LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 novembre 2023
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1125 F-B
Pourvoi n° D 22-12.051
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023
La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-12.051 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 décembre 2021), à la suite de deux contrôles portant sur les années 2006 et 2007, puis 2011 et 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) implantée en zone franche urbaine, les 23 janvier 2009 et 3 février 2014, deux lettres d'observations suivies de deux mises en demeure résultant de la remise en cause de l'exonération des cotisations sociales au titre de cette implantation.
2. La société a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que le contrat de travail à durée indéterminée convenu toutes clauses reprises par ailleurs et avec report d'ancienneté le lendemain de la date d'expiration du contrat à durée déterminée auquel il succède est la poursuite du même contrat de travail ; qu'en approuvant l'URSSAF d'avoir comptabilisé deux fois les salariées concernées, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 modifiée ;
2°/ qu'à supposer qu'il se soit agi de deux contrats successifs, le premier ayant pris fin, un seul devait être comptabilisé ; qu'en les cumulant, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, modifiée. »
Réponse de la Cour
5. Constitue une nouvelle embauche au sens de l'article 12-VI de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, modifiée, la conclusion d'un nouveau contrat de mission, peu important l'absence d'intervalle de temps entre les deux missions successives.
6. C'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que les contrats de travail à durée déterminée des salariées concernées étant arrivés à leur terme avant la conclusion d'un nouveau contrat de travail en faveur de chacune d'elles, chacun des contrats constituait une embauche distincte, au sens des dispositions régissant l'exonération litigieuse et devait être prise en compte dans le quota d'embauches de résidents en zone franche urbaine.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en retenant un contrat de qualification au titre des embauches hors zone franche urbaine au motif erroné et en tout cas inopérant qu'il s'agirait d'un contrat de travail contrairement au contrat d'apprentissage, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 modifiée, ensemble l'article L. 1111-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 12, IV, et 13, II, de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, dans leurs rédactions successivement applicables au litige et les articles L. 6325-5 et L. 1111-3, 6°, du code du travail, le dernier dans sa rédaction applicable depuis la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 :
9. Selon le dernier de ces textes, ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.
10. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que les titulaires d'un contrat de qualification, devenu contrat de professionnalisation, n'entrent pas dans les effectifs pris en compte pour l'application aux entreprises implantées en zones franches urbaines de l'exonération de cotisations sociales patronales.
11. Pour valider le redressement au motif que le quota de résidents zone franche urbaine embauchés n'était pas atteint, l'arrêt relève qu'il résulte de l'article L. 981-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable, que le contrat de qualification est un contrat de travail à durée déterminée obéissant à un régime spécifique et qu'il n'y a aucune raison, à la différence du contrat d'apprentissage qui n'est pas un contrat de travail, que les salariés recrutés sous contrat de qualification professionnelle soient exclus de l'effectif de l'entreprise pour le calcul des exonérations.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.
Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.