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20/12/2023 | FRANCE | N°52302218

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 décembre 2023, 52302218


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 décembre 2023








Rejet




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 2218 FS-D


Pourvoi n° H 22-10.191








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_

________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 DÉCEMBRE 2023


La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-10.191 contre l'arrêt rendu le 9 nove...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 décembre 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2218 FS-D

Pourvoi n° H 22-10.191

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 DÉCEMBRE 2023

La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 22-10.191 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [F] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Air France, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [J], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mmes Ott, Sommé, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2021), M. [J], né en 1947, a été engagé par la société Air France (la société) le 4 mai 1987. En dernier lieu, il exerçait en qualité de responsable du service de protection sociale-retraite. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

2. Par lettre du 14 avril 2008, la société a notifié au salarié sa mise à la retraite assortie d'un préavis de six mois à compter du 1er mai 2008 dont il a été dispensé. Les relations contractuelles entre les parties ont pris fin le 31 octobre 2008.

3. Contestant la rupture de son contrat de travail dans le cadre de son départ à la retraite et sollicitant des indemnités et dommages-intérêts pour perte de chance, préjudice moral et discrimination, le salarié a saisi, le 30 octobre 2013, la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de prescription, de prononcer la nullité de la mise à la retraite du salarié et de la condamner à lui payer diverses sommes à ce titre, alors :

« 1°/ que le délai de prescription de l'action en contestation d'une mise à la retraite court à compter de la notification de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que « c'est à la date d'expiration du contrat de travail et non au jour du prononcé de la rupture qu'il convient d'apprécier si les conditions prévues par l'article L. 1237-5 du code du travail sont réunies, pour en déduire que M. [J], qui a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 30 octobre 2013 dans les 5 ans de la date d'expiration de son contrat de travail du 31 octobre 2008, ne peut être considéré comme prescrit dans sa contestation de sa mise à la retraite" ; qu'en statuant ainsi quand le délai de prescription de l'action de M. [J] en contestation de sa mise à la retraite avait pour point de départ la notification de celle-ci le 14 avril 2008 et avait donc expiré du fait des dispositions transitoires des lois du 17 juin 2008 et du 14 juin 2013 ayant réformé les délais de prescription à la date du 19 juin 2013, soit antérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes le 30 octobre 2013, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les articles 2222 et 2224 du code civil, l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;

2°/ que le délai de prescription de l'action en contestation d'une mise à la retraite court à compter de la notification de celle-ci ; qu'en l'espèce, pour juger que l'action de M. [J] en nullité de sa mise à la retraite prononcée le 14 avril 2008 n'était pas prescrite, la cour d'appel a retenu que l'accord du 13 avril 2005, étendu par arrêté du 16 janvier 2006, relatif au départ et à la mise à la retraite, annexé à la convention collective du personnel au sol des entreprises du transport aérien, prévoit en son article 4.1, la mise à la retraite d'un salarié de plus de 60 ans et de moins de 65 ans et impose dans son article 4.3 des contreparties d'embauche qui s'apprécient au niveau de l'entreprise avec une prise de fonction devant intervenir dans un délai de 6 mois avant ou au plus tard 10 mois après la date de la mise à la retraite" ; qu'en statuant ainsi quand le délai dont disposait l'employeur pour satisfaire aux exigences de l'accord du 13 avril 2005 en termes de contreparties d'embauche n'était pas de nature à reporter la date du point de départ du délai de prescription de l'action de M. [J] en nullité de sa mise à la retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, des articles 2222 et 2224 du code civil, de l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. »

Réponse de la Cour

6. D'abord, aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Ensuite, la Cour de cassation juge que c'est à la date d'expiration du contrat de travail qu'il convient d'apprécier si les conditions prévues par l'article L. 122-14-13, recodifié sous les articles L. 1237-5 à L. 1237-10 du code du travail, sont réunies (Soc., 14 mai 2008, pourvoi n° 06-43.564, Bull. 2008, V, n° 104).

8. Il en résulte que c'est à cette date que le salarié mis à la retraite connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit.

9. La cour d'appel, ayant constaté que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 30 octobre 2013, dans les cinq ans de la date d'expiration de son contrat de travail le 31 octobre 2008, en a exactement déduit que son action en contestation de sa mise à la retraite n'était pas prescrite.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la mise à la retraite du salarié et, en conséquence, de la condamner à lui payer diverses sommes, alors :

« 2°/ qu'il résulte de l'article 4.3 de l'accord du 13 avril 2005, étendu par arrêté du 16 janvier 2006, relatif au départ et à la mise à la retraite, annexé à la convention collective du personnel au sol des entreprises du transport aérien, que la mise à la retraite d'un salarié âgé de moins de 65 ans doit s'accompagner de l'une des trois contreparties d'embauche qu'il prévoit, parmi lesquelles figure la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, pouvant prendre la forme d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, pour deux mises à la retraite, ces contreparties s'appréciant au niveau de l'entreprise, la prise de fonction devant intervenir au plus tôt dans un délai de six mois avant, ou au plus tard dix mois après la mise à la retraite ; qu'en l'espèce, la société Air France faisait valoir, et justifiait, qu'elle avait, au cours de la période du 1er mai 2008 au 1er septembre 2009, mis à la retraite 957 salariés appartenant au personnel au sol tandis qu'elle avait embauché 820 personnels au sol selon contrat de travail à durée indéterminée et 409 apprentis ou salariés en contrat de professionnalisation, ce dont il s'évinçait que la mise à la retraite de M. [J], prononcée le 14 avril 2008 et devenue effective le 31 octobre 2008, avait nécessairement fait l'objet d'une contrepartie d'emploi ; qu'en jugeant que la comparaison des embauches et des mises à la retraite intervenues au sein de l'entreprise, parmi le personnel au sol, au cours de la période du 1er mai 2008 au 1er septembre 2009, ne permettait pas de vérifier que la société Air France avait accompagné la mise à la retraite de M. [J] des contreparties d'emploi prévues par l'article 4.3 de l'accord susvisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'accord du 13 avril 2005, étendu par arrêté du 16 janvier 2006, relatif au départ et à la mise à la retraite, annexé à la convention collective du personnel au sol des entreprises du transport aérien, ensemble l'article L. 1237-5 du code du travail ;

4°/ qu'il résulte de l'article 4.3 de l'accord du 13 avril 2005, étendu par arrêté du 16 janvier 2006, relatif au départ et à la mise à la retraite, annexé à la convention collective du personnel au sol des entreprises du transport aérien, que la mise à la retraite d'un salarié âgé de moins de 65 ans doit s'accompagner de l'une des trois contreparties d'embauche qu'il prévoit, parmi lesquelles figure la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite, ces contreparties s'appréciant au niveau de l'entreprise, la prise de fonction devant intervenir au plus tôt dans un délai de six mois avant ou au plus tard dix mois après la mise à la retraite ; qu'en l'espèce, en retenant qu'il appartenait au juge d'établir l'existence d'un lien entre la nouvelle embauche et le départ à la retraite du salarié" et qu'en l'occurrence, les informations générales fournies par Air France ne permettaient pas de vérifier ni même de déduire que la société Air France avait accompagné la mise à la retraite de M. [J] de l'une des contreparties d'emploi prévues par l'article 4.3, la cour d'appel, qui a en réalité exigé de l'employeur qu'il identifie le recrutement auquel il avait procédé pour remplacer M. [J], a ajouté une condition à l'article 4.3 de l'accord du 13 avril 2005, en violation de cette disposition et de l'article L. 1237-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

12. Selon l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, nonobstant l'article 2, § 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

13. Selon l'article 4.3 de l'accord du 13 avril 2005, étendu par arrêté du 16 janvier 2006, relatif au départ et à la mise à la retraite, annexé à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959, la mise à la retraite d'un salarié âgé de moins de 65 ans s'accompagne de l'une des trois contreparties d'embauche qu'il prévoit, soit la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour deux mises à la retraite, la conclusion d'un contrat à durée déterminée de dix mois minimum pour une mise à la retraite qui devra nécessairement prendre la forme d'un contrat de professionnalisation ou d'un contrat d'apprentissage, l'évitement d'un licenciement visé à l'article L. 321-1 du code du travail pour une mise à la retraite, ces contreparties s'appréciant au niveau de l'entreprise, la prise de fonction devant intervenir au plus tôt dans un délai de six mois avant, ou au plus tard dix mois après la mise à la retraite.

14. Il en résulte que l'employeur qui procède à la mise à la retraite d'un salarié, en application de ces dispositions, doit justifier de l'existence d'embauches en lien avec la mise à la retraite.

15. La cour d'appel, qui a retenu que les seules pièces produites par la société, qui ne contenaient que des informations générales, ne permettaient pas de vérifier ni même de déduire que la société avait accompagné la mise à la retraite de l'intéressé, prononcée le 14 avril 2008, de l'une des contreparties d'emploi prévues par l'article 4.3 de l'accord du 13 avril 2005 et qu'ainsi la société n'établissait pas que la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que la mise à la retraite du salarié était un moyen approprié et nécessaire de réaliser cet objectif, en a exactement déduit que la mise à la retraite était nulle par application de l'article L. 1132-4 du code du travail.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302218
Date de la décision : 20/12/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 déc. 2023, pourvoi n°52302218


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302218
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