LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 785 F-D
Pourvoi n° W 21-11.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023
La société L'Auberge du Moulin, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-11.603 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [Y], domiciliée [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Esprit sushi [Localité 5] République ,
2°/ à M. [Z] [U], domicilié [Adresse 4],
3°/ à Mme [W] [V], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à la société [V] Chenagon Chauvin, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Mme [V] et la société civile professionnelle [V]-Chenagon-Chauvin ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société L'Auberge du Moulin, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [V] et de la société [V] Chenagon Chauvin, de la SARL Corlay, avocat de Mme [Y] ès qualités et de M. [U], après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 novembre 2020), par acte authentique reçu le 4 novembre 2013 par Mme [V], notaire associée de la société civile professionnelle [V]-Chenagon-Chauvin (les notaires), la société civile immobilière L'Auberge du moulin (la bailleresse) a donné en location à la société Esprit sushi [Localité 5] République (la locataire) un terrain destiné à la construction d'un kiosque, en vue d'y exercer une activité de restauration rapide.
2. Le 13 novembre 2013, au motif de l'inconstructibilité du terrain loué, la mairie de [Localité 5] a rejeté la déclaration préalable de travaux déposée par la locataire.
3. Un jugement du 3 mai 2016 a prononcé la liquidation judiciaire de la locataire et a désigné Mme [Y] en qualité de liquidateur.
4. Le 24 novembre 2016, Mme [Y], ès qualités, et M. [U], associé unique et gérant de la société Esprit sushi [Localité 5] République, ont assigné la bailleresse en indemnisation de leurs préjudices.
5. Le 27 avril 2017, la bailleresse a appelé les notaires en garantie.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens du pourvoi principal
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
7. La bailleresse et les notaires font grief à l'arrêt de fixer à 70 000 euros le préjudice subi par M. [U], en lien de causalité directe avec leurs fautes respectives, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à une absence de motifs ; qu'en fixant dans le dispositif de sa décision à 70 000 euros le préjudice prétendument subi par M. [U] en lien de causalité directe avec les fautes respectives de la société L'Auberge du Moulin et de Me [V], après avoir considéré, dans ses motifs, que la part du préjudice personnel subi par M. [U] du fait des fautes respectives en concours des intimés pourrait être fixée à 60 000 euros, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à une absence de motifs.
9. Après avoir retenu dans les motifs de l'arrêt que la part du préjudice personnel subi par M. [U], du fait des fautes respectives en concours de la bailleresse et des notaires, pouvait être fixée à 60 000 euros, la cour d'appel a, dans le dispositif de sa décision, chiffré le préjudice en cause à la somme de 70 000 euros.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Tel que suggéré par M. [U], par la locataire et par les notaires, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Au regard du montant global des condamnations prononcées à l'encontre de la bailleresse et des notaires, il y a lieu de fixer à 60 000 euros le préjudice subi par M. [U] en lien de causalité directe avec les fautes respectives de la bailleresse et de Mme [V].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à 70 000 euros le préjudice subi par M. [U] en lien de causalité directe avec les fautes respectives de la société civile immobilière L'Auberge du moulin et de Mme [V], l'arrêt rendu le 10 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe à 60 000 euros le préjudice subi par M. [U] en lien de causalité directe avec les fautes respectives de la société civile immobilière L'Auberge du moulin et de Mme [V] ;
Condamne M. [U] aux dépens de la présente instance en cassation, en ce non compris ceux exposés en première instance et devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.