LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2204 F-D
Pourvoi n° F 22-17.987
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 DÉCEMBRE 2023
La société Constellium Issoire, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-17.987 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à M. [S] [M], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Constellium Issoire, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 30 mars 2021), M. [M] a été engagé en qualité d'agent de fabrication, le 10 mars 2003, par la société Constellium Issoire (la société).
2. Soutenant que l'accord d'aménagement du temps de travail conclu le 31 mai 2000 et entré en vigueur au sein de la société le 1er juin suivant lui était inopposable, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015 et à titre de congés payés afférents et de le condamner aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, et à payer au salarié une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans son rapport d'expertise, si M. [J] estimait que les heures supplémentaires effectuées par M. [M] sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 devaient lui être indemnisées à hauteur de la somme totale de 5 913,45 euros brut, outre 592,34 euros de congés payés afférents, il exposait également que si l'accord du 31 mai 2000 sur le décompte des cycles de travail pour le calcul des heures supplémentaires devait être considéré comme illégal dans tous ses aspects, en conséquence, M. [M] avait bénéficié à tort entre 2011 et 2015 d'heures de RTT qui étaient évaluées à 561 heures ; qu'en condamnant la société à verser à M. [M] les sommes de 5 352,45 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015 (5 913,45 - 561) et en estimant qu'il y avait lieu de retirer seulement la somme de 561 euros de la créance du salarié en matière d'heures supplémentaires, correspondant aux heures de RTT indûment payées au salarié sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, la cour a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise sur lequel elle s'est fondée, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que faute d'avoir été saisie d'une demande en ce sens, la cour d'appel ne pouvait retrancher de la somme totale due par l'employeur au titre des heures supplémentaires une somme quelconque au titre des RTT perçues par le salarié et que partant, l'employeur est irrecevable à lui reprocher de ne pas avoir retranché une somme suffisante à ses yeux.
6. Cependant le grief de dénaturation, qui invoque un vice résultant de l'arrêt lui même et qui ne peut être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.
7. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 5 352,45 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 535,25 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt retient, d'abord, qu'en raison de l'illégalité de l'accord du 31 mai 2000 sur le décompte de la durée du travail par cycles, notamment pour le calcul des heures supplémentaires, le salarié peut légitimement prétendre au paiement des majorations relatives aux heures de travail effectuées chaque semaine au-delà de la durée hebdomadaire légale du travail mais ne saurait toutefois bénéficier des contreparties, notamment en matière de RTT, prévues dans le cadre de l'accord collectif.
9. Il relève, ensuite, que l'expert a estimé les heures supplémentaires effectuées par le salarié sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 à hauteur de la somme totale de 5 913,45 euros brut, à laquelle s'ajoute un montant de 592,34 euros brut au titre des congés payés afférents.
10. Il ajoute que l'expert a ensuite estimé à 561 euros le montant des heures de réduction du temps de travail indûment versées au salarié entre 2011 et 2015 et qui pourraient être restituées à l'employeur si l'accord du 31 mai 2000 sur le décompte des cycles de travail devait être considéré comme illégal.
11. Il en déduit qu'il y a lieu de retirer la somme de 561 euros de la créance du salarié en matière d'heures supplémentaires correspondant aux heures de réduction du temps de travail indûment payées sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015.
12. En statuant ainsi, alors que le rapport d'expertise mentionnait un cumul de 561 heures de réduction du temps de travail dont avait bénéficié le salarié entre 2011 et 2015, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Constellium Issoire à payer à M. [M] les sommes de 5 352,45 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015 et de 535,25 euros à titre de congés payés afférents, la condamne aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, et à payer à M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.