LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 novembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1181 FS-B
Pourvoi n° E 21-12.922
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023
La société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], agissant en qualité de cédant chargé du recouvrement des créances conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et mandaté par le [3], représenté par la société de gestion [2], a formé le pourvoi n° E 21-12.922 contre le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le président du tribunal de proximité de Lens, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [Z],
2°/ à Mme [T] [V], épouse [Z],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [4], agissant en qualité de cédant chargé du recouvrement des créances conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et mandaté par le [3], représenté par la société de gestion [2], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [Z], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 4 janvier 2021), rendu en dernier ressort, M. et Mme [Z], dont la demande tendant au traitement de leur situation financière avait été déclarée recevable, ont formé une contestation à la suite de la notification de l'état du passif dressé par la commission de surendettement, laquelle a saisi un juge à fin de vérification de la validité du titre de créance et du montant des sommes réclamées par la société [4], désormais dénommée [4] (la société), et aux droits de laquelle se trouve le [3] (le [3]), la société agissant dans la procédure en sa qualité de cédant chargé du recouvrement et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. La société fait grief au jugement de déclarer M. et Mme [Z] recevables en leur contestation aux fins de vérification de la créance du [3], de juger que la créance du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors :
« 1°/ que la demande de l'emprunteur visant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt consenti par un établissement bancaire est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du juge que M. et Mme [Z] étaient demandeurs à l'instance à laquelle la société [4] avait été attraite en qualité de défendeur (jugement, p. 2), et qu'ils avaient formé une demande en déchéance du droit aux intérêts qui devait être déclarée recevable (jugement, p. 5, § 9) ; qu'en retenant néanmoins que M. et Mme [Z], en sollicitant la déchéance du droit aux intérêts, n'avaient fait que soulever un moyen de défense non soumis à la prescription, le juge de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 110-4 du code de commerce ;
2°/ que, subsidiairement, dès lors que l'emprunteur qui soulève en défense la déchéance du droit aux intérêts sollicite la restitution de ces intérêts, il forme une demande reconventionnelle soumise à prescription ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] sollicitaient, à la suite de la déchéance du droit aux intérêts, que le montant de ces intérêts soit déduit du capital restant dû ; qu'en décidant néanmoins que ceux-ci ne soulevaient qu'une défense au fond non soumise à prescription, le juge de proximité a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 723-3 du code de la consommation, le débiteur peut contester l'état du passif dressé par la commission et demander à celle-ci de saisir le juge des contentieux de la protection, aux fins de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées.
5. Selon l'article R. 723-7 du même code, la vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires. Les créances, dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue, sont écartées de la procédure.
6. Aux termes de l'article 71 du code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que constitue une défense au fond, le moyen opposé à l'occasion de la procédure de vérification des créances et tiré de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut tendre qu'à ce que la créance soit écartée, en tout ou partie, pour la poursuite de la procédure, sans que le débiteur ne puisse prétendre à la restitution d'un éventuel trop-perçu.
8. Ayant retenu que toute cause de déchéance n'a pas à être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, un moyen de défense au fond pouvant être opposé en tout état de cause sans être soumis à la prescription, le juge en a déduit, à bon droit, que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts était recevable.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. La société fait grief au jugement de juger que la créance n° 10206742503 du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors :
« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] demandaient uniquement à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts, que le montant des intérêts trop perçus soit déduit du montant restant dû, et que le trop-perçu de prime d'assurance soit lui-même réaffecté au remboursement du capital ; qu'en jugeant que l'intégralité de la créance litigieuse était « soldée » pour les besoins de la procédure de surendettement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges sont tenus d'assortir leur décision de motifs propres à la justifier ; qu'en se bornant à retenir en l'espèce, s'agissant du montant de la créance, qu'il convenait de constater, au vu de l'historique de compte produit aux débats, que la créance du Fonds commun de titrisation était soldée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Il résulte des articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation que le juge, saisi d'une demande de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées, est tenu de fixer le montant de la créance pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission.
12. C'est sans violer les articles 4 et 5 du code de procédure civile que le juge, après avoir retenu que la déchéance du droit aux intérêts était encourue, en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, par une décision motivée, que la créance était soldée.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [4], en sa qualité de cédant chargé du recouvrement, conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4], en sa qualité de cédant chargé du recouvrement, conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2], et la condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.