La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2023 | FRANCE | N°42300807

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 décembre 2023, 42300807


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 20 décembre 2023








Cassation




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 807 F-D


Pourvoi n° E 22-11.730








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

<

br>

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 DÉCEMBRE 2023


La direction générale des douanes et droits indirects de Martinique, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-11.730 c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 décembre 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 807 F-D

Pourvoi n° E 22-11.730

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 DÉCEMBRE 2023

La direction générale des douanes et droits indirects de Martinique, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-11.730 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Caraïbe décoration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la Société moderne de transit (Somotrans), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects de Martinique, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la Société moderne de transit - Somotrans, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Caraïbe décoration, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 23 novembre 2021), la société Caraïbe décoration, enregistrée sous le code APE 31.02Z intégré à la section C de la nomenclature des activités françaises (NAF), a pour activité la fabrication et la pose de meubles de cuisine et de salle de bains et d'aménagements divers. A ce titre, elle importe diverses marchandises qu'elle a déclarées comme étant exonérées d'octroi de mer.

2. A la suite d'un contrôle portant sur ses importations réalisées entre le 30 septembre 2014 et le 8 mars 2018, l'administration des douanes a notifié à la société Caraïbe décoration une infraction sanctionnant une manoeuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment son auteur ou un tiers d'une exonération de taxes ou de droits, puis a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) des droits dus.

3. Sa contestation ayant été rejetée, la société Caraïbe décoration a assigné l'administration des douanes afin de voir annuler l'AMR et d'obtenir la décharge de l'obligation de payer l'imposition réclamée, ainsi que la Société moderne de transit – Somotrans, à qui elle avait donné mandat de la représenter auprès des autorités douanières, afin de la voir condamner, le cas échéant, à la garantir de toutes condamnations.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'administration des douanes fait grief à l'arrêt de dire que la société Caraïbe décoration exerçait une activité de fabrication de meubles l'autorisant à bénéficier d'une exonération d'octroi de mer en vertu d'une décision de la collectivité territoriale de la Martinique, de déclarer nul et de nul effet l'AMR du 19 juin 2018 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer l'imposition réclamée, alors « qu'en considérant que la société Caraïbe décoration pouvait bénéficier de l'exonération d'octroi de mer et d'octroi de mer régional à raison des importations qu'elle avait réalisées, au motif qu'il n'était pas établi avec certitude que les éléments importés correspondaient à des meubles fabriqués à l'extérieur de la Martinique et simplement posés par la société Caraïbe décoration, sans rechercher si les éléments importés avant le 1er juillet 2015 constituaient des matières premières destinées à des activités locales de production, seule hypothèse dans laquelle la société Caraïbe décoration aurait pu bénéficier de l'exonération d'octroi de mer et d'octroi de mer régional instituée par la collectivité territoriale de Martinique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, dans sa rédaction applicable avant la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 entrée en vigueur le 1er juillet 2015. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, 2°, de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, dans sa rédaction initiale, ensemble l'article 1er et l'annexe de la délibération n° 13-264-1 du 26 février 2013 de l'assemblée du conseil régional de Martinique :

5. Selon le premier de ces textes, les conseils régionaux peuvent exonérer l'importation de marchandises lorsqu'il s'agit de matières premières destinées à des activités locales de production.

6. Selon les derniers, le conseil régional de Martinique consent l'exonération des droits d'octroi de mer sur les biens d'équipement et les matières premières présentées, notamment, par la société Caraïbe décoration.

7. Pour dire que la société Caraïbe décoration pouvait bénéficier d'une exonération des droits d'octroi de mer et d'octroi de mer régional, l'arrêt retient que celle-ci dispose des moyens humains et matériels pour fabriquer les meubles dont elle assure la livraison et la pose. Il retient encore que le contrôle opéré par l'administration des douanes ne permet pas d'établir avec certitude que les éléments que la société importe correspondent à des meubles fabriqués sur un territoire distinct de la Martinique alors qu'il n'est pas contesté qu'elle procède à la prise de mesures et à l'agencement de meubles de cuisines ou de salle de bains dont elle importe les panneaux.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les marchandises importées, entre le 30 septembre 2014 et le 1er juin 2015, se classaient sous des positions tarifaires pour lesquelles la société Caraïbe décoration bénéficiait de l'exonération d'octroi de mer et d'octroi de mer régional accordée par le conseil régional de Martinique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. L'administration des douanes fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en considérant que la société Caraïbe décoration pouvait bénéficier de l'exonération d'octroi de mer et d'octroi de mer régional à raison des importations qu'elle avait réalisées, aux motifs inopérants qu'elle disposait du matériel nécessaire pour fabriquer des meubles et qu'elle avait employé un ouvrier spécialisé ayant principalement pour mission la fabrication de meubles et la pose chez les clients des mobiliers ainsi réalisés, sans rechercher si les importations réalisées postérieurement au 1er juillet 2015 avaient spécifiquement concouru à l'activité de fabrication de meubles de la société Caraïbe décoration, seule éligible à l'exonération d'octroi de mer et d'octroi de mer régional pour les importations réalisées après le 1er juillet 2015, et non à une autre activité, telle qu'une prestation de services consistant à assembler et à poser des parties de meubles fabriqués par les sociétés exportatrices, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, dans sa rédaction applicable après la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 entrée en vigueur le 1er juillet 2015. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, 1°, de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015, ensemble les délibérations n° 15-1473-2 du 22 septembre 2015, n° 15-2466-1 du 19 novembre 2015 et n° 16-492-1 du 16 décembre 2016 de l'assemblée du conseil régional de Martinique :

10. Selon le premier de ces textes, l'assemblée de Martinique peut exonérer l'importation de biens destinés à une personne exerçant une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts. Les exonérations sont accordées par secteur d'activité économique et par position tarifaire, dans des conditions fixées par décret.

11. Selon les délibérations de l'assemblée du conseil régional de Martinique, celle-ci consent l'exonération des droits d'octroi de mer et d'octroi de mer régional à toutes les entreprises relevant des secteurs nommément identifiés correspondant au niveau « section » de la NAF, parmi lesquelles figurent les entreprises de la section C. Dans le cas d'une entreprise exerçant plusieurs activités, il appartient à celle-ci d'apporter toutes preuves utiles pour déterminer que l'activité pour laquelle elle sollicite une exonération relève bien d'une des sections nommément identifiées dans la délibération. L'entreprise apportera la preuve de son activité par tous les moyens légaux y compris par la production de justificatifs précisant, par référence à la nomenclature NC, les produits fabriqués.

12. Pour dire que la société Caraïbe décoration pouvait bénéficier d'une exonération de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional, l'arrêt retient que celle-ci est inscrite à la section C de la NAF, qu'il n'est pas contesté que ses importations de panneaux de particules, de panneaux OSB, de barres profilées, de tôles, de bandes d'aluminium, d'autres ouvrages en fer ou en acier, de verre de sécurité, de céramique, de pierres de taille et de feuilles en plastique sont exonérées de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional du fait de sa qualité de fabriquant de meubles. Il retient encore que tant le contrat de travail d'un des salariés de l'entreprise que l'inventaire de son matériel démontrent que la société Caraïbe décoration non seulement livre et pose des meubles mais dispose de moyens humains et matériels pour les fabriquer. Il ajoute que si les sociétés auprès desquelles la société Caraïbe décoration importe des marchandises sont fabricantes de meubles, il n'est pas établi que celle-ci a procédé uniquement à la pose des éléments importés auprès de ces dernières.

13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les marchandises importées entre le 1er juin 2015 et le 8 mars 2018 étaient destinées à l'exercice par la société Caraïbe décoration de l'activité de fabrication de meubles relevant de la section C de la NAF, nommément identifiée dans les délibérations du conseil régional de Martinique comme ouvrant droit à l'exonération de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional, et non à l'activité de livraison et de pose de meubles de cuisine et de salles de bains, dont elle avait constaté que la société Caraïbe décoration s'y livrait également, laquelle relève de la section F de la NAF non nommément identifiée dans lesdites délibérations, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Caraïbe décoration aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Caraïbe décoration et par la Société moderne de transit – Somotrans, et condamne la société Caraïbe décoration à payer à la direction générale des douanes et droits indirects de Martinique la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42300807
Date de la décision : 20/12/2023
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort de France,


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 déc. 2023, pourvoi n°42300807


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Delvolvé et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:42300807
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award