LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 822 F-B
Pourvoi n° Y 22-17.612
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 DÉCEMBRE 2023
1°/ M. [F] [J], domicilié [Adresse 3],
2°/ Mme [W] [O], épouse [J],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° Y 22-17.612 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques domicilié [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 4],
2°/ au directeur du contrôle fiscal Centre-Est, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur du contrôle fiscal Centre-Est, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 avril 2022), le 8 mars 2019, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme [J] une proposition de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les années 2015, 2016 et 2017, portant intégration dans l'assiette imposable des immeubles d'habitation qu'ils louaient meublés, au motif que ces immeubles ne constituaient pas des biens professionnels exonérés au sens des dispositions de l'article 885 R du code général des impôts, en ce qu'ils avaient retiré de leur activité de location, pour les années considérées, un bénéfice imposable nul ou un déficit qui ne pouvait représenter plus de 50 % des revenus professionnels de leur foyer fiscal.
2. Soutenant que la condition de prépondérance des revenus tirés de l'activité de location de meublés par rapport aux autres revenus du foyer fiscal, prévue à l'article 885 R du code général des impôts, devait s'apprécier au regard des recettes brutes tirées de l'activité de location meublée professionnelle, et non du bénéfice net dégagé par cette activité, M. et Mme [J] ont, après le rejet de leur réclamation contentieuse, assigné l'administration fiscale en annulation de la décision de rejet et en décharge des rappels d'imposition mis en recouvrement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la décision de rejet de l'administration fiscale du 26 mai 2020 faisant suite à la proposition de rectification du 8 mars 2019 concernant la base de calcul de l'ISF dû au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que leur demande de décharge de la totalité de l'imposition résultant de cette proposition de rectification, alors :
« 1°/ que les dispositions d'une instruction ministérielle antérieure non reprises dans la base Bofip-impôts doivent être regardées comme abrogées à compter du 12 septembre 2012 ; que, dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme [J] avaient contesté l'applicabilité de la méthodologie retenue par l'administration fiscale pour le calcul de l'assiette de leur patrimoine immobilier à retenir au titre de l'ISF pour les années 2015, 2016 et 2017, concernant les immeubles loués en meublés visés à l'article 885 R du code général des impôts, en application des réponses ministérielles référencées n° 93820, n° 114639 et n° 22527 respectivement publiées les 1er août 2006 et 6 mars 2007 au Journal officiel de l'Assemblée nationale et le 3 août 2006 au Journal officiel du Sénat, en soulignant que "ces solutions n'ont pas été reprises au Bofip, de telle sorte qu'elles sont aujourd'hui caduques" ; qu'en écartant la contestation de M. et Mme [J], motif pris de ce que ces derniers ne démontraient pas pour quelle raison ces publications administratives ne seraient plus d'actualité, quand ces réponses ministérielles étaient réputées abrogées faute d'avoir été reprises dans la base Bofip-impôts à compter du 12 septembre 2012, date de mise en ligne de cette base, la cour d'appel a violé l'article 885 R du code général des impôts, ensemble le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires, dans leur rédaction alors applicable ;
2°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; qu'en jugeant que la méthodologie retenue par l'administration fiscale serait incontestable car conforme aux réponses ministérielles toujours d'actualité suite à la recodification à droit constant des dispositions litigieuses à l'article 975 V du code général des impôts, quand cet article n'était applicable qu'à compter du 1er janvier 2018, et ne pouvait donc régir l'ISF dû au titre des années 2015, 2016 et 2017, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article 885 R du code général des impôts, alors applicable, les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés sont des biens professionnels, n'entrant pas dans l'assiette de l'ISF, lorsque le propriétaire des locaux est inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel, réalise plus de 23 000 euros de recettes annuelles dans le cadre de cette activité et retire de cette activité plus de 50 % des revenus professionnels à raison desquels son foyer fiscal est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 ; que, pour apprécier la condition de seuil de 50 %, il convient de retenir les recettes brutes tirées de l'activité de location meublée, et non le résultat net dégagé par cette activité après déduction des charges ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 885 R du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 885 R du code général des impôts, alors applicable, sont considérés comme des biens professionnels au titre de l'ISF les locaux d'habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 du même code.
5. Il résulte de ce texte que, pour apprécier si la condition de prépondérance des revenus tirés de l'activité de location de meublés par rapport aux autres revenus pris en compte est remplie, il convient de retenir, non les recettes brutes tirées de l'activité de location meublée professionnelle, mais le bénéfice industriel et commercial net annuel dégagé par cette activité, afin de permettre la comparaison avec l'ensemble des revenus professionnels du foyer fiscal, y compris le bénéfice tiré de la location.
6. L'arrêt retient que, s'il résulte de l'article 885 R du code général des impôts que l'ensemble des recettes tirées de la location de meublés par M. et Mme [J], soit 147 063 euros au titre de l'année 2015, 144 092 euros au titre de l'année 2016 et 127 652 euros au titre de l'année 2017, doivent être prises en compte pour apprécier le seuil légal de 23 000 euros, la notion de revenus doit être distinguée de celle de recettes en ce qu'elle correspond aux sommes effectivement perçues par les contribuables, lesquels ne peuvent valablement invoquer des revenus équivalents au chiffre d'affaires des locations de meublés, puis relève qu'il résulte des déclarations fiscales de M. et Mme [J] que leur activité de location meublée professionnelle n'a donné lieu à aucun revenu au titre des années 2015 et 2017 et à un déficit de 170 216 euros au titre de l'année 2016.
7. De ces énonciations, constatations et appréciations, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche comme de ceux également surabondants critiqués par la deuxième branche, la cour d'appel a déduit à bon droit que le seuil de 50 % des revenus, conditionnant l'exclusion de l'assiette de l'ISF des locaux d'habitation loués meublés par M et Mme [J], n'était pas atteint.
8. Inopérant en ses première et deuxième branches, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur du contrôle fiscal Centre Est la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.