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10/01/2024 | FRANCE | N°C2400013

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 janvier 2024, C2400013


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° K 23-80.624 F-D


N° 00013




RB5
10 JANVIER 2024




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 JANVIER 2024






M. [T]

[C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 19 janvier 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, travail dissimulé, blanchiment et non-tenue...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 23-80.624 F-D

N° 00013

RB5
10 JANVIER 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 JANVIER 2024

M. [T] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 19 janvier 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, travail dissimulé, blanchiment et non-tenue de registre par revendeur de biens mobiliers, l'a condamné à cinq ans d'interdiction professionnelle et une confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de M. [T] [C], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Une information a été ouverte le 11 janvier 2021 des chefs susvisés à la suite du contrôle d'un véhicule dépourvu de plaques d'immatriculation, ayant conduit les enquêteurs à vérifier l'activité d'achat et de revente de véhicules d'un garage automobile agréé, dont il est apparu que M. [T] [C] était co-gérant de fait.

3. Plusieurs perquisitions ont été conduites et plusieurs véhicules ont été saisis.

4. Au domicile de M. [C], ont été découvertes et saisies les sommes de 3 210 euros et de 25 500 euros.

5. Le juge d'instruction a fait droit au cours de l'information à certaines demandes de restitutions de véhicules.

6. Le tribunal correctionnel a déclaré M. [C] coupable des chefs susvisés et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis, cinq ans d'interdiction d'exercer l'activité d'achat et de revente de véhicule et à la confiscation des scellés y compris le véhicule Audi RS6.

7. M. [C] et le ministère public ont formé appel du jugement, limité aux peines complémentaires d'interdiction professionnelle et de confiscation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé à titre de peine complémentaire à l'encontre M. [C] la confiscation des scellés y compris le véhicule Audi RS6, alors :

« 1°/ en premier lieu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans ses conclusions d'appel, page 5, Monsieur [C] rappelait « avoir toujours travaillé en qualité de salarié depuis 1995 tout en percevant un salaire (?) ce qui lui permettait d'acquérir des véhicules pour son usage personnel », à plus forte raison dès lors qu'ayant longtemps vécu au domicile de ses parents, qui l'hébergeaient gratuitement, cela « lui permettait de bénéficier d'un revenu très confortable tout en n'ayant que très peu de charges », revenu qui lui avait permis d'acquérir les véhicules confisqués ; qu'en ne contestant pas que Monsieur [C] avait régulièrement acquis les véhicules confisqués mais en prononçant néanmoins la peine de confiscation au motif qu'« au vu de la nature des faits et de leur ampleur, sachant que l'origine des fonds est douteuse et que M. [C] a été définitivement condamné pour blanchiment d'argent, la saisie de ces trois véhicules est analysée comme le produit des infractions (sic) et ne trahit pas le principe de proportionnalité » (arrêt, p.8), la cour d'appel, qui a statué par des motifs dubitatifs insuffisants à établir que les véhicules saisis sont le produit direct ou indirect des infractions retenues à l'encontre de Monsieur [C], et consécutivement la proportionnalité de la peine prononcée, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ en deuxième lieu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant que, s'agissant de l'argent liquide retrouvé à son domicile, « M. [C] explique l'existence de ces sommes comme provenant de ses économies ou de la vente de 2 véhicules. Il fournit une attestation de la SAS [1] du 10 octobre 2014 faisant état d'un versement de 11 333,95 euros pour solde de tout compte, somme perçue (par) chèque bancaire, puis deux attestations intitulées « contrat de crédit » de 10 000 euros en 2010 et de 7 000 euros en février 2015 et de 11 000 euros au 30 avril 2015 en provenance de M. [R] [C], son père » (arrêt, p. 8), mais que « ces attestations arrivent tardivement au dossier de la cour d'appel d'autant plus que M. [T] [C] n'en avait pas fait état dans le cours de l'information judiciaire » et que « dès lors, l'argent retrouvé en numéraire rentre dans les sommes en provenance des délits de travail dissimulé et de blanchiment d'argent » (ibid.), la cour d'appel, qui a refusé d'examiner des éléments de preuve au motif inopérant de leur tardiveté et a en tout état de cause statué par des motifs insuffisants à établir que les sommes saisies sont le produit direct ou indirect des infractions retenues à l'encontre de Monsieur [C], et consécutivement la proportionnalité de la peine prononcée, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ en troisième lieu qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à titre de peine complémentaire, en occultant ce faisant la nature exacte des scellés concernés à l'exception du seul véhicule mentionné, « la confiscation des scellés y compris le véhicule Audi RS6 » (jugement entrepris, dispositif, p. 30), sans préciser à son tour, dans le dispositif de sa décision, les scellés précisément concernés par la mesure de confiscation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 131-21 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 131-21 du code pénal :

9. Il résulte de ce texte que le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable au regard des dispositions légales, doit préciser la nature de ce bien et le fondement de la mesure, et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

10. Pour confirmer la confiscation de trois véhicules dont il était demandé la restitution, l'arrêt attaqué énonce qu'ils sont confisqués à titre de peine complémentaire, au visa des dispositions de l'article 131-6, 4°, du code pénal, et comme produit de l'infraction, que le principe de proportionnalité n'est pas trahi, que leur saisie est analysée comme celle du produit de l'infraction au regard de la nature et de l'ampleur des faits, de l'origine douteuse des fonds et de la condamnation de M. [C] pour blanchiment.

11. Les juges ajoutent que les numéraires saisis en perquisition, dont l'origine régulière n'est pas justifiée par la production tardive d'attestations, proviennent des délits de travail dissimulé et de blanchiment.

12. Ils concluent que la confiscation des scellés ordonnée par le tribunal doit être confirmée.

13. En se déterminant ainsi, sans désigner l'ensemble des scellés confisqués, ni préciser la nature et l'origine des véhicules et numéraires confisqués, ni le fondement de cette peine, si ce n'est au visa erroné de l'article 131-6, 4°, du code pénal, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision.

14. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à titre de peine complémentaire à l'encontre de M. [C] l'interdiction d'exercer l'activité d'achat et de revente de véhicule pendant cinq ans, alors « que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que Monsieur [C] a été condamné à une « interdiction d'exercer l'activité d'achat et de revente de véhicule pendant 5 ans » (jugement entrepris, dispositif, p. 30), sans limiter cette interdiction aux activités non salariées ; qu'en jugeant, pour confirmer cette condamnation, qu'il s'agirait d'une « interdiction de gérer » et qu' « il est donc important, pour préserver l'ordre public économique d'interdire à M. [C] la gestion d'une entreprise quelconque pendant un délai de 5 ans, seul le salariat pouvant lui convenir » (arrêt, p.8), la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

16. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

17. L'arrêt attaqué confirme le jugement qui a condamné M. [C] à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité d'achat et de revente de véhicules pendant cinq ans, également sous la forme salariée.

18. En prononçant ainsi, alors que les motifs de la décision portent sur l'interdiction de gérer une entreprise quelconque tout en confirmant l'interdiction professionnelle prononcée par les premiers juges, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision.

19. D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en ses dispositions relatives à l'interdiction professionnelle et à la confiscation, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 19 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400013
Date de la décision : 10/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 19 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jan. 2024, pourvoi n°C2400013


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : Me Descorps-Declère

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400013
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