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15/11/2023 | FRANCE | N°21-16206

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 21-16206


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 novembre 2023

Cassation

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2039 F-D

Pourvoi n° Z 21-16.206

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023

La société Next Management [Locali

té 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-16.206 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 novembre 2023

Cassation

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2039 F-D

Pourvoi n° Z 21-16.206

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023

La société Next Management [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-16.206 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à Mme [L] [F], domiciliée [Adresse 2] (Suisse), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Next Management [Localité 3], de Me Occhipinti, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L.431-3 alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 2021), la société Next Management [Localité 3] (la société), agence de mannequins, et Mme [F], mannequin établie en Suisse, sont entrées en relation pour l'accomplissement de missions de courte durée avec des maisons de haute couture. Elles ont conclu un contrat de prestations de services à effet au 1er juin 2015.

2. Un litige subsistant sur la qualification de la relation entre les parties pour la période d'octobre 2014 à août 2015, Mme [F] a saisi le tribunal de commerce de Paris le 1er août 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de juger mal fondée l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée, de déclarer le tribunal de commerce compétent et de renvoyer les parties pour communication des pièces et conclusions au fond, alors « que tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail ; que seuls les mannequins reconnus comme prestataires de services qui sont établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant, échappent à cette présomption de salariat ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme [F], qui avait travaillé pour le compte de la société Next Management [Localité 3] entre octobre 2014 et août 2015 dans le cadre de plusieurs contrats de mise à disposition, était établie en Suisse, pays non membre de l'Union Européenne ni partie à l'accord sur l'Espace Economique Européen, ce dont il résultait que la présomption de salariat lui était applicable nonobstant son activité exercée à titre indépendant en Suisse ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant qu'étaient applicables à la Suisse les dispositions du règlement (CE) n° 883/04 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et celles du règlement (CE) n° 987/2009 du 16 septembre 2009 qui en fixent les modalités d'application, la cour d'appel a violé l'article L. 7123-4-1 du code du travail par fausse application et l'article L. 7123-3 du code du travail par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement n° 883/2004 et les articles L. 7123-3 et L. 7123-4-1 du code du travail :

4. Par arrêt du 14 mai 2020 (CJUE, Bouygues travaux publics e.a., C-17/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'un certificat E 101, délivré par l'institution compétente d'un Etat membre, au titre de l'article 14, point 1, sous a), ou de l'article 14, point 2, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, à des travailleurs exerçant leurs activités sur le territoire d'un autre État membre, et un certificat A 1, délivré par cette institution, au titre de l'article 12, paragraphe 1, ou de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, à de tels travailleurs, s'imposent aux juridictions de ce dernier État membre uniquement en matière de sécurité sociale.

5. Il en résulte que le maintien d'un certificat E101 ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'Etat membre d'accueil applique les règles nationales de droit du travail relatives à la relation de travail en cause et sanctionne la violation par l'employeur d'obligations que le droit du travail met à la charge de celui-ci.

6. Aux termes de l'article L. 7123-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail.

7. Selon l'article L. 7123-4-1 du même code, la présomption de salariat prévue aux articles L. 7123-3 et L. 7123-4 ne s'applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant.

8. Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société, l'arrêt relève que les règlements (CE) n° 883/2004 et (CE) n° 987/2009 prévoyant la délivrance de ce certificat sont applicables dans les relations entre la Suisse et les Etats membres. Il ajoute que Mme [F] justifie être inscrite au registre du commerce du canton de [Localité 4], en Suisse, depuis le 21 février 2011, son entreprise ayant notamment pour objet le marketing international et national, la coordination, le regroupement et activité de conseil en Suisse et à l'étranger dans le domaine du mannequinat, de la mode, du cinéma, du théâtre, de l'art. Il retient ensuite qu'elle verse aux débats une attestation de Mme [J], ancienne Office Manager de la société Next Management, qui indique qu'en arrivant en 2014, Mme [F] a manifesté le souhait de devenir mannequin indépendant auprès de l'agence, qu'elle n'a jamais accepté de signer le contrat standard qui lui avait été transmis, en raison de son statut de travailleur indépendant et qu'elle a très vite fourni les documents nécessaires (formulaire A1 et attestation de société) qui ont été immédiatement adressés au service administratif de la société.

9. L'arrêt retient encore que l'intéressée produit le certificat concernant la législation de sécurité sociale applicable (formulaire A1) justifiant qu'elle a été affiliée en Suisse du 1er octobre au 31 décembre 2015 et une attestation justifiant qu'elle est affiliée à la caisse de sécurité sociale suisse et qu'elle a versé des cotisations en Suisse sur la rémunération qu'elle a perçue en France lorsqu'elle travaillait pour la société Next Management pour la période du 1er octobre 2014 au 31 août 2015. Il relève enfin qu'elle communique des courriels échangés avec la société au mois de février et mars 2015 sur le paiement des charges sociales démontrant qu'elle n'acceptait pas le statut de salarié.

10. La cour d'appel en a déduit que, si la société a employé Mme [F] dans le cadre habituel réservé aux mannequins, celle-ci remplissait les conditions pour être travailleur indépendant par rapport à son pays d'origine en ce qu'elle était inscrite au registre du commerce et payait ses cotisations sociales en Suisse.

11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que l'intéressée était établie en Suisse, pays non membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ce dont il résultait que la présomption de salariat lui était applicable, nonobstant son activité exercée à titre indépendant en Suisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16206
Date de la décision : 15/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2023, pourvoi n°21-16206


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.16206
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