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29/11/2023 | FRANCE | N°52302117

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 52302117


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 novembre 2023










Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 2117 F-D


Pourvoi n° Z 22-16.969












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E




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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________






ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023


Mme [P] [J], épouse [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-16.969 contre l'arrêt rendu le 26 ja...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 novembre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2117 F-D

Pourvoi n° Z 22-16.969

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

Mme [P] [J], épouse [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-16.969 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Transparence, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Services marketing diversifiés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Léo Burnett,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [J], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Services marketing diversifiés, et après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2022), Mme [J], épouse [G], a été engagée en qualité d'assistante d'acheteuse d'art par la société Transparence à compter du 6 janvier 1997. En dernier lieu, elle occupait le poste de responsable du service achat art, assurant des missions d'achat d'art pour le compte de la société Léo Burnett, aux droits de laquelle vient la société Services marketing diversifiés.

2. Cette dernière société ayant rompu le contrat le 31 mai 2017, la salariée a été licenciée le 11 avril 2017.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 31 juillet 2017 de demandes tendant à contester son licenciement et à la reconnaissance d'une situation de co-emploi entre la société Transparence et la société Léo Burnett, outre diverses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de ne pas faire droit à ses demandes au titre des dispositions encadrant la durée du travail, des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé, alors « qu'en toute hypothèse, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, Mme [G] faisait valoir qu'elle était ''en mesure de justifier de son temps de travail sur les trois années précédant la rupture de son contrat'' en produisant un décompte journalier de ses heures de travail ; qu'en affirmant péremptoirement que ''Mme [J] ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies et ne permet dès lors pas à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments'' sans analyser, même sommairement, le décompte de ses heures de travail, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, ensemble 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

6. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre des dispositions encadrant la durée du travail, des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé, l'arrêt retient que cette dernière ne présente pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies et ne permet dès lors pas à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

7. En se déterminant ainsi, sans viser, ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de juger que les sociétés Transparence et Léo Burnett ne sont pas coemployeurs, que son employeur est la société Transparence et, en conséquence, de dire que la cause du licenciement est réelle et sérieuse, de ne pas faire droit à ses demandes au titre des dispositions encadrant la durée du travail, des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé, alors « que la qualité de coemployeurs de deux sociétés juridiquement distinctes est reconnue lorsqu'un lien de subordination juridique est caractérisé entre le salarié et chacune de ces deux sociétés même si le salarié n'a signé un contrat de travail qu'avec l'une d'elles ; qu'en l'espèce, Mme [G] faisait expressément valoir qu'elle avait été embauchée, rémunérée et licenciée par la société Transparence, mais qu'elle avait exécuté sa prestation de travail pour le compte, sous l'autorité et dans les locaux de la société Léo Burnett, dont elle était mise à disposition permanente, de sorte que la société Transparence et la société Léo Burnett étaient ses coemployeurs ; qu'en se bornant à relever l'absence d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés Transparence et Léo Burnett, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si Mme [G] n'était pas liée à la société Transparence et à la société Léo Burnett par un double lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

9. Aux termes de ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

10. Il en résulte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

11. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à faire reconnaître la qualité de coemployeur de la société Léo Burnett, l'arrêt énonce que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

12. Il relève que le contrat de travail de Mme [J] stipule en son article 4 que « Mme [J] [G] exercera sa fonction chez notre client B.L.L.B » devenue ensuite Léo Burnett, en exécution de relations commerciales anciennes entre les deux sociétés.

13. Il constate que le lieu de travail exclusif et habituel de Mme [J] se situait, depuis son embauche, dans les locaux de la société Léo Burnett.

14. Il retient que les rapports contractuels établis entre la société Transparence et Léo Burnett ainsi que le lieu d'exercice habituel de Mme [J] ne permettent pas de caractériser une immixtion permanente de la société Léo Burnett dans la gestion économique et sociale de la société Transparence, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière et dont la cour relève que seule la sous-traitance de l'achat d'art de la société Léo Burnett était concernée tout en restant sous le contrôle de sa direction de création.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'intéressée était placée dans un lien de subordination à l'égard de la société Léo Burnett, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Transparence aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que les sociétés Transparence et Léo Burnett ne sont pas coemployeurs, dit que la cause du licenciement est réelle et sérieuse et déboute Mme [J], épouse [G], de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et des dispositions encadrant la durée du travail, des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Transparence et la société Services marketing diversifiés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Services marketing diversifiés et condamne in solidum les sociétés Transparence et Services marketing diversifiés à payer à Mme [J], épouse [G], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302117
Date de la décision : 29/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 nov. 2023, pourvoi n°52302117


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302117
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