [G], la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que l'arrêt attaqué n'établit aucunement que le juge des libertés et de la détention, avant de faire appel à un avocat commis d'office pour assister M. [G], s'était trouvé dans l'impossibilité de joindre l'avocat désigné par lui ou avait relevé l'empêchement de celui-ci lorsque s'est tenu le débat contradictoire avant qu'il ne rende son ordonnance de placement en détention le 29 septembre 2023, après 15 heures, en relevant que lors de son interpellation par les services de police à 10h50, les policiers avaient joint par téléphone maître Sollacaro à 11h48 qui leur avait fait part de son indisponibilité ; qu'en effet, cette circonstance constatée dans le procès-verbal établi le matin par les services de police ne saurait légitimer l'absence de convocation de maître Sollacaro à l'occasion du débat contradictoire et du placement en détention provisoire de M. [G] l'après-midi ; qu'en se fondant sur cet élément inopérant pour refuser d'annuler le procès-verbal de débat contradictoire et l'ordonnance de placement en détention du juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 141-2 et 145 du code de procédure pénale :

7. Il se déduit de ces textes que l'avocat choisi par la personne mise en examen doit être avisé des actes de la procédure, notamment d'un débat contradictoire sur l'éventuel placement en détention provisoire de son client après révocation du contrôle judiciaire.

8. Pour rejeter l'exception de nullité du débat contradictoire tirée du défaut d'avis adressé par le juge des libertés et de la détention à l'avocat choisi par M. [G], l'arrêt attaqué énonce que ce dernier a été interpellé le 29 septembre 2023 à 10 heures 50 par la police puis placé en rétention le même jour, ses droits lui ayant été notifiés à 11 heures 26.

9. Les juges ajoutent qu'il a alors indiqué que son avocat était M. [N] Sollacaro et qu'il souhaitait être assisté par ce dernier.

10. Ils retiennent que, joint par téléphone à 11 heures 48, cet avocat a fait savoir qu'il était indisponible et a sollicité, conformément à la demande de son client, que ce dernier soit assisté d'un avocat commis d'office.

11. Ils relèvent qu'un avocat de permanence a pu s'entretenir avec M. [G] le 29 septembre 2023 de 13 heures 04 à 13 heures 13.

12. Ils rappellent que par procès-verbal établi à 12 heures, l'officier de police judiciaire a mentionné avoir pris contact avec le juge d'instruction, qui lui a remis par voie électronique un mandat d'amener et a demandé de lui présenter M. [G] à 15 heures.

13. Ils indiquent que le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation du contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire.

14. Ils relèvent que le procès-verbal du débat contradictoire en date du 29 septembre 2023 tenu devant le juge des libertés et de la détention mentionne que l'intéressé a été assisté par un avocat désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, qui a pu consulter la procédure et s'entretenir avec lui, et qu'aucune observation particulière n'a été formée par M. [G] ou cet avocat.

15. Ils en déduisent que c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention, qui s'est vu présenter M. [G] le même jour et à l'issue de sa rétention, a sollicité l'avocat désigné d'office par le bâtonnier qui a effectivement assisté l'intéressé devant le juge.

16. En statuant ainsi, sans établir que le juge des libertés et de la détention, avant de faire appel à l'avocat commis d'office, s'était trouvé dans l'impossibilité de joindre l'avocat choisi par la personne mise en examen ou avait relevé l'empêchement de ce dernier, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

17. En effet, la circonstance que, d'une part, l'avocat choisi de l'intéressé avait été joint par un officier de police judiciaire dans le cadre du placement en rétention et, d'autre part, il avait à cette occasion indiqué ne pas être disponible, ne peuvent ni remplacer l'avis qui doit lui être adressé quant à la tenue d'un débat contradictoire, ni être considérée comme de nature à établir son empêchement.

18. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 octobre 2023 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Grasse du 29 septembre 2023, ordonnant la révocation du contrôle judiciaire et le placement en détention de M. [G], est privée d'autorité ;

CONSTATE que M. [G] est détenu sans titre depuis le 29 septembre 2023 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [G] s'il n'est détenu pour autre cause ;

DIT que le contrôle judiciaire ordonné, par ordonnance du 5 septembre 2022, par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Grasse, reprend ses effets ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400195
Date de la décision : 23/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 octobre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 2024, pourvoi n°C2400195


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400195
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