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19/12/2023 | FRANCE | N°C2301521

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 2023, C2301521


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° R 22-87.042 F-D


N° 01521




GM
19 DÉCEMBRE 2023




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 DÉCEMBRE 2023






MM

. [M] [N] et [S] [Y] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2022, qui, pour diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique et dénonciation ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° R 22-87.042 F-D

N° 01521

GM
19 DÉCEMBRE 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 DÉCEMBRE 2023

MM. [M] [N] et [S] [Y] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2022, qui, pour diffamation publique envers un dépositaire de l'autorité publique et dénonciation calomnieuse, les a condamnés chacun à 3 000 euros d'amende dont 2 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. [M] [N] et [S] [Y], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [U] [E], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseillers de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 2 juillet 2021, le tribunal correctionnel a notamment déclaré MM. [M] [N] et [S] [Y] coupables, chacun, des délits de diffamation envers une personne dépositaire de l'autorité publique et de dénonciation calomnieuse, les a condamnés à une amende et a prononcé sur intérêts civils.

3. MM. [N] et [Y] ont relevé appel des dispositions pénales et civiles de cette décision et le ministère public a interjeté appel incident des dispositions pénales.

Examen de la recevabilité des pourvois formés par MM. [N] et [Y]

4. Le délai de trois jours non francs prévu par l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui ne peut être prorogé qu'en application de l'article 801 du code de procédure pénale ou en cas de force majeure, a pour point de départ le lendemain du jour du prononcé de la décision, lorsque les parties ont été informées, comme le prévoit l'article 462, alinéa 2, dudit code, du jour auquel l'arrêt sera prononcé.

5. Il résulte par ailleurs de la combinaison des articles 568 du code de procédure pénale et 59 de la loi du 29 juillet 1881 que, lorsqu'un même arrêt a statué à la fois sur deux infractions respectivement prévues par la loi sur la liberté de la presse et par un autre texte, le délai de pourvoi en cassation est de trois jours non francs en ce qui concerne les dispositions de l'arrêt relatives à la première de ces infractions et de cinq jours francs pour la seconde.

6. Il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que MM. [N] et [Y] ont comparu à l'audience au cours de laquelle la cause a été débattue, que le président a donné l'information prévue par l'article 462 du code de procédure pénale suivant laquelle la décision devait être rendue le 17 février 2022, date à laquelle la cour d'appel a prorogé son délibéré à l'audience du 17 mars suivant. A cette dernière date, l'arrêt a effectivement été prononcé.

7. Les prévenus, déclarés coupables des infractions respectivement prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 et l'article 226-10 du code pénal, se sont pourvus en cassation contre cet arrêt le 22 mars 2022.

8. Si ces pourvois ont été formés dans le délai de l'article 568 du code de procédure pénale, ils l'ont été, en revanche, hors du délai fixé par l'article 59 de la loi sur la liberté de la presse, celui-ci ayant expiré le lundi 21 mars 2022.

9. Ainsi, en l'absence d'allégation d'un événement de force majeure ou d'un obstacle insurmontable et indépendant de leur volonté, les pourvois doivent être déclarés irrecevables comme tardifs, en ce qu'ils sont dirigés contre les dispositions de l'arrêt relatives aux faits de diffamation.

10. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner les trois moyens de cassation proposés relatifs à cette infraction.

Examen du quatrième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré MM. [N] et [Y] coupables des faits de dénonciation calomnieuse, condamné chacun au paiement d'une amende de 3 000 euros avec sursis partiel, ordonné la publication du dispositif du jugement dans le Journal de Saône-et-Loire à leurs frais, déclaré M. [N] et M. [Y] solidairement responsables du préjudice subi par Mme [E] et condamné solidairement M. [N] et M. [Y] à payer à celle-ci la somme de 2 000 euros à titre indemnitaire, alors :

« 1°/ que le délit de dénonciation calomnieuse postule que le fait dénoncé soit faux ; que si la fausseté des faits résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée, en tout autre cas, la juridiction saisie des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci, la charge de la preuve de la fausseté des faits dénoncés reposant sur la partie poursuivante ; qu'en affirmant que les faits dénoncés étaient inexacts, sans assortir leur décision sur ce point du moindre motif factuel précis, les juges du fond, qui ont tenu pour acquis aux débats que les faits dénoncés étaient faux, ont violé les articles 226-10 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que le délit de dénonciation calomnieuse postule que l'auteur de dénonciation soit de mauvaise foi ; qu'en retenant la mauvaise foi de M. [N] et M. [Y] par une simple référence aux « circonstances » qui démontreraient qu'ils ne pouvaient ignorer la fausseté du fait dénoncé, les juges du fond, qui n'ont pas caractérisé en fait la mauvaise foi des prévenus, ont violé les articles 226-10 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 226-10 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

12. Le délit prévu et réprimé par le premier de ces textes est constitué par la dénonciation d'un fait précis, soit imaginaire, soit partiellement exact mais dénaturé en des éléments essentiels, susceptible d'exposer son auteur à des sanctions de nature pénale, administrative ou disciplinaire et dont la fausseté est connue du dénonciateur.

13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Pour déclarer les prévenus coupables du délit de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué retient qu'en présentant l'enquête effectuée par Mme [E] de manière tendancieuse et dénaturée et en ajoutant à des faits matériellement inexacts des circonstances propres à les dénaturer et à motiver par suite des sanctions, les prévenus ont commis l'infraction qui leur est reprochée et que leur mauvaise foi résulte de ce que les circonstances démontrent que les auteurs ne pouvaient ignorer la fausseté du fait.

15. En se déterminant par ces seuls motifs, sans mieux s'expliquer sur la teneur de faits, matériellement inexacts ou dénaturés, dénoncés auprès de l'inspection générale de la gendarmerie nationale, susceptibles d'induire une sanction pénale, administrative ou disciplinaire et sur la pertinence de l'imputation desdits faits ainsi que sur les circonstances de nature à démontrer que chacun des prévenus ne pouvait ignorer leur fausseté, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

16. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation à intervenir sera étendue aux peines et aux dispositions sur les intérêts civils. Les autres dispositions seront maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par MM. [N] et [Y] en ce qu'ils portent sur les dispositions de l'arrêt relatives à la diffamation :

Les DÉCLARE IRRECEVABLES ;

Sur le surplus des pourvois formés par MM. [N] et [Y] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 17 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux déclarations de culpabilité du chef de dénonciation calomnieuse, aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2301521
Date de la décision : 19/12/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 17 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 déc. 2023, pourvoi n°C2301521


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:C2301521
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