LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2215 F-D
Pourvoi n° N 22-16.613
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 DÉCEMBRE 2023
Le comité social et économique d'établissement zone de production Nord-Est-Normandie de la société SNCF réseau, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-16.613 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique d'établissement zone de production Nord-Est-Normandie de la société SNCF réseau, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SNCF réseau, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2022),statuant en matière de référés,
au sein de la société SNCF réseau (la société) chargée de la gestion du réseau ferré national, la représentation du personnel est organisée autour d'un comité social et économique central et de six comités sociaux et économiques d'établissement, parmi lesquels trois comités sociaux et économiques d'établissement zone de production selon un découpage géographique, dont le comité social et économique d'établissement zone de production Nord-Est-Normandie ( le CSEE). L'établissement infra-circulation (EIC) des Hauts-de-France, doté d'une commission santé, sécurité et conditions de travail, dépend de ce CSEE.
2. Au début du mois d'octobre 2020, la société a présenté aux organisations syndicales en commission santé, sécurité et conditions de travail neuf notes d'information portant sur la « reprise des missions escale par l'EF TER en gare d'[Localité 8] », le « passage de la gare de [Localité 5] en ouverture à la demande », la « gare d'[Localité 9] : repli du service de la circulation des dimanches et sur les renforts T de soirée lundi et mercredi », la « gare de [Localité 6] : évolution du service de la circulation », « l'évolution des horaires des aiguilleurs - [Localité 10] P1 et [Localité 10] P2 », la « gare de [Localité 11] : évolution du service de la circulation à [Localité 11] « l'adaptation de l'ouverture d'[Localité 3] au SA2021 » et « l'adaptation de l'ouverture des postes 1 et 2 de [Localité 4]-[Localité 7] ».
3. Par courrier du 17 novembre 2020, les membres du CSEE ont été convoqués à une réunion extraordinaire fixée au 25 novembre 2020 avec, comme point à l'ordre du jour, « CSE extraordinaire relatif à la suppression de postes sur l'EIC HDF ».
4. Une dixième note d'information, portant sur le « transfert des missions menus travaux à l'équipe graissage et mise en place d'un 2x8 pour le poste guichet opérationnel », a été transmise aux élus.
5. Estimant que ces différentes notes présentées comme une réorganisation isolée de différents sites de l'EIC des Hauts-de-France traduisaient en réalité un projet de réorganisation globale avec des suppressions d'emplois, le CSEE, par acte du 23 décembre 2020, a fait assigner la société en référé sur le fondement d'un trouble manifestement illicite, en demandant notamment la suspension de la mise en oeuvre de ce projet de réorganisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le CSEE fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé sur toutes ses demandes et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, alors :
« 1°/ que le comité social et économique d'établissement doit être informé et consulté sur les mesures de nature à affecter le volume des effectifs au sein de l'établissement peu important que la baisse des effectifs soit limitée au regard de l'effectif total de l'établissement ; qu'il n'était pas contesté que les mesures de réorganisation prises sur dix sites de l'établissement infra circulation Hauts-de-France emportaient suppression de 21 postes ; qu'en retenant que l'engagement d'une procédure d'information-consultation n'était pas requis aux motifs inopérants que le nombre de postes supprimés était limité et que les salariés dont les postes étaient supprimés avaient été affectés sur d'autres sites, la cour a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2316-20 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;
2°/ que le comité social et économique d'établissement doit être informé et consulté sur les mesures de nature à affecter les conditions de travail des salariés de l'établissement peu important que ces mesures ne concernent qu'un nombre limité de salariés ou qu'elles ne se traduisent pas par une modification de la durée du travail des intéressés ; que la cour d'appel a constaté que les mesures de réorganisation prises sur dix sites de l'établissement infra-circulation Hauts-de-France se traduisaient pour les salariés concernés par des changements d'affectation et des modifications des cycles de travail ; qu'en retenant néanmoins que l'engagement d'une procédure d'information-consultation n'était pas requis aux motifs inopérants que le nombre de salariés concernés était limité et que la durée de travail des intéressés n'était pas affectée, la cour a violé les articles L. 2312-8, L. 2312-37 et L. 2316-20 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article L. 2312-8, alinéa 2, 1° et 3°, du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, le comité social et économique est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ainsi que sur les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail.
8. Selon l'article L. 2312-37, 2°, du code du travail, outre les thèmes prévus à l'article L. 2312-8, le comité social et économique est consulté dans les cas de restructuration et compression des effectifs.
9. Aux termes de l'article L. 2316-20 du même code, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.
10. L'arrêt retient, par l'appréciation souveraine des éléments de preuve et de fait, que la situation individuelle de chaque salarié concerné retracée nominativement montre qu'il n'y a aucune suppression d'emploi mais uniquement des évolutions dans les horaires ou des affectations des agents pour un nombre limité d'entre eux, seuls deux salariés qui avaient prévu de prendre leur retraite ayant quitté l'entreprise et n'ayant pas été remplacés sur leurs postes supprimés, et a ainsi fait ressortir l'absence de toute restructuration ou compression des effectifs.
11. L'arrêt retient également que plusieurs des dix projets ne concernent qu'un seul salarié, que le projet n° 1 concerne six salariés, tous repositionnés, et que le projet n° 6, qui concerne le plus grand nombre de salariés, consiste en une évolution des horaires de certains d'entre eux. Il constate que, même en prenant les dix projets ensemble de manière globale, seule une trentaine de salariés sont concernés sur les 10 522 salariés composant l'effectif total de l'établissement.
12. L'arrêt relève enfin que les modifications d'horaires, intéressant un nombre restreint de salariés, ne portent pas atteinte à la durée du travail et consistent en une modification des roulements des horaires de travail postés, faisant ainsi ressortir qu'il n'y a pas d'introduction de nouveaux horaires de travail.
13. La cour d'appel a pu en déduire que les mesures contenues dans les dix notes d'information, dont elle a fait ressortir qu'elles étaient distinctes et indépendantes les unes des autres, ne constituent pas un projet intéressant l'organisation, la gestion ou la marche générale de l'établissement au sens de l'article L. 2312-8 du code du travail, ces mesures individuelles n'affectant au niveau de l'établissement, ni le volume ou la structure des effectifs, ni les conditions de travail ou la durée du travail.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le comité social et économique d'établissement zone de production Nord-Est-Normandie de la société SNCF réseau aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.