LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
COUR DE CASSATION
LM
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 23 novembre 2023
NON-LIEU À RENVOI
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1296 FS-B
Pourvoi n° V 23-15.106
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023
Par mémoire spécial présenté le 25 août 2023, la société [3] ([3]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-15.106 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, recouvrement C3S, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociales des travailleurs indépendants.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. À la suite d'un contrôle de l'assiette déclarée au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour l'année 2015, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 20 juin 2016 comportant un redressement de cette contribution, suivie d'une mise en demeure du 6 mars 2017.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris, la société a, par mémoire distinct et motivé, reçu au greffe de la Cour de cassation le 25 août 2023, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« 1°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er, du code de sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en tant qu'ils conduisent, en cas de subrogation entre un commerçant et un opérateur de détaxe dans le cadre d'une vente opérée au bénéfice d'un client qui peut se prévaloir d'une exonération de TVA, à ce que la contribution sociale de solidarité des sociétés soit exigée à raison des sommes qui sont encaissées par le commerçant auprès du client final et qui, de ce fait, ne confèrent à l'opérateur de détaxe aucune capacité contributive ? ;
2°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er du code de sécurité sociale, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en ce qu'ils établissent une différence de traitement entre les opérateurs de détaxe dans l'établissement de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, selon que l'opérateur exerce son activité par le biais d'un contrat de facturation ou d'un contrat de subrogation ? »
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
4. Les dispositions contestées, la première dans sa rédaction, en vigueur du 25 décembre 2014 au 1er janvier 2016, issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 et la seconde dans sa rédaction, en vigueur du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2018, issue de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014, sont applicables au litige, qui concerne un redressement au titre de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, notifié par une URSSAF à la société, calculée sur le chiffre d'affaires issu de la totalité des ventes ayant fait l'objet d'une opération de détaxe par l'intermédiaire de celle-ci.
5. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, a déclaré conforme à la Constitution l'article 12 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, modifiant notamment les dispositions contestées, il résulte de la liste figurant sur le site du Conseil constitutionnel, que celles-ci n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux au regard des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
8. En effet, en premier lieu, le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
9. Les dispositions critiquées faisant obligation aux sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, il ne saurait être sérieusement soutenu que la différence d'assiette de la contribution résultant, entre deux catégories d'opérateurs spécialisés dans la gestion des opérations de détaxe, des conditions contractuelles distinctes dans lesquelles ces derniers exercent leurs activités dans le cadre d'un contrat de subrogation de l'opérateur au commerçant dans un cas ou d'un contrat de facturation dans l'autre cas, porte atteinte au principe d'égalité devant la loi énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
10. En second lieu, l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.
11. Les dispositions contestées assujettissent à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés les opérateurs de détaxe qui, lorsqu'ils recourent à un contrat de subrogation, se voient céder la marchandise qu'ils revendent immédiatement au client bénéficiaire de la détaxe et ont seuls la qualité de vendeurs exportateurs. La circonstance qu'ils ne deviennent qu'un instant propriétaire des marchandises à la place du commerçant relève de la forme contractuelle librement choisie pour régler leurs relations.
12. Dès lors, les opérateurs de détaxe réalisant en leur nom des ventes à l'exportation, dont le prix intègre leur chiffre d'affaires, par subrogation aux commerçants qui leur ont cédé la marchandise, il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions contestées portent atteinte aux exigences du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.