LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1210 F-B
Pourvoi n° Z 21-23.980
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023
La société [4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-23.980 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Languedoc-Roussillon, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 28 novembre 2019, pourvoi n° 18-20.386), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF du Languedoc-Roussillon (l'URSSAF) a notifié à la société [4] (la société cotisante) une mise en demeure le 25 novembre 2010 correspondant à un rappel de cotisations pour l'année 2009 et des majorations de retard.
2. La société cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale que « L'employeur tient à la disposition de l'inspecteur de recouvrement mentionné à l'article R. 243-59 un document justificatif du montant des réductions qu'il a appliquées » ; qu'en faisant application de ces dispositions à une mise en demeure qui n'avait été précédée d'aucune procédure de contrôle, la cour d'appel a violé par fausse application l'article D. 241 [lire D. 241-13] du code de la sécurité sociale ;
2°/ que, selon l'article 1315, devenu 1353, du code civil, auquel ne déroge pas l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, l'organisme de recouvrement qui remet en cause le bénéfice d'un dispositif de réduction de cotisations sociales doit démontrer le bien-fondé de sa position ; qu'en rejetant le recours de l'entreprise visée par une mise en demeure qui n'avait été précédée d'aucun contrôle aux motifs que « pour remettre en cause l'annulation de l'exonération qu'elle avait initialement calculée, et affirmer qu'elle n'est redevable que de la somme de 3 086,78 € au titre de l'excédant de réduction de cotisations pour l'année 2009, la [société cotisante] produit un tableau qu'elle présente comme reprenant le nom de ses salariés, sans qu'il soit possible de déterminer ni les conditions dans lesquelles ce tableau a été établi, ni l'exactitude des mentions portées qui ne sont objectivées par aucun document », la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en attendant de l'entreprise visée par la mise en demeure qu'elle « objective », par des documents extrinsèques, le tableau mentionné à l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, ce que l'URSSAF elle-même ne demandait pas, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale n'exige aucun document justificatif extrinsèque, de sorte qu'en reprochant à l'entreprise de ne pas en avoir produit, la cour d'appel en a violé les dispositions ;
5°/ qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions de l'employeur faisant valoir qu'il avait établi chaque mois de l'année 2009 et le 1er janvier 2010 les documents justificatifs du montant des réductions pratiquées, confirmées par la déclaration DADS, de sorte que l'URSSAF ne pouvait prétendre ne pas avoir disposé du document mentionné à l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 241-13, VI, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, applicable au litige, pour bénéficier des réductions de cotisations instituées par ce texte, l'employeur doit tenir à disposition des organismes de recouvrement des cotisations un document en vue du contrôle du respect des dispositions de cet article, document dont le contenu et la forme sont précisés par décret.
5. Selon l'article D. 241-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007, alors en vigueur, ce document doit indiquer le nombre de salariés ouvrant droit aux réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18, le montant total des exonérations appliquées au titre de chacune de ces dispositions ainsi que, pour chacun de ces salariés, son identité, la rémunération brute mensuelle versée, le montant de chaque réduction ou déduction appliquée, le coefficient issu de l'application de la formule de calcul prévue par l'article D. 241-7 et, le cas échéant le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l'article 81 quater du code général des impôts et la rémunération y afférente.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes, dont les dispositions ne sont pas d'application limitée aux contrôles effectués en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, que l'employeur qui décide de pratiquer, sur les cotisations versées aux organismes sociaux, les réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 du même code, doit en justifier par la tenue et la production du document prévu par l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale précité.
7. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'URSSAF a annulé le montant des réductions générales sur les bas salaires de l'année 2009 tel que figurant sur le tableau récapitulatif pour cette année et que la société pouvait justifier du montant de la réduction appliquée par elle en produisant les états mensuels établis pour chaque salarié. Il constate que celle-ci produit un tableau qu'elle présente comme reprenant le nom de ses salariés, mois par mois, pour l'année 2009, et les données relatives à leurs salaires, sans qu'il soit possible de déterminer ni les conditions dans lesquelles ce tableau a été établi, ni l'exactitude des mentions portées.
8. De ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la société ne produisait pas le document prévu par l'article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, et qui n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve ni modifier l'objet du litige, que la société ne justifiait pas du montant des réductions appliquées par elle.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF du Languedoc-Roussillon la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.